Palestine
Un conseil palestinien taillé sur mesure
Fadwa Nassar
Le
président palestinien Mahmoud Abbas
assiste au sommet arabe, à Dammam,
en Arabie saoudite, le 15 avril 2018. /
Thaer
Ganaim /
apaimages /
Maxppp
Vendredi 4 mai 2018
La réunion du
conseil (national) palestinien à
Ramallah, dans le propre siège de
Mahmoud Abbas, inaugure une phase de
division nette entre la voie de la
résistance et la voie de la
capitulation, entre le désir d’une
pratique démocratique au sein d’une
organisation qui concerne l’ensemble du
peuple palestinien et le désir de
s’accaparer un conseil pour mener des
tractations avec l’ennemi, entre une
voie qui réclame l’unité du peuple
palestinien et une voie qui a décidé que
le peuple palestinien se résume à une
partie du Fatah et quelques
organisations satellites de Mahmoud
Abbas. Pourquoi réunir le
Conseil (national) palestinien après 22
ou 23 ans ? se demandent de nombreux
commentateurs palestiniens. Depuis
plusieurs années déjà, Mahmoud Abbas
prépare sa suite, taillée à sa mesure,
réalisant que le temps dévolu à
l’Autorité palestinienne tire à sa fin.
Remplacer l’AP par le CP, un tour de
passe-passe, pour lui, quitte à
démanteler ce qui a fait jusque là
l’importance du conseil national
palestinien, même amputé des
organisations islamiques de la
résistance, donc d’une composante non
négligeable du peuple palestinien. Pour
ce faire, Mahmoud Abbas et Salim Zaanoun,
président du CNP, deux
« vieillards séniles» et « menteurs »,
selon les termes d’un cadre du Fateh,
Hussam Khadr, décident une réunion
« vite fait bien fait », à l’ombre des
chars et des fusils de l’occupant, pour
installer de nouveaux venus, tous ceux
qui ont prêté récemment allégeance à la
voie inaugurée par Mahmoud Abbas, au
conseil Exécutif de l’OLP.
Peu importe pour
lui et pour des membres dirigeants au
Fateh, comme Azzam al-Ahmad, que le FPLP
ait refusé d’y participer (qu’elle aille
boire l’eau polluée de Gaza, dira-t-il),
que les mouvements du Hamas et du Jihad
islamique en soient exclus d’office, peu
leur importe que 150 personnalités du
CNP aient refusé cette « mascarade » et
annoncé leur refus d’y participer, peu
leur importe que ce faisant, ils violent
les accords du Caire (2005 et 2011) et
les ententes de Beirut (2017) pour
réunifier l’OLP et fixer un programme de
lutte unifiant le peuple palestinien et
ses organisations. L’essentiel pour une
certaine direction du Fateh (l’autre a
été écartée au fil des ans) et pour
Mahmoud Abbas, c’est que le Conseil
(national) palestinien, nouvellement élu
et débarrassé de tous ceux qui le
gênent, adopte sa ligne de conduite et
son programme, vidé de tout contenu
libérateur, si on peut parler d’un
programme. L’essentiel pour lui consiste
à présent à remplacer les structures de
l’AP, notamment son conseil législatif,
où le Hamas l’a emporté en 2006, par un
CP qui ne représente plus les
Palestiniens où qu’ils soient, dans les
territoires occupés en 48 et dans
l’exil, mais uniquement en Cisjordanie
occupée et éventuellement la bande de
Gaza, s’il parvient à mettre la main
dessus. Bref, un CP qui va aussi loin
que l’horizon bouché de Mahmoud Abbas.
