Centre
d'information sur la Résistance en
Palestine
Les « accords d’Abraham » et le rôle des
EAU
Anwar Abu Taha
Jeudi 24 septembre 2020 Interview de
Dr.
Anwar Abu Taha membre du BP du
mouvement du Jihad islamique en
Palestine
(17/9/2020)
Question :
la normalisation entre les EAU et
l’entité de l’occupation a été préparée
de longue date, l’accord n’étant pas le
fruit du hasard. Pourquoi cet accord
a-t-il été annoncé et dévoilé ?
Réponse : Au
Nom de Dieu le Clément et le
Miséricordieux, prières et paix sur le
messager de Dieu
Au début, il faut
signaler que ce qui a été décrit au
sujet de l’accord émirati-« israélien »
comme étant un accord de normalisation
minimise sa gravité, car c’est plus que
cela. Il ne s’agit pas seulement d’une
normalisation, car la normalisation se
poursuivait avec l’entité de
l’occupation depuis de longues années,
mais le fait que cet accord soit annoncé
publiquement est une redéfinition du
rôle des Emirats dans la région, en
liaison avec l’entité sioniste. A
présent, les EAU se placent dans un
ordre régional nouveau, basé sur
l’alliance entre les régimes
autoritaires et l’occupation. Les EAU
entrent à présent dans le nouvel ordre
régional en cours de formation après
l’éclatement de l’ancien ordre arabe.
Ils entrent dans une nouvelle alliance
avec le sionisme. Les EAU ne sont pas
seulement les protecteurs du rôle
« israélien » dans la région du Golfe et
dans la région, mais ils sont à présent
un membre organique de cette alliance.
Q. Pourquoi les EAU ?
R. Pour
plusieurs raisons. Entre autres, il est
difficile pour « Israël » de nouer
brusquement des relations dans la région
du Golfe. Les Emirats sont un essai pour
entrer dans la région du Golfe. De plus,
les EAU craignent d’être la cible d’une
menace de forces régionales plus
puissantes dans la région. C’est
pourquoi nous ne pouvons pas nommer cet
accord « paix contre
paix » et évidemment pas « paix contre
terre », car l’histoire de la « terre en
contrepartie de la paix » est close. Si
nous voulons décrire cet accord, nous
pouvons dire qu’il est un accord de « la
reconnaissance en contrepartie de la
protection », dans le sens où les EAU
reconnaissent « Israël » en contrepartie
de la protection « israélienne » des
EAU, ces derniers étant une entité
fragile, même si leur économie est
relativement forte, mais l’entité est
fragile... La protection « israélienne »
des Emirats se ferait contre un axe en
cours de concrétisation dans la région,
l’axe irano-turc et la résistance...
Q. Qu’en est-il
de cette alliance, quels sont ses
objectifs ?
R. Il nous faut
revenir à l’ordre régional arabe, depuis
la fondation de la Ligue arabe en 1945.
La sécurité arabe était basée sur
l’encerclement d’ « Israël » et le
soutien à la question centrale des
Arabes, la question palestinienne. Mais
depuis la normalisation arabe avec
« Israël », sa doctrine sécuritaire
n’est plus la résistance à « Israël ».
En tant qu’ordre régional arabe, il a
échoué dans le développement durable, il
n’a pas réduit la pauvreté ni fondé un
marché commun ni une sécurité arabe
commune....
Alors que la
doctrine sécuritaire de cet ordre était
de faire face aux dangers « israéliens »
sur la région et la Palestine, cet ordre
a été démantelé après le « printemps
arabe », car les Etats du Golfe arabe et
quelques régimes autoritaires ont craint
l’arrivée au pouvoir des mouvements de
l’éveil islamique... Ils se sont placés
dans une alliance qui n’a plus pour base
la sécurité arabe face à l’infiltration
« israélienne », mais plutôt une
alliance avec la partie « israélienne »
et l’entité sioniste, contre la sécurité
des Arabes et des musulmans dans la
région, supposant que cette alliance
pourrait les protéger. L’ennemi
« israélien » a été remplacé par ce
qu’ils appellent le danger iranien ou
l’intervention tuque ou le danger des
mouvements islamiques.
