Bahar Kimyongür
Nos enfants vont en Italie récupérer
leur papa
Deniz Demirkapi
Bahar
Kimyongür - Photo: D.R.
Mercredi 5 mars 2014
Le 21 novembre dernier, mon époux Bahar
Kimyongür s'est rendu en Italie pour
donner une conférence sur la Syrie dans
le cadre de ses activités politiques et
humanitaires.
Mais à son arrivée à l'aéroport Orio al
Serio à Bergame, il a été arrêté sur
base d'un mandat d'arrêt international
lancé par l'Etat turc et ce, pour la
troisième fois.
Après 13 jours de détention à la prison
de Bergame, le juge de la Cour d'appel
de Brescia l'a relégué en exil à Massa
dans l'attente de l'envoi par la Turquie
de son dossier d'extradition.
Le fameux dossier est arrivé le 31
décembre 2013, c'est-à-dire au 40e jour
du délai légal dont disposait la justice
turque pour l'envoyer.
Nous pensions que la balle était
désormais dans le camp du procureur
général italien. Ce dernier devait en
effet rédiger une notification
concernant le dossier turc et l'envoyer
au juge de la Cour d'appel de Brescia
suite à quoi, le juge devait fixer la
date d'audience.
Nous avons finalement appris dans le
courant du mois de février que la
ministre italienne de la justice Annalisa
Cancellieri avait mis
la main sur le dossier et qu'il était
"sous évaluation".
Entretemps, son gouvernement a
démissionné. Un autre gouvernement s'est
installé sous la direction de Matteo
Renzi. Le nouveau ministre de la justice
italienne, Andréa Orlando, est désormais
l'homme qui doit décider du sort de
Bahar.
Nous en sommes à 104 jours d'attente.
104 jours d'injustice et de souffrance.
Pour Bahar comme pour moi, cette
arrestation en Italie suscite encore et
toujours l'incompréhension.
Incompréhension parce que les faits
reprochés relèvent de la liberté
d'expression. L'inavouable crime imputé
à Bahar: avoir chahuté le ministre turc
des affaires étrangères au Parlement
européen à Bruxelles à propos des
mauvais traitements subis par les
prisonniers politiques. D'après la
législation turque, cet acte banal et
pacifique relève du terrorisme. En
Belgique, Bahar n'a même pas été mis en
garde à vue pour cette action.
Incompréhension parce que les faits sont
anciens. Le chahut incriminé date en
effet du 28 novembre 2000. A l'époque,
le parti d'Erdogan, l'AKP, n'existait
même pas. Quant au principal intéressé,
le ministre Ismail Cem, il n'a jamais eu
la mesquinerie de porter plainte contre
Bahar entre novembre 2000 et le 24
janvier 2007, date de son décès par un
cancer.
Incompréhension car les faits reprochés
à Bahar ont été jugés et invalidés par
un tribunal néerlandais en juillet 2006.
La Chambre d'extradition de La Haye
avait qualifié la demande turque
d'irrecevable, reconnaissant ainsi la
légitimité du militantisme de Bahar. En
principe, une fois ce jugement prononcé,
la règle du "ne bis in idem" devrait
prévaloir. On ne peut en effet être jugé
deux fois pour les mêmes faits. Il est
proprement scandaleux que le secrétariat
général d'Interpol ait accepté de
relancer une "notice rouge" contre Bahar
sur base des mêmes incriminations.
Incompréhension car le 17 juin 2013,
Bahar a une nouvelle fois été arrêté à
Cordoue en Espagne toujours sur base du
même dossier. En fait, l'agence Interpol
a réactivé sa notice rouge le 28 mai 2013. Hasard du
calendrier ou non, à peine une semaine
avant la relance du signalement Interpol
contre Bahar, la ministre belge de
l'intérieur Mme Joëlle Milquet a discuté
avec son homologue turc Muammer Güler de
l'extradition des opposants politiques
turcs vivant en Belgique et accusés de
terrorisme par Ankara. Hasard du
calendrier ou non, les critiques de
Bahar concernant le soutien du
gouvernement turc aux groupes
terroristes takfiri massacrant les
Syriens de tous bords gagnaient en
popularité. C'est un fait. Sur Internet,
dans la presse ou à l'ONU, la voix de
Bahar devenait de plus en plus agaçante
pour Ankara. Bahar a finalement été
relâché par la justice espagnole
moyennant une caution de 10.000 euros.