S’étant fait élire
à la tête de l’Autorité palestinienne,
puis à la tête du Fateh, puis à la tête
du comité exécutif de l’OLP, au cours
des dernières années, et excluant tous
ceux qui le gênent, que ce soit Mohammad
Dahlan, son complice dans la lutte
contre Yasser Arafat, ou des dizaines de
cadres militants du mouvement, Mahmoud
Abbas peut jouer sur l’un ou l’autre des
tableaux. Un jour l’AP, un autre jour le
CP, et avant, le comité central du Fateh
ou le comité exécutif de l’OLP. Seules
les monarchies du Golfe ont réussi à
réunir autant de pouvoir entre leurs
mains, sans susciter l’inquiétude de la
« communauté internationale », très
pointilleuse quand elle le veut, sur la
question de la séparation des pouvoirs.
Yasser Arafat fut d’ailleurs une de ses
victimes, avec l’aide de Mahmoud Abbas,
parce qu’il refusait de courber l’échine
devant leurs projets de liquidation de
la cause palestinienne.
Le Conseil
palestinien réuni à Ramallah n’a rien de
national, ni dans son programme, ni dans
sa représentativité. Il représente
désormais le « leader » Mahmoud Abbas,
point final. Ce n’est sûrement pas la
présence de quelques organisations, en
mal de légitimité, comme le FDLP, al-Mubadara
de Mustafa Barghouty, ou le parti du
peuple de Bassam Salhi, qui va changer
les choses. Ces dernières espèrent tirer
profit de leur participation, faisant
croire que le nouveau Conseil
Palestinien serait national.
Mahmoud Abbas et
consorts prétendent vouloir lutter
contre le « deal du siècle » de
Trump-Netanyahu, mais en divisant le
peuple palestinien et en refusant
l’unité de ses organisations, en
sabotant ses institutions populaires, en
serrant le blocus contre la bande de
Gaza, ils ont accepté ce deal, mais
espèrent se trouver une place plus
importante que ne prévoient les
« grands » et les financeurs, la famille
saoudienne en premier lieu. Les petites
tirades lancées contre les uns et les
autres, ont pour objectif de masquer la
participation effective de Mahmoud Abbas
et sa clique au projet de liquidation de
la cause palestinienne, en réclamant
quelques ajustements pour élargir leur
part. Le CP a donc adopté la ligne
Abbas, dont le long discours truffé de
fautes historiques a cependant hérissé
les sionistes et leurs amis. Mais le
peuple palestinien ne s’y retrouve pas,
ni ses organisations de lutte. Il y a
quelques années, dr. Ramadan Shallah
avait résumé les problèmes vécus par
l’OLP, dans une interview : l’OLP a un
problème de légitimité, en se posant
comme représentant unique et légitime du
peuple palestinien, elle devrait
rassembler tout le peuple palestinien.
Comment peut-on affirmer qu’elle est le
représentant « unique » si elle exclut
le Hamas et le Jihad ? Ensuite, l’OLP a
un problème de légitimité combative.
Etant née pour libérer la Palestine, que
l’OLP précise que représente « Israël »
pour elle, notamment en Cisjordanie ?
Est-ce une occupation ? Un voisinage ?
S’il s’agit d’une occupation, il faut
résister, or les résistants sont
poursuivis et la collaboration
sécuritaire avec l’ennemi se poursuit.
En 1996, le CNP s’est réuni uniquement
pour supprimer la charte nationale
palestinienne. Aujourd’hui, il se réunit
pour confirmer la domination de Abbas,
confirmer l’exclusion du Hamas et du
Jihad et tous ceux qui refusent la voie
de Abbas. Le fait d’avoir maintenu
l’OLP, qui a été avalée par l’Autorité
palestinienne, a servi à deux
objectifs : garder une carte de rechange
au cas où l’Autorité s’effondre, et ce
qui est encore plus dangereux, car il
s’agit d’une question interne au peuple
palestinien, réserver le nom et le
statut de l’OLP pour empêcher la
naissance de tout autre alternative qui
puisse représenter le peuple palestinien
dans son ensemble, dans l’exil et dans
l’ensemble des territoires palestiniens,
occupés en 48 ou en 67.
Cependant, c’est
aux organisations de la résistance
d’affirmer et d’agir pour une
alternative combattante, qui soit digne
des sacrifices du peuple palestinien.
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