Corse
Corse. La seule solution : la
Révolution, non violente
Edmond Simeoni
Lundi 14 mars 2016
C’est abrupt, brutal; cette affirmation
qui exclut toute provocation ou toute
dérive gauchiste est le fruit d’une
implication permanente dans les luttes
insulaires, de décennies d’engagement
total contre l’Etat et le clan, depuis
cinquante ans, mais aussi le fruit aussi
d’une très longue réflexion, d’échanges,
d’étude approfondie de l’histoire
-d’hier et contemporaine- tant en Corse
qu’en France et qu’ailleurs, en Europe
et dans le monde. Cette solution a, ici
en Corse, une seule contrainte,
indépassable mais de taille : elle doit
s’interdire la violence – réveil
toujours possible et rédhibitoire- pour
arriver à ses fins et elle ne peut
utiliser que les moyens démocratiques
(manifestations pacifiques, luttes
non-violentes multiples,
internationalisation, suffrage universel
naturellement….L’évolution récente de la
jeunesse corse participe fortement de
cette orientation. Je vais essayer
d’être clair, concis et convaincant.
I°) Les
données du problème sont simples ;
Il existe un peuple corse, avec
une langue, une histoire, une culture,
un territoire - l’ile de Corse- ; il
est une nation, c’est-à-dire un peuple
qui a le droit international d’être
reconnu et qui a la volonté de vivre un
avenir commun, paisible, fraternel, dans
une Europe et dans un monde où la
diversité, admise et respectée, prime.
Le nier confine au déni de la vérité et
du droit et au choix, indéfendable car
injustifiable, de l’arbitraire.
Ce peuple existe depuis des
millénaires ; il vivait libre mais sa
position stratégique, en Méditerranée, a
suscité d’éternelles agressions – les
Barbaresques-, des occupations -la
tutelle génoise a duré quatre siècles-
Puis, celle-ci a vendu la Corse à la
France, comme du vulgaire bétail, un
peuple qui s’était libéré de la tutelle
génoise par la lutte et que le
colonisateur ne pouvait plus contenir ;
Pasquale Paoli, le père de la nation
corse, homme du siècle des Lumières,
arrache l’indépendance nationale de
1755 à 1769 et crée des institutions (
ébauche de Constitution, monnaie,
justice, droit de vote aux femmes…).
La France, puissance impériale puis
coloniale ne pouvait accepter cette
émancipation et, très supérieure, elle
écrase l’armée Corse à Pontenovu en
1769. Puis elle se livre à une
répression, d’une férocité remarquable
jusqu’en 1812 où la francisation
forcenée prend le relais des armes ;
elle étrangle enfin l’économie de l’île
avec des lois douanières iniques,-
taxant les exportations et détaxant les
importations- pendant un siècle. La
population locale n’a droit qu’au
silence ou aux révoltes , vite
réprimées ; le clanisme est renforcé
dans ses exactions, par des
passe-droits, une tolérance insigne de
ses abus ; en contrepartie, il livre
son Pays au colonisateur avec le socle
d’une fidélité inconditionnelle à L’Etat
qui régente tout. Un deal historique
imposé par la force et funeste pour le
peuple corse.
Il faut une singulière cécité ou
une incroyable mauvaise foi pour nier
les résistances permanentes,
multiformes, du peuple corse contre les
Barbaresques, contre Rome, Pise et
contre Gênes et puis, in fine, contre la
France –une ode chronique à la liberté-;
pour la période contemporaine -1960 à
2016-, on ne compte plus les révoltes,
les oppositions, les requêtes ; plus de
10.000 attentats, des justices
d’exception, une répression permanente,
3 statuts médiocres et un
supplémentaire en préparation, tous
frileux car la France joue la montre et
est persuadée que le temps et la
disproportion des forces antagonistes,
la lassitude espérée, jouent en sa
faveur. Malgré les évidences et la
dénégation historique, l’aspiration à la
liberté, -une constante de notre
histoire-, se renforce.
Palazzu
naziunale in Corti
II°) Evolutions récentes :
La Corse a suscité, dans la période
contemporaine, deux démarches de
résistance très longtemps en conflit ;
l’une, autonomiste, (création de l’ARC
en 1967) agissant dans un cadre
exclusivement légal mis à part Aléria en
1975 où l’attitude intransigeante de
l’Etat a provoqué le drame ; l’autre
indépendantiste (création du FLNC en
1976), utilisant la violence
clandestine.
* Le premier tournant politique
significatif se situe en 2010 ; la
mouvance nationaliste recueille 36% des
suffrages aux élections territoriales (
26% pour les autonomistes et 10% pour
les indépendantistes), sur un terrain où
le clientélisme, a-démocratique, est
enraciné depuis deux siècles. Le système
politique traditionnel, en grande
partie, adopte de nombreuses idées du
mouvement national concernant
l’identité, l’écologie, la nécessaire
révision de la Constitution, la co-officialité
de la langue, le Statut de résident… dès
lors, ces idées gagnent en notoriété et
en pertinence ; comme l’a dit «, Antonio
Gramcsi, les victoires idéologiques
précèdent toujours les victoires
politiques ».
