Actualité
Le grand malentendu…
Christian Vanneste
Mercredi 1er août 2018
La surdité semble
avoir frappé le Président de la
République, le Gouvernement et les
députés de la majorité. « Il n’y a de
pire sourd que celui qui ne veut pas
entendre », dit la sagesse populaire. Du
déclenchement de l’affaire Benalla au
rejet prévisible des motions de censure,
le pouvoir sous ces trois formes a fait
semblant de ne pas entendre l’exigence
de clarté qui montait non seulement dans
l’opposition, mais dans la population.
Il a fait semblant de croire que le
sujet en était le comportement de M.
Benalla le 1er Mai, place de la
Contrescarpe. C’est ainsi que la
présidente de la Commission des Lois a
limité l’enquête de l’Assemblée
Nationale à la dimension policière des
événements de ce jour et à cet endroit.
Le 1er Ministre a cru devoir expliquer
que la Commission d’enquête devait
d’ailleurs cesser ses travaux lors de
l’ouverture de l’information judiciaire
en vertu de la séparation des pouvoirs.
Pourquoi le Sénat continue-t-il alors
les siens ? Tout simplement parce que la
question ne vise pas les agissements du
nervi élyséen place de la Contrescarpe,
et comme on l’a appris après son
intervention mensongère sur TF1, au
jardin des Plantes, auparavant. Non,
l’interrogation légitime du Parlement
porte sur le fonctionnement des
pouvoirs, et singulièrement sur l’abus
commis par la Présidence de la
République qui a consisté à recruter un
homme de main, à lui confier une
autorité illégitime, exorbitante du seul
fait du mode de fonctionnement de
l’Elysée. Le « Missi dominici » avait
manifestement tous les droits parce
qu’il se réclamait d’un maître qui
n’hésite pas à faire tomber les têtes
qui lui résistent. Le Général de
Villiers en a fait l’amère expérience.
La hiérarchie courbait donc l’échine
devant cet usurpateur, en dehors de
toute conception républicaine du
fonctionnement des institutions. La
protection a été maintenue après la
faute, qui devait être transmise au
Parquet, et ne l’a pas été, sans qu’une
véritable sanction soit d’ailleurs mise
en oeuvre. Ce n’est que la révélation
des faits par Le Monde, et par la suite,
les rebondissements dus à la mise en
lumière des mensonges répétés du
pouvoir, qui ont obligé la Présidence à
prendre tardivement des mesures, tandis
que M. Macron minimisait l’affaire et
qu’une majorité parlementaire indigne
l’aidait à l’étouffer. Ce sont ces faits
qui témoignent d’une dérive contraire à
la démocratie qui devaient faire l’objet
d’un débat essentiel ! Le 1er Ministre a
ramené l’affaire à l’instrumentalisation
politique d’une faute individuelle. , et
le Président de la République à une
tempête dans un verre d’eau. Les motions de
censure ont poursuivi ce dialogue de
sourds. L’opposition n’avait pas d’autre
moyen de sortir « le carton rouge »
contre un pouvoir qui démentait sa
promesse d’une République irréprochable,
et le Chef du Gouvernement a défendu sa
politique générale, qui n’était pas le
sujet. Applaudi par une majorité
arrogante de parvenus de la politique
qui n’entendent rien, pour le coup, à la
nécessaire séparation des pouvoirs et se
trouvent incapables de défendre la
dignité d’une Assemblée dont ils sont
membres, Edouard Philippe a dressé un
catalogue enthousiaste des actions du
gouvernement, en critiquant
particulièrement la famille politique
dont il est issu. C’était d’autant moins
convenable qu’en s’en prenant à
l’alliance de circonstance des
oppositions de gauche et de droite, il
oubliait que lui-même avait trahi son
camp pour rejoindre le bateau de
sauvetage socialiste de Macron, Collomb
et Castaner. L’expression « de
circonstance » pourrait beaucoup mieux
caractériser la majorité actuelle, élue,
non pour effectuer des réformes, comme
elle le prétend, mais uniquement parce
que les Français n’avaient pas permis à
François Fillon d’accéder au second tour
de l’élection présidentielle, après le
coup de Jarnac médiatico-judiciaire qui
lui avait été porté, sans doute grâce
aux relais influents du futur élu. Ils
ont préféré Macron à Le Pen. Beaucoup se
sont abstenus et plus encore pour doter
le Président d’une confortable majorité
selon la tradition et la logique de la
Ve République. Ces
« circonstances » devraient rendre
l’Elysée, Matignon et LREM beaucoup plus
modestes, et ses élus d’autant plus que
le complice supposé de Benalla est un
employé de ce parti de donneurs de
leçons. Quant aux réformes qui changent
la France, on n’en perçoit guère les
effets, puisqu’elles sont toujours en
retrait par rapport à ce qui était
annoncé et à ce qui serait efficace.
Plutôt que de construire 15 000 places
de prison, on n’en fera que 7000, et
comme d’habitude, on veillera surtout à
limiter les entrées. Il est vrai que le
remboursement des prothèses auditives
sera un acquis social positif. On se dit
d’ailleurs que la majorité en aurait le
plus grand besoin.
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