Opinion
Apocalypse US
Chris Lehman
Dimanche 4 juin 2017
Par Chris Lehman (revue presse :
In These Times – extraits – 23/5/17)*
Un livre récent explique qu’entre les
mains des militaires, les signes de la
fin du monde deviennent des prophéties
de droit.
…(...)… Dans son
livre, le syndrome américain :
l