Donc, cet accord
émirati-« israélien » est une nouvelle
mutation qui frappe la sécurité arabe,
la sécurité musulmane et le fondement de
cette sécurité, la question
palestinienne, puis un alignement dans
le camp des ennemis.
Les Arabes
normalisateurs penchent aujourd’hui aux
côtés de la Rome occidentale, ils
penchent vers l’ennemi historique de la
nation, vers l’entité sioniste qui a
constitué, tout au long de la période
précédente, l’ennemi central de la
nation. C’est pourquoi c’est un grand
bouleversement dans la conception de la
sécurité arabe, au cas où on pouvait
parler de sécurité arabe commune dans la
région.
....
Q. Quel est le
rôle sécuritaire et militaire de cette
nouvelle alliance dans la région ?
R. Après le
« printemps arabe », se sont constitués
deux axes dans la région, l’axe de la
résistance à la tête duquel se trouve
l’Iran et les forces de la résistance,
auquel s’ajoute un autre pays qui
commence à pencher vers le refus de la
politique « israélienne » dans la
région, la Turquie, avec lequel le Qatar
s’est solidarisé. Cet axe fait face,
dans la région, à un axe « israélien » -
émirati qui craint les mouvements de
l’éveil islamique et précisément les
Frères musulmans, notamment après qu’ils
soient parvenus au pouvoir dans plus
d’un pays arabe. Cette nouvelle alliance
a mené avec « Israël » la
contrerévolution contre le printemps
arabe. A partir de là, et vu la nouvelle
disposition, il s’agit d’une alliance
aux dimensions multiples, la sécurité,
la géographie, les sources d’énergie,
les politiques culturelles, et même la
confrontation avec les idées de l’Islam
ou même l’Islam, comme nous
l’expliquerons par la suite. Par
exemple, les EAU participent avec
« Israël » pour trouver des places
communes dans tous les ports de la
région du Golfe, de la Mer rouge et du
Yémen....
Le rôle que
veulent assumer les EAU est plus vaste
que leur poids et leur capacité, mais
ils trouvent leur force dans la partie
« israélienne » et la partie américaine
qui couvrent leur mouvement. Si nous
examinons le comportement des EAU sur le
plan sécuritaire et politique, nous
remarquons leur intervention au Yémen et
en Lybie, leur participation à la
contrerévolution en Egypte, la tentative
de modifier le régime en Tunisie et
écarter le mouvement islamique Ennahda,
etc.. Les EAU interviennent dans plus
d’un lieu dans la patrie arabe, mais
toutes ces interventions sont en
difficulté et subissent des échecs.
Cette alliance leur sert de protection
contre les conséquences de leurs
interventions désastreuses.
Sur le plan
palestinien, l’accord entre les EAU et
« Israël » a mis fin à la question de
deux Etats et la question de « la terre
en contrepartie de la paix ».
Aujourd’hui, avec ces accords –les EAU,
le Bahrayn et ceux qui suivront – les
relations arabo-« israéliennes » sont
devenues directes et ne passent plus par
la question palestinienne, ni par la
récupération des droits palestiniens ou
l’établissement d’un Etat palestinien ou
le retrait « israélien » des territoires
occupés en 1967. Ainsi, ces accords ont
rompu les initiatives arabes précédentes
et ont placé les Arabes en relation
directe avec « Israël ». Ce plan a été
conçu auparavant par Jabotinsky depuis
1925 lorsqu’il parlait de la « paix par
la dissuasion », que Netanyahu a repris
en disant que cette paix est issue de la
force et non d’un échange. Les paroles
de Jabotinsky ont été exprimées par le
ministre « israélien » des finances
actuel lorsqu’il parle d’une conception
régionale à trois niveaux, qui commence
par la confrontation avec l’Iran et les
mouvements de la
résistance et les mouvements de l’islam
jihadiste dans la région, puis
l’établissement des relations
économiques, et la dernière phase est la
quête de relations avec les
Palestiniens. C’est cette théorie
sécuritaire qui est en train d’être
appliquée. Il ne faut pas oublier les
paroles de Shimon Pérès sur « la paix
économique ». Nous sommes face à une
alliance économico-sécuritaire, qui
ouvrira plus tard les portes à la
question politique avec les
Palestiniens.
