Témoignage
Semer la détermination, récolter
l'espoir
Claire Thomas
Daher assis à côté
de sa mère Milad, à la ferme de la
famille Nassar
Samedi 28 mai 2016
La vue depuis
la ferme de Daher Nassar, au sud-ouest
de Bethléem, en Cisjordanie occupée, est
très différente de ce qu'elle était
quand il était enfant. Désignant les
cinq colonies israéliennes qui
encerclent la ferme, il constate, "Des
gens viennent de l'étranger et peuvent
acheter des maisons et ici, je n'ai pas
l'autorisation d'en construire une
seule."
La
famille de Daher exploite et vit sur sa
propriété de 40 hectares depuis que son
grand-père l'a achetée il y a cent ans
ce mois-ci. Les Nassar ont fêté le
centenaire par une semaine de
célébrations.
"Lorsque mon grand-père a acheté la
terre en 1916, la transaction a été
enregistrée, donc nous avons les
documents émis par les Ottomans, puis
nous avons continué l'enregistrement
avec les Britanniques, puis ls
Jordaniens et finalement les Israéliens,"
a expliqué Daoud, le frère de Daher.
Malgré les titres de propriété, la
famille Nassar a dû mener une longue
bataille juridique pour garder sa ferme,
depuis qu'elle a été classée comme
"terre appartenant à l'Etat israélien"
en 1991.
Pendant ce temps, la famille fait face
au harcèlement et aux attaques des
colons, qui ont culminé entre 1991 et
2002, a précisé Daoud.
"Ils sont venus à la ferme, ils ont
coupé nos arbres, ils ont détérioré
notre réservoir d'eau, ils nous ont
menacé avec des fusils et ils ont essayé
trois fois de construire une route sur
notre propriété," explique-t-il. "Ils
sont venus avec les bulldozers et ils
ont commencé à creuser une route, mais
nous avons réussi à arrêter toute
construction de route en allant devant
les tribunaux."
Les colons ont détruit 250 oliviers sur
leur ferme en 2002.
"Pour les Palestiniens, un olivier
est comme un membre de la famille ;
c'est comme un arbre sacré," dit
Daoud. Trois semaines après, la famille
Nassar a planté de nouveaux arbres avec
le soutien du groupe de solidarité
anglais Jews for Justice for
Palestine.
"Ce fut un petit signe d'espoir,"
dit Daoud.
En mai 2014, deux semaines avant la
récolte des abricots, des bulldozers
israéliens ont rasé 1.500 arbres
fruitiers sur leur terre, prétendant
qu'ils étaient planté sur une terre
d'Etat.
"Nous nous sommes à nouveau
mobilisés," dit Daoud. "Nous
avons réparé les terrasses... et l'an
dernier nous avons pu planter 4.000
arbres fruitiers."
Un autre outil de l'arsenal israélien
pour voler la terre palestinienne et
faire partir ses habitants est de
restreindre fortement l'accès aux
ressources et d'interdire la
construction.
"Nous ne sommes pas autorisés à
construire quoi que ce soit ; jusqu'à
maintenant, nous avons 20 ordonnances de
démolition, 47 ordonnances "d'arrêt de
culture" [émis par les autorités
israéliennes]. Nous ne sommes pas
autorisés à avoir l'eau courante ou
l'électricité. Ce qui signifie aucun
développement. C'est un exemple de ce
qui arrive généralement en
Palestine," explique Daoud.
La famille a transformé sa ferme en ce
qu'elle appelle "La Tente des Nations" -
un centre pour la résistance non
violente. "Nous voulions ouvrir la
ferme pour que les gens viennent voir.
C'est la meilleure éducation. Venez
voir, repartez et racontez. Nous
demandons aux gens de raconter non
seulement ce qu'ils ont entendu mais ce
qu'ils ont vu," dit Daoud.
La famille organise des activités et des
projets éducatifs visant à rapprocher
les gens pour qu'ils se sentent
davantage connectés à la terre et à
l'environnement, et à promouvoir une
plus grande compréhension des luttes
quotidiennes que mènent les Palestiniens
vivant sous occupation militaire
israélienne.
Un de nos principaux projets est la
campagne de plantation d'arbres. "Nous
invitons les gens à planter des arbres
parce que quand on plante un arbre, on
croit en l'avenir," dit Daoud.
La famille organise aussi un camp d'été
pour enfants.
"Nous invitons des enfants de la
région de Bethléem et des camps de
réfugiés, et nous faisons des ateliers
créatifs avec eux, comme la peinture, la
musique, la mosaïque, le théâtre,"
dit Daoud. "Nous voulons que les
enfants découvrent leurs talents parce
que nos enfants sont traumatisés et
vivent dans une réalité politique
difficile."
Les Nassar organisent également des
camps de récolte et un certain nombre de
volontaires à long terme les aident à
gérer la ferme toute l'année. Leur
présence dissuade également les attaques
des colons, et les stoppent
complètement, dit Daoud.
La famille envisage de créer une école à
la ferme et de mettre l'accent sur le
développement durable, l'agriculture
biologique et le recyclage. Mais ce rêve
reste lointain car il dépendrait de
permis accordés par Israël.
"Nous avançons par petites étapes,"
dit Daoud. "Même si nous tombons,
nous nous relevons, nous continuons le
voyage avec foi, amour et espoir dans
l'action."
Voir les magnifiques photos prises par
Claire Thomas pour illustrer son
témoignage.
Source :
Electronic Intifada
Traduction : MR pour
ISM
Claire Thomas est une
photographe indépendante originaire du
Royaume-Uni dont le travail se concentre
sur les questions sociales, politiques
et humanitaires au Moyen-Orient, en
Europe et en Afrique. On peut la suivre
sur
Twitter et
Facebook. Cet article en anglais a
été publié sur EI le 19 mai 2016.
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