* Mr François Hollande est élu Président
de la République en 2012 ; sous sa
houlette, les différents Premiers
ministres -Ayrault puis Vals- opposent
un niet ferme et définitif aux
revendications démocratiques et
majoritaires de l’Assemblée de Corse.
* Le 5 Avril 2014, Gilles Simeoni est
élu maire de Bastia.
* La date arrêt définitif de la violence
du FLNC - en Juin 2014- est une date
capitale ; elle a rassuré les Corses,
exclu l’affrontement civil, suicidaire,
privilégié le combat exclusivement
politique, assuré qua la revendication
d’indépendance sera désormais portée
sans attentats, donné du souffle à
l’Autonomie Interne ; l’Union Européenne
compte environ 80 Statuts d’Autonomie ;
250 Millions d’européens vivent
normalement dans le Fédéralisme ou le
régionalisme politiques ; elle a surtout
enlevé tout prétexte à l’Etat pour
refuser le véritable dialogue avec la
Corse.
* En 2015, les élections territoriales
de Décembre 2015, en Corse, amènent
démocratiquement au pouvoir, les
nationalistes réunis ; ils président
désormais le Conseil Exécutif et
l’Assemblée de Corse. Un vent d’espoir
s’est levé sur la Corse. Comme hier,
Hollande puis Ayrault et enfin Vals
réitèrent leur entière dénégation du
fait national corse.
Hollande et Vals confirment que la
question corse sera traitée dans le
cadre imposé de la mission étriquée de
la Ministre, Madame Lebranchu qui
propose une « Collectivité unique »,
sans aucun espoir et sans avenir car il
y a mille embûches ; de plus, il
n’existe aucune confiance – l’ingrédient
de base- entre les protagonistes. Paris
ne cherche pas une solution juste et
équilibrée à la « question corse » ; il
veut imposer sa propre loi, le maintien
de la tutelle ; il œuvre, depuis deux
cents ans, pour la disparition du Peuple
Corse et l’aliénation de son patrimoine
historique, foncier et immobilier (
suppression des Arrêtés MIOT). Hollande
a remplacé Madame Lebranchu par le
ministre, MR Baylet, hermétique à toute
novation.
Les vrais problèmes de la Corse, restent
toujours sans solution ; développement
économique faible, chômage et précarité
en hausse, dossiers des transports et
des déchets, sans solution, aliénation
économique et culturelle, refus de
l’amnistie pour les prisonniers
politiques …..
Universita
Pasquale Paoli
II°) Enjeu et atout
déterminant : droit à la vie du peuple
corse
Les atouts de la Corse pour accéder à
l’émancipation politique sont solides (
ressources humaines qualifiées dans
l’île et la diaspora, ressources
naturelles à profusion, 10 milliards
d’euros d’épargne….. ; le dossier de
notre révolte pacifique est très étoffé,
cohérent, conforme aux Droits des
Peuples à disposer d’eux-mêmes ; pour
cette raison, l’Etat refuse le dialogue,
enfermé dans à une évolution négative
qu’il construit et encourage depuis des
décennies, sur un triple socle :
aliénation, répression, arrivée massive
de non-corses, que la faiblesse de
l’économie ne permet plus d’intégrer ;
il existe désormais une opinion
publique et une conscience
internationales et nous y avons de
multiples liens. Que nous allons
optimiser et opérationnaliser, sans
tarder.
On mesure l’ampleur des difficultés,
l’impossibilité de s’émanciper – une
nécessité vitale- par les moyens
traditionnels ; il faut une remise en
cause profonde du lien avec l’Etat, qui
est un lien, colonial, de sujétion et
son remplacement, dans le cadre
européen, par un nouveau contrat
respectueux de la liberté des parties et
de la protection de leurs intérêts
légitimes ; c’est à cette seule
condition que nous pourrons construire
une Corse nouvelle, démocratique et
développée.
III°) Que faut-il faire ?
Accepter l’inacceptable, l’arbitraire et
renoncer ou encore s’enfoncer dans une
violence sans issue ?
Certes non mais résister, construire,
informer, mobiliser, internationaliser
la « question corse », imposer par tous
les moyens de la lutte légale, sans
aucune violence, un Statut d’Autonomie
Interne dans le cadre de la République
Française seule solution crédible et
raisonnable dans la situation actuelle
On mesure l’ampleur des difficultés,
l’impossibilité de s’émanciper – une
nécessité vitale- par les moyens
traditionnels ; il faut une remise en
cause profonde du lien avec l’Etat, qui
est un lien, colonial, de sujétion et
son remplacement, dans le cadre français
rénové et dans le cadre européen, par un
nouveau contrat respectueux de la
liberté des parties et de la protection
de leurs intérêts légitimes ; c’est à
cette seule condition que nous pourrons
construire une Corse nouvelle, libre,
démocratique et développée.
