Actualité
L'incohérente cohérence de la
lutte de
la coalition contre Daech en Syrie
Ekaterina Yanson
© Photo.
US Marine Corp
Mardi 19 décembre 2017
Source :
Sputnik
Le Président de la République n'est pas
resté muet face aux accusations de
Bachar el-Assad contre la France et les
pays occidentaux pour leur soutien au
terrorisme. Selon M.Macron, seule la
coalition internationale, dont les
actions ont été «cohérentes depuis le
début», est capable de défaire Daech.
Mais de quelle cohérence parle-t-il?
Tandis que les
États-Unis volent ouvertement la
victoire contre les terroristes aux
armées syrienne et russe, la France se
limite à prédire la victoire de la
coalition au mois de février. «Si
quelqu'un a combattu et peut gagner
d'ici fin février c'est la coalition
internationale»,
affirme Emmanuel Macron en réponse
aux critiques de son homologue syrien
selon lesquelles les mains de la France
«sont trempées dans le sang syrien».
La certitude du
dirigeant français s'explique
facilement: «nous avons été cohérents
depuis le début», précise-t-il, à
l'issue d'un rendez-vous avec le
secrétaire général de l'Otan, Jens
Stoltenberg. Pour lui, «tous les autres
ont des ambiguïtés» et leur priorité est
de «frapper les opposants» au
gouvernement d'Assad.
Voici un bref
aperçu de la «cohérence» et de la
«non-ambiguïté» des démarches de la
coalition dirigée par les États-Unis,
dans une longue quête de son véritable
ennemi.
Le départ d'Assad,
oui ou non?
Sur le sol syrien,
la France s'est engagée dans la lutte
anti-terroriste à l'automne 2015,
abandonnant ainsi sa
tactique d'éviter d'intervenir en
Syrie afin de ne favoriser ni le
gouvernement syrien de Bachar el-Assad
ni les terroristes de Daech. Et par la
suite la rhétorique française (et
américaine) s'avère avoir changé à
maintes reprises.
En mars 2017,
le départ d'Assad a été supprimé de
la liste des priorités des États-Unis
sous la présidence de Donald Trump.
Selon le secrétaire d'État américain Rex
Tillerson, «le sort du Président Assad,
à long terme, sera décidé par le peuple
syrien». Après son arrivée au pouvoir,
Emmanuel Macron a revu la ligne de Paris
sur le dossier syrien, écartant lui
aussi le départ d'Assad, la condition
nécessaire pour le règlement syrien de
son prédécesseur, au second plan.
«Je n'ai pas énoncé
que la destitution de Bachar el-Assad
était un préalable à tout. Car personne
ne m'a présenté son successeur
légitime!». C'est là qu'il a considéré
la
«lutte absolue» contre les
djihadistes comme le principal objectif
de la France.
En juillet, le chef
d'État a confirmé en fait l'incohérence
de la politique française
affirmant que «Nous avons en effet
changé la doctrine française à l'égard
de la Syrie». Ce quelque cinq mois avant
de se féliciter, dernièrement, pour la
cohérence de la lutte anti-terroriste.
En outre, le Président rappelle de
nouveau que «le peuple syrien a un
ennemi, il s'appelle Bachar. C'est une
réalité».
Opposition de la
discorde
Des incohérences se
dessinent également dans l'attitude de
la coalition internationale envers ses
ennemis extrémistes. Si, en 2012, les
États-Unis ont
considéré le Front al-Nosra comme
terroristes, l'année 2016 apporte des
surprises.
Dans la liste des
groupes de l'opposition syrienne fournie
par Washington, deux se sont avérés se
battre aux côtés de Daech et huit aux
côtés du Front al-Nosra, rebaptisé Fatah
al-Cham, avait annoncé Anatoli Antonov,
vice-ministre russe de la Défense à
l'époque.. Ainsi, les États-Unis ne
parviennent toujours pas à faire le
distinguo entre l'opposition qu'ils
soutiennent et les extrémistes, tout en
poursuivant pourtant leur campagne
militaire. Et le Front al-Nosra, groupe
terroriste qui ne veut ni la paix en
Syrie ni rendre les armes, semble être
alimenté par des radicaux de
l'opposition armée.