Face à tous ces
dangers, et face au « deal du siècle »
et les tentatives d’annexion, et la
nouvelle alliance dans la région, le
Palestinien n’a plus qu’à retrouver sa
raison et à revenir à la source du
projet national palestinien, en tant que
projet de libération basé sur la
libération de la terre, sans s’occuper
du pouvoir, alors que nous vivons ces
jours-ci la 27ème année de
l’accord d’Oslo et de ses conséquences
amères. L’accord a échoué à réaliser le
projet de l’Etat palestinien, et le
projet des deux Etats n’a plus
d’existence, même les négociations
n’existent plus. Le « deal du siècle » a
tout donné à « « Israël ». Il y a
effectivement un vaste complot contre
les droits nationaux palestiniens, sur
le plan régional et international, et
les Palestiniens n’ont plus qu’à
rechercher les dénominateurs communs
pour se rassembler sur le minimum et
affronter ces défis.
Ce fut l’objet de
la rencontre des secrétaires généraux,
une rencontre basée sur le minimum, pour
affronter ces dangers, et tous en sont
conscients. Quelques comités ont été
formés et nous espérons qu’ils seront
efficaces et qu’ils se poursuivront.
Pour notre part, au mouvement du Jihad
islamique, nous soutiendrons toute
démarche nationale palestinienne pour
consolider la résilience palestinienne
et le refus de tous les accords et
complots qui visent actuellement la
cause palestinienne.
Q. Cela signifie
que vous comptez sur les résultats de
cette rencontre pour la prochaine
étape ?
R. Cette rencontre
est une bonne réalisation, mais compter
ou non sur elle, est une autre question.
Mais nous agirons pour que ces
réalisations soient positives, et nous
ferons en sorte que le mouvement
populaire en Cisjordanie et dans la
bande de Gaza et ailleurs soit
consolidé, jusqu’à arriver à une
nouvelle intifada contre l’occupation,
car seule la dissuasion sert avec
l’occupant, non pas les négociations, ni
les accords.
Q. Qu’en est-il
de l’appelation « Abraham » ou « accords
Abrahamiques » lancée pour ces
accords par le président américain
Donald Trump ? Quelle est la
signification de cette appelation,
d’autant plus que les accords précédents
avec l’Egypte et la Jordanie ont été
dénommés par des lieux. Pourquoi choisir
un nom religieux ?
R.
La question est
pertinente. Tout d’abord, l’accord
dévoile un complot qui a commencé il y a
vingt ans, un complot dans lequel ont
collaboré l’Israélien, l’Emirati et
l’Américain. Ils ont nommé l’accord
« abrahamique » en rapport au prophète
de Dieu, Ibrahim. Cette question remonte
au projet appelé « la diplomatie
abrahamique », ou la « diplomatie
spirituelle ». Ce projet a été mis en
place au ministère américain des
Affaires Etrangères depuis 2013, et y
travaille une équipe composée de 100
politiciens et religieux. L’appelation
« accord d’Abraham » n’est pas un
hasard, mais le couronnement de tout le
parcours émirati, et nous développerons
le rôle émirati dans la « diplomatie
abrahamique » ou ce qui s’appelle « les
Etats abrahamiques unis », qui visent la
région. Ce plan est très ancien, et nous
verrons le rôle central des EAU, le but
étant de consolider « Israël » en tant
d’Etat juif et biblique dans cette
région et l’abrogation de l’Islam en
tant que religion.
Les Etats-Unis et
« Israël » ont un problème historique
avec le refus de cette région de
reconnaître « Israël ». Il y a une
difficulté à reconnaître « Israël » et
les Juifs, d’autant plus que les régimes
arabes qui sont nés des accords de
Sykes-Picot n’ont pu protéger ni
« Israël » ni sa sécurité. Le but
central consiste à passer de la
non-reconnaisssance d’Israël à sa
reconnaissance. Comment faire ?
Ils ont trouvé que
les religions, et notamment l’Islam,
sont ce qui empêchent cette
reconnaissance. La question est comment
dépasser les religions ? La réponse fut
de déplacer la religion en tant qu’outil
du conflit et de négation d’Israël vers
un nouveau rôle qui reconnaîtrait
Israël. Il s’agit alors de dépasser le
christianisme, le judaïsme et l’Islam
pour parler d’une religion abrahamique
collective en tant que nouvelle
religion, de rassembler des dirigeants
spirituels et des politiciens, d’entamer
un dialogue sur les questions
contemporaines et de matérialiser les
conclusions du dialogue par des cartes
politiques et selon des buts communs. Ce
projet fut appelé la « diplomatie
spirituelle » ou « la diplomatique
abrahamique ».
Q. Quels sont
les outils et les moyens d’un tel
projet ?
R. Ils (les
participants à ce projet) parlent en
général des valeurs communes aux
religions : l’amour, l’égalité, la
tolérance, la paix, en tant que valeurs
communes de cette nouvelle religion. Le
but déclaré est d’instaurer la paix
mondiale, d’élaborer des projets de
recherches académiques et de fournir des
aides économiques directes aux publics,
soit diffuser cette nouvelle religion
« abrahamique » parmi les gens pour
faire ressentir son efficacité.
Evidemment, nous n’avons pas des
religions « abrahamiques » mais des
religions célestes qui ne sont pas
abrahamiques. Ibrahim, paix sur lui, n’a
pas fondé de religions, mais ils
cherchent les racines communes pour
attirer les spirituels, et supprimer
l’immunité intérieure de l’Islam, et
faire accepter au
musulman l’occupation israélienne et le
rôle central d’Israël dans la région.
Ce dialogue mené
par des politiciens et des personnalités
spirituelles s’est matérialisé par des
cartes politiques qu’ils donnent aux
décideurs pour les appliquer.
Evidemment, le problème qu’ils ont
affronté a deux volets : le premier gît
dans les valeurs fermes de la religion,
et le second dans l’histoire du conflit.
L’appel fut lancé pour réinterpréter le
texte religieux, pour lire l’Islam et la
religion de manière différente, en
débarrassant la religion et le texte
religieux hérité, de toutes les sources
de la force. On supprime les concepts de
jihad (lutte), wala’ (allégeance), barâ’
(dédouanement), nusra (secours),
muqawama (résistance), le refus de
l’oppression, le concept d’ordonner le
bien et d’interdire le mal, pour
insister sur les valeurs de l’amour et
de la tolérance, etc..
La relecture de
l’histoire consiste à relire l’histoire
du conflit entre l’islam, le
christianisme et le judaïsme, pour
accorder la primauté aux juifs et revoir
tout le récit islamique pour accorder la
centralité au rôle et à l’histoire
juive, en tant qu’histoire d’origine.
Dans le projet de la « diplomatie
abrahamique », ou spirituelle, le
judaïsme est plus ancien que l’islam et
le christianisme. Il est le fondement
sur cette terre.
Puis ils reprennent
ce que disent les Juifs : le
christianisme est un mouvement hérétique
issu du judaïsme et l’Islam n’est que
l’arabisation du judaïsme, il en résulte
qu’il n’y a plus que le judaÏsme comme
principe commun, et ils parlent de
fondre les trois religions, ce qui
pratiquement veut dire qu’il ne reste
que le judaïsme, selon cette vision.
A l’université
américaine de Harvard, ils ont instauré
une unité « sur les traces d’Abraham »,
qui a publié un guide d’initiation
appelé : « réflexion relative au livre :
guide de la pensée et du mouvement », où
est expliqué le lancement d’une
interprétation continue des textes, dans
le sens que tu peux dire ce que tu veux
à propos du texte religieux, et comme tu
veux : tu lui arraches toutes les
sources de l’immunité et de la force,
mais aussi la sacralité de la religion
pour donner la sacralité à cette
nouvelle religion qu’ils appellent
« religion abrahamique », comme tu ôtes
l’inviolabilité et la sacralité des
lieux de culte, pour fonder de nouveaux
lieux de culte, qui sont les « centres
abrahamiques ». En effet, les EAU ont
commencé à ériger « le centre religieux
abrahamique », où se trouvent une
mosquée, une église et un temple. Il
sera inauguré en l’an 2022. Il s’agit
d’un plan pour abroger l’Islam, et non
seulement pour modifier les valeurs de
l’Islam. Le guide d’initiation (ou
d’apprentissage) est conçu pour les
dirigeants spirituels et politiciens,
car ce plan nécessite ce qu’ils
appellent « les praticiens
abrahamiques », et le praticien est
celui qui appelle à cette nouvelle
religion. Ils ont également constitué
« les familles pratiquant la paix » qui
se trouve à présent en Palestine et dans
plus d’un endroit où existent des
conflits.
Le but déclaré de
la « diplomatie abrahamique –
spirituelle » est comme ils l’annoncent,
le développement, et la suppression des
sources du conflit, mais le but caché
est de permettre aux Juifs de s’emparer
d’al-Quds, avec le soutien des
institutions internationales, abroger
l’Islam, falsifier l’histoire et
modifier la réalité au bénéfice de
l’entité israélienne.
Q. Comment a été
matérialisée cette diplomatie
abrahamique politiquement ?
R. En mettant en
place ce qu’ils appellent « le parcours
d’Abraham » qui passe par les régions
géographiques dans dix pays islamiques
et arabes. La propriété de la terre
incluse dans « le parcours d’Abraham »
n’est pas aux peuples qui y vivent, mais
aux peuples d’origine qui sont les
Juifs. Le plan consiste à consolider la
présence d’Israël dans la région.
Lorsqu’ils parlent des « Etats
abrahamiques unis », ils parlent d’un
« pouvoir fédéral » qui rassemble les
Etats arabes et islamiques au
Moyen-Orient. Au centre de ce « pouvoir
fédéral », il y aurait Israël, la
Turquie et l’Iran, comme dirigeants cet
axe, bien sûr, après avoir changé le
régime iranien comme ils le souhaitent,
mais aussi le régime turc. Ce plan n’est
pas théorique ou fictif.
En 2013, le
ministère américain des Affaires
Etrangères a institué une commission à
l’intérieur du ministère appelée
« diplomatie spirituelle », sous la
supervision de la ministre des AE à
l’époque, Hillary Clinton, qui a réuni
une équipe constituée de 6 groupes pour
travailler sur « la religion et la
politique ». 100 politiciens et
personnalités spirituelles ont écrit des
textes à ce propos. Ce projet n’a pas
seulement l’aval du ministère américain,
mais il a été soutenu par plus d’une
institution internationale, les
Nations-Unies y contribuent. Sur le site
internet des NU, vous constaterez qu’il
évoque la religion abrahamique,
les « tribunes abrahamiques » et le
« parcours abrahamique ». En plus des
universités, des centres de recherches,
des gouvernements et des centres
internationaux et des associations de la
société civile soutenues par des pays
européens, tous parlent des « centres de
la diplomatie spirituelle ». Il faut
noter que ce plan est approuvé aux
Etats-Unis par les des deux partis,
démocratique et républicain, qui ne
divergent pas là-dessus.
Q. Est-ce que le
plan a commencé à être mis en place aec
l’accord entre les EAU et l’entité de
l’occupation ?
R. Il est en cours
et est mis en place depuis longtemps,
mais il a été pratiquement annoncé avec
l’accord émirati, l’accord d’Abraham,
l’annonce couronne ce plan. De plus,
Obama et les dirigeants américains ont
parlé de « la religion abrahamique
commune » à plusieurs occasions, et
certains centres de recherches ont
entamé leur travail à ce propos dès
2007. Les universités de Harvard,
Georgetown et Oxford y participent. Ce
plan existe et a été mis en exécution
avant l’annonce de « l’accord
d’Abraham » et il se poursuit.
Q. Comment le
« parcours d’Abraham » est-il lié à ce
plan ?
Le parcours
d’Abraham est un parcours géographique
reliant 10 pays arabes et musulmans, où
il suit les déplacements du prophète
Ibrahim, paix sur lui, selon le récit
biblique et le récit musulman Selon ses
concepteurs, c’est la carte du parcours
d’Abraham, qui commence par Harran en
Turquie, en passant par le Liban, la
Syrie et la Palestine, pour arriver aux
frontières de Sina en Egypte, et bien
sûr, il inclut la Jordanie et d’autres
régions. Ce parcours a été exécuté
effectivement en Palestine, et s’étend
sur 330 km. Des associations ont été
fondées en Palestine occupée, elles font
le parcours ou « le pélerinage », comme
activité touristique générale et
commune, en rassemblant des musulmans,
des chrétiens et des juifs. Les
pratiquants (pélerin ou praticien
abrahamique) ne savent pas
nécessairement le but de ces activités.
Le plus grave est que l’Autorité
palestinienne, ou certains de ses
responsables, ignorent le but, ainsi
qu’une partie de notre peuple.
Par exemple,
l’association du « parcours
abrahamique » en Cisjordanie et à
l’intérieur de la Palestine organise des
sorties touristiques, et le ministre du
tourisme palestinien a signé des accords
avec cette association, ainsi que les
municipalités de Bayt Lahem, Ramallah et
autres, pour faciliter le passage de ce
parcours et de ses participants, les
« pélerins », « les familles de la
paix », les « touristes » musulmans,
chrétiens et juifs, malgré les barrages
et le mur de séparation, car « Israël »
soutient ce plan et lui facilite la
tâche. Car le parcours, selon les
planificateurs, confirme le droit
« israélien » sur cette terre, et sur le
plan pratique, les frontières de
l’Israël biblique, du Nil à l’Euphrate,
sont à l’intérieur des lignes du
« parcours d’Abraham ».
Ils profitent bien
évidemment des politiciens et
personnalités spirituelles qui les
soutiennent pour propager leur plan.
L’intérêt est essentiellement porté sur
toutes les tendances islamiques qui
insistent sur les valeurs humaines
communes, comme l’amour et la tolérance,
y compris les groupes et les voies
soufies. Pourquoi leurs sheikhs sont-ils
invités à participer à leurs conférences
régionales et internationales,
exploitant l’innocence de leur appel
moral en apparence ? Quiconque est
invité ne réalise pas l’arrière-plan de
telles conférences dont le titre est la
paix, l’amour et la tolérance. Ce sont
des valeurs auxquelles appellent tous
ceux qui professent une religion. Le
soufisme est un patrimoine spirituel
commun à toutes les religions et les
écoles spirituelles. Ils parlent d’un
« parcours de foi ouvert », dans le sens
qu’il est détaché de toute forme de
doctrine ou toute forme de loi, car la
divergence doctrinaire institue la
différence dans la réalité.
Donc, ce qui
rassemble seulement est la croyance en
Dieu, qui définit celui qui entre au
Paradis et qui administre le ciel, alors
que l’humain est le dieu administrateur
de la terre. Quand aux lois, elles sont
différentes car elles ont été mises par
les savants des religions. Tous ceux qui
participent à cette nouvelle religion
abrahamique unificatrice doivent les
mettre de côté. Ce « parcours de la foi
ouvert » définit la participation des
« praticiens de l’abrahamisme ». Ils
propagent les orientations soufies
mondiales, qu’elles soient bouddhiques,
chrétiennes, juives, musulmanes, ou
autres. Selon ce plan, le musulman
perdra la fermeté de sa doctrine qui
fonde l’identité musulmane particulière.
Il n’aura plus la sensibilité religieuse
relative à des questions comme
l’occupation « israélienne » et
l’oppression subie par le peuple
palestinien. Car dans cette « religion
abrahamique », comme le rôle des Emirats
et de ses savants, « la primauté de la
paix sur la justice » est prônée.
Il ne faut donc pas s’intéresser
aux questions de droit ou des droits
historiques et sacrés du peuple de
Palestine ou de ceux qui subissent
l’oppression, car l’amour et la paix
entre les pays et les religions reste la
priorité.
Ce projet qui
exploite les mouvements soufis commence
par le Maghreb pour finir à Karashi. Au
Maroc, la 12ème rencontre des
mouvements soufis a eu lieu sous le
titre « le soufisme et la diplomatie
spirituelle » en 2017. Sera exploité
tout ce qui soutient ce projet, à
l’intérieur de l’héritage soufi, comme
par exemple certains vers poétiques du
grand sheikh du soufisme, Ibn ‘Arabi...
où il parle de la religion de l’amour
qui rassemble toutes les religions et
les écoles et les croyants, sans tenir
compte de l’exégèse soufie islamique de
ces vers. Les propagateurs de « la
religion abrahamique » exploitent ce
genre d’appel qui rassemble le
non-croyant avec le porteur du Coran et
les Tables de la Bible, sous une seule
religion, sous le prétexte de l’amour.
Q. Quel est le
rôle des Emirats dans ce plan ?
R. Les EAU est la
partie la plus active dans ce projet, et
de là vient la gravité de l’accord
« israélo »-émirati, ou ce qui s’appelle
« l’accord d’Abraham », comme
couronnement des efforts des Emirats
depuis de longues années. Nous affirmons
en toute clarté que le rôle des EAU dans
ce projet est un appel à abroger l’islam
et à dépasser les doctrines et les lois
de l’Islam, tout cela pour consolider
les « Fils d’Israël » en Palestine.
Nous allons citer
des exemples de ces efforts émiratis et
leur participation organique à ce
projet. Ils ont fondé le « forum pour
consolider la paix dans les sociétés
musulmanes », à la tête duquel se trouve
sheikh Abdallah Bin Bayyah, l’un des
savants de Mauritanie. La philosophie de
« ce forum de la paix » présentée par
Abdallah bin Bayyah est que « la paix
prime la justice ». Quant à l’oppression
historique subie par le peuple
palestinien, dont la cause est
clairement établie, elle
disparaît.
Considérer que « la
paix prime la justice » à ce propos
justifie leur relation avec « Israël ».
Abdallah Bin Bayyah diffuse le récit de
l’alliance d’al-Fudul ou ce qui
s’appelle les religions abrahamiques et
la tolérance. Le ministre émirati des AE
a déclaré, dans son discours aux
Nations-Unies, que « la paix mondiale ne
peut être réalisée que par la paix entre
les religions ». Le Forum pour
consolider la paix a lancé une
initiative internationale pour
construire une alliance entre les
religions de la famille « abrahamique »
qui dépasse la logique de la discussion
religieuse »...
Il ya une autre
institution aux EAU, « l’institut de la
culture islamique et de la tolérance
religieuse », dirigée par Jum’a Ka’bi.
Cet institut a organisé au mois de
septembre dernier en Espagne une
conférence sur le thème « la famille
abrahamique, paix et liaison ». Une
conférence portant sur « le pacte
israélo-émirati à la lumière des pactes
prophétiques » a été présentée, et y ont
été présents des personnalités parlant
au nom des Juifs et des chrétiens.
Aux EAU, il ya
aussi le « haut conseil de la fraternité
humaine », qui a tenu sa seconde
conférence à la bibliothèque nationale
de New York, avec la participation du
ministre émirati des AE, Abdallah b.
Zayed, où il a annoncé la construction
de « la maison de la famille
abrahamique » dans l’île Saadiyat à Abu
Dhabi. Voici une photo de la
construction prévue, qui sera inaugurée
en 2022, elle regroupe une mosquée, un
temple et une église. A ce propos, cela
a été annoncé avant l’accord
émirati-israélien. Le rabbin Bruce
Lustig, le grand rabbin du complexe
hébreu à Washington, a participé à cette
rencontre, et ils se sont mis d’accord
pour appeller ce document « le document
de la fraternité humaine en faveur de la
paix mondiale ».
Ce plan, comme je
l’ai précisé plus tôt, vise à affronter
l’Islam ferme, et introduire une
mollesse doctrinaire parmi les fidèles
musulmans, de sorte que le musulman ne
ressente pas une quelconque anomalie en
cas de concessions au Juif ou au
chrétien. Avec le but d’affronter
l’Islam fondamentaliste et les
mouvements de l’éveil islamique, à leur
tête les mouvements de la résistance,
les EAU ont ouvert plus d’un centre et
d’une tribune pour cela. Nous savons
aujourd’hui que la doctrine de la
politique étrangère des EAU est de
traquer les mouvements de l’éveil
islamique en tout lieu, et notamment le
mouvement des Frères Musulmans. Cette
traque ne se déroule pas uniquement par
la pensée, mais aussi par l’intervention
directe et la militarisation.. Par
exemple, le centre « Mesbar » aux
Emirats est un centre spécialisé dans
l’étude et la déformation des mouvements
de l’éveil islamique, il agit aux
Emirats et a publié de nombreuses
publications.
Quant au but des
« praticiens spirituels » consistant à
réinterpréter le texte religieux, pour
soutenir la paix et l’intérêt d’Israël,
et réinterpréter l’histoire musulmane,
les EAU ont poursuivi ces buts dans plus
d’une direction. Par exemple, ils ont
accueilli le penseur Mohammad Shahrour à
qui ils ont offert un centre à Abu
Dhabi. Mohammad Shahrour traite le texte
religieux par une réinterprétation en
manipulant toutes les constantes
coraniques.
Les Emirats ont
également fondé une association,
« croyants sans frontières », qui avait
son siège au Maroc avant le désaccord
marocain-émirati. « Croyants sans
frontières » veut dire sans frontières
au niveau de la doctrine et de la loi.
L’association présente son objectif en
disant « dépasser les partialités et les
différences doctrinaires ». Elle a
publié une encyclopédie en 5 volumes sur
la réinterprétation du texte religieux,
ayant pour titre « le Livre et sa
lecture », dirigée par le professeur
universitaire tunisien Abdel Majid
Sharfi. Elle essaie de dire que le Coran
qui est entre nos mains n’est pas le
seul Coran, et qu’il y a des lectures
différentes, nous avons des « Corans »
et non un seul Coran, dans une tentative
de faire douter du texte coranique
présent entre nos mains, comme étant le
texte achevé et final. Ce ne fut pas la
seule publication, d’autres ont suivi.
Cette association ne peut pas renier le
Coran de façon directe, elle est entrée
par la porte des lectures coraniques, ce
qui veut dire les formes de lecture,
pour dire que ce Coran entre nos mains
n’est pas la lecture achevée. Dans le
même cadre, les livres qui parlent de
l’historicité de l’exégèse coranique ont
pour but de donner la liberté de
réinterpéter les concepts tels que le
Jihad et autres, pour réaliser leurs
objectifs.
Q. Comment
peut-on affronter ce projet – plan ?
Je voudrai d’abord
signaler une autre institution émiratie
qui propage la réinterprétation du texte
et de l’histoire, c’est la télévision
al-Ghad, qui diffuse du Caire et qui est
financée par les Emirats. Elle présente
deux programmes, l’un sur la
réinterprétation du texte et accueille
favorablement tous les laïques sous le
titre du renouveau et de la réforme de
la religion... et un autre programme sur
la relecture de l’histoire...
Quant à affronter
ce projet, il commence par le peuple
palestinien, et je veux indiquer son
importance, en rappelant qu’après la
guerre de 2008-2009, plusieurs pays
arabes qui avaient ouvert des bureaux de
représentation à Tel Aviv, comme la
Mauritanie, les Emirats et Qatar, ont
fermé ces bureaux. Il faut compter sur
le peuple palestinien et sa résistance,
une véritable résistance qui affronte
l’agression et qui arrête ce projet. La
résistance du peuple palestinien est
capable de briser tous les complots.
J’indique ici la nécessité de dénoncer
et d’affronter les associations du
« parcours d’Abraham » en Cisjordanie.
L’Autorité
palestinienne, si elle veut affronter le
deal du siècle, doit affronter ces
activités à l’intérieur de la Palestine.
Nous devons mettre en garde notre peuple
contre ce qui se trame, à tous les
niveaux, car l’Occident et Israël
planifient et exécutent, et tous ces
projets doivent être affrontés en toute
conscience, dans l’attachement à la
résistance, à la ligne de la résistance
et à la voie de la résistance, en
consolidant les valeurs de l’islam,
telles que le jihad, l’invitation au
bien et l’abandon du mal, la résistance
à l’oppression et l’affrontement de
l’agression. Ce sont des valeurs
fondamentales dans l’islam, et notre
attachement à ces valeurs, et
l’éducation de nos générations futures
sur ces valeurs sont capables de
renforcer l’immunité interne pour
empêcher l’exécution de ces projets et
leur progression.
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