Dans un système démocratique, nous
n’aurions pas subi, de par la tutelle de
l’Etat et avec la complicité du système
claniste, la faiblesse structurelle de
la démocratie, le retard abyssal de
développement, l’aliénation culturelle,
la dépendance sociale, les fraudes
électorales impunies, la dévolution
illégale de trois milles hectares de
biens communaux dans le périmètre d’Alzitone.
les dérives du Crédit Agricole, de la
Mutualité sociale agricole, de la
Cotorep, des centres de pensions, des
appels d’offres, la mise valeur agricole
inégalitaire, le scandale de la sur
chaptalisation qui, notamment, a
provoqué la révolte d’Aléria puis du
FLNC au décours ; nous n’aurions pas
subi l’inefficacité volontaire, depuis
1999, du pool économique et financier,
les assassinats en série – près de 100-
impunis ; le scandale de la
privatisation de la SNCM et sa dérive,
la suppression des Arrêtés Miot,
l’impasse du problème des déchets et de
leur traitement archaïque ; nous
n’aurions pas été contraints à la
révolte, nous d’abord, le FLNC ensuite ;
ainsi qu’aux innombrables luttes du
Riacquistu, des écologistes, de la LDH,
des syndicats, de toutes les forces
vives socio-professionnelles, des
militants progressistes de formations
hexagonales, des femmes, de la jeunesse,
de Umani et de « Alternatives
non-violentes » dans l’éducation à la
non-violence… ; le préfet Erignac ne
serait pas mort,10.000 attentats
auraient été sans objet et donc la
répression inutile ; nous n’aurions pas
subi trois statuts politiques médiocres,
avec un quatrième en préparation, tous
frileux, inadaptés et sans capacité de
changer la situation en Corse car l’Etat
est hostile à la démocratisation qu’il
sait conduire, fort justement
d’ailleurs, à l’émancipation ; d’où son
choix d’un immobilisme forcené,
injustifiable, inacceptable et son
soutien, jamais démenti à un clanisme
rétrograde, enraciné dans le statu-quo.
Collectivité territoriale de Corse
Si on refuse d’admettre que la politique
française dans l’île, - à côté de
résultats positifs dans de très nombreux
domaines ( Education, santé,
enseignement, sécurité extérieure,
accès à un bon niveau de vie, justice,
Union Européenne…) est avec le système
claniste, son allié structurel, un échec
et, que le peuple corse, en dépit de sa
résistance historique, multiséculaire,
porte une part de la responsabilité ; si
on refuse de comprendre que lien
colonial explique,- par ses
compromissions, ses démissions, le
laxisme qu’il induit et le non-droit et
l’a-démocratie qu’il génère- que la
révolte n’ait pas été rapidement
généralisée, alors on s’achemine vers
l’impasse.
La déroute financière et politique de la
CTC – avérée, démontrée- n’est pas
l’erreur d’un seul homme mais d’un
système étatique et local, conservateur,
archaïque , illégitime qui ne discrédite
ni les idéologies, ni tous les élus dont
la majeure partie est respectable ;
croire qu’un homme, un parti, seuls,
sont la solution ; croire que « la
Collectivité unique » est le remède ,
croire qu’un lifting ou le
fonctionnement habituel d’une
collectivité, même amélioré, va remédier
à une situation très dégradée, au
délabrement des comportements, des
consciences, aux dysfonctionnements des
institutions, des pratiques, c’est se
condamner à la répétition de l’échec ;
seule une autocritique, une remise en
cause fondamentale du Statut de la
Corse, - avec un véritable Statut
d’Autonomie interne- ouvre la voie de
l’espoir ; sans la prééminence de la
volonté, du dialogue, de la démocratie,
du droit, du respect de la loi et des
valeurs, de la justice, de la
solidarité et de l’humanisme, il ne
peut y avoir de voie raisonnable pour un
avenir apaisé et un développement
certain.
Corses de l’île et de la diaspora, amis
de la Corse, Corses d’origine ou
d’adoption, société civile, jeunes
corses, retraités, femmes,
impliquez-vous, suivant vos choix ;
prenez des initiatives, faites de
projets, soutenez des démarches de
progrès, participez à des cercles de
réflexion, à des collectifs, à des
associations, des partis ; à des
manifestations respectueuses de la
non-violence…; la porte est enfin
entrebâillée vers un avenir meilleur de
démocratie et de justice. La victoire
attend les générations futures car elle
est conforme à l’Histoire et au Droit.
Pour ma part et avec d’autres, très
nombreux, je n’ai jamais douté ou
renoncé.
Dr Edmond Simeoni
Aiacciu le 14 Mars 2016
Publié le 20 mars 2016
Le
dossier Corse
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