Bilan de
l'opération
Ce manque de
compréhension de son véritable objectif,
n'est-il pas la cause des
801 morts civils reconnus par la
coalition internationale? Alors que 695
cas signalés restaient à traiter. Le
chiffre concerne les frappes contre
Daech des États-Unis et de leurs alliés,
qui les réalisent sans l'accord des
autorités syriennes, depuis août 2014 en
Syrie en Irak.
Ce alors que le
nombre total des raids aériens de la
coalition en Syrie, en un mois, est
«inférieur au nombre des frappes russes
contre Daech par jour», d'après le
ministère russe de la Défense.
En trois ans, les
États-Unis et leurs alliés ont réalisé
28.198 raids aériens en Syrie, selon les
données de l'Operation Inherent Resolve
pour le 30 novembre 2017. La Russie
quant à elle, qui est entrée dans le jeu
en septembre 2015, comme la France, a
porté plus de 92.000 frappes aériennes
lors d'environ 30.000 sorties.
«Plus de 67.000
kilomètres carrés du territoire syrien,
près d'une millier de localités et 78
gisements de pétrole et de gaz ont été
libérés», selon Sergueï Sourovikine,
commandant des Forces aériennes russes.
Plans du
règlement: quelles parties à la table
des négociations?
En novembre 2016,
Emmanuel Macron, alors candidat à la
présidentielle, a affirmé
ne pas être naïf sur Bachar el-Assad
et par conséquent ne proposait pas «de
trouver une solution avec lui», bien
qu'actuellement il invite les
représentants de ce dernier à la table
des négociations:
«Si nous voulons
construire un processus de paix qui
conduira à la stabilité, nous nous
devons de mettre les parties autour de
la table et construire une transition»,
explique-t-il. «C'est un processus où
les représentants de Bachar el-Assad
seront là car il est aujourd'hui à la
tête du pays […] mais il est
indispensable que l'ensemble des
oppositions soient présentes et que nous
ayons un processus politique et
électoral qui permette à l'ensemble des
Syriens de pouvoir s'exprimer.»
Dans ce contexte,
qu'en est-il de la Russie qui vient de
retirer ses troupes du territoire
syrien, ayant accompli sa mission? À en
juger par les propos d'Emmanuel Macron,
il se montre plutôt intéressé par ce
type de coopération.
«Aujourd'hui, il y
a une puissance, la Russie, qui s'est
inscrite de façon déterminante dans la
situation syrienne. La France ne peut
pas laisser dans un dialogue singulier
les États-Unis et la Russie, qui sont
par ailleurs profondément opposés,
décider du sort de la Syrie»,
avait-il mis en valeur en 2016.
Sa position n'a pas
trop changé après son arrivée au
pouvoir. En juin, déjà aux commandes du
pays, il a affirmé avoir besoin de la
coopération de tous, «en particulier de
la Russie», pour éradiquer les
terroristes. En juillet, il a confié que
les relations avec la Russie étaient
très importantes, malgré les désaccords.
«Dans
l'environnement actuel, en particulier
au Moyen-Orient, c'est une nécessité de
travailler ensemble, d'échanger les
informations, de partager nos désaccords
et d'essayer d'y concevoir des
solutions», a déclaré M.Macron lors
d'une conférence de presse à l'Élysée
avec Donald Trump, en déplacement en
France.
La cohérence n'est
donc observée ni au niveau des paroles,
ni des chiffres, ni des actions des
membres de la coalition. La seule
tendance cohérente à traquer se
cache-t-elle plutôt dans leurs
incohérences?
© 2017 Sputnik. Tous droits réservés
Publié le 20 décembre 2017
Le
dossier Syrie
Les dernières mises à jour
|