Toujours selon le principe du "ne bis in
idem", Interpol aurait dû désactiver sa
notice rouge et le Parquet italien
aurait dû s'abstenir de le mettre à
disposition de la justice italienne
puisque l'Espagne était déjà sur
l'affaire.
Il faudra attendre ce 28 février 2014
pour que la Commission de contrôle des
fichiers d'Interpol nous annonce le
blocage du signalement turc.
Bahar peut désormais voyager partout
dans le monde.
Le cauchemar est-il enfin terminé? Eh
bien non. Il reste bloqué à Massa, la
commune de son exil.
En fait, tant que le ministre italien de
la justice n'aura pas signé la lettre
rejetant la demande turque
d'extradition, Bahar restera soumis à
son assignation à résidence.
Ce mardi soir, nos deux enfants et moi
partons à Rome pour nous entretenir
avec un responsable du ministère italien
de la justice.
Le consul général de Belgique à Rome M.
Jean-Michel Colas nous a aimablement
aidé à décrocher un rendez-vous avec le
ministère.
C'est finalement Madame Maria Antonietta
Ciriaco, directrice du deuxième
département pour les affaires de justice
qui recevra la petite délégation
familiale ce mercredi 5 mars à 11h.
Nos deux enfants, 5 et 3 ans, ont la
ferme intention de défendre leur papa,
de le récupérer et de rentrer avec lui
en Belgique.
La punition injuste dont ils sont les
premières victimes a assez duré.
100e de détention de Bahar Kimyongür
- Rassemblement devant l'ambassade
d'Italie à Bruxelles
http://www.youtube.com/watch?v=HjJ9qDgGNP8
Reportage réalisé par E.I. Anass
Ce samedi 1er mars 2014, une centaine de
personnes se sont rassemblées devant
l'ambassade d'Italie afin de dénoncer la
détention du ressortissant belge Bahar
Kimyongür, cent jours déjà. Alors
qu'Interpol vient de retirer
provisoirement le mandat d'arrêt à
l'encontre de M. Kimyongür, le dossier
est toujours en suspend et la justice
italienne reste immobile. Le
gouvernement belge, quant à lui, n'a pas
l'air de faire des efforts afin d'aider
ce citoyen belge.
Nous remarquerons aussi que les médias
belges ont brillé par leur absence. Le
Cercle des Volontaires était présent
pour ce rassemblement afin couvrir
l'évènement.
Nous vous invitons à signer, et surtout
à diffuser très largement la pétition en
ligne pour demander la libération de
Bahar Kimyongür.
www.freebahar.com
Vidéo réalisée par des militants
chiliens :
http://www.youtube.com/watch?v=__UHSKIfDOk
Bruxelles, 3 mars 2014 : Communiqué de
presse
Cabinet Christophe Marchand
Nouveau coup de théâtre dans
l'affaire Kimyongür : Interpol bloque le
signalement de Bahar !
Il aura fallu que Bahar soit arrêté en
Belgique, aux Pays-Bas, en Espagne et en
Italie, où il est toujours assigné à
résidence, pour qu'INTERPOL stoppe
l'ordre d'arrestation provisoire de
Bahar KIMYONGÜR.
Par un courrier daté du 21 février 2014,
reçu ce vendredi 28 février 2014, la
Commission de Contrôle des Fichiers
INTERPOL a communiqué la décision du
Secrétariat Général d'INTERPOL
relatant "que les informations vous
concernant [Bahar !] communiquées par la
Turquie ne sont par conséquent plus
accessibles par les pays membres de
l'Organisation".
En clair cela signifie que le
signalement INTERPOL est bloqué et que
Bahar peut à nouveau voyager librement
dans le cadre de ses activités
politiques sans être arrêté et placé en
prison sur la base du mandat d'arrêt
turc.
Il est très rare qu'INTERPOL prenne ce
genre de décision et ceci démontre
encore, si cela était nécessaire, que le
mandat d'arrêt turc viole la liberté
d'expression et a uniquement pour objet
de tenter de museler un opposant
politique qui dérange.
Cette décision exceptionnelle doit mener
le gouvernement italien, qui est pour le
moment maître du destin de Bahar, à
prendre immédiatement une décision de
remise en liberté pure et simple.
Il n'est pas tolérable que la liberté de
Bahar dépende du bon vouloir d'un
gouvernement et il appartient aux
autorités belges d'alerter leurs
homologues italiens quant à cette
situation scandaleuse.
Bruxelles, le 3 mars 2014
Christophe Marchand
Avocat de Bahar Kimyongür
+32.486.32.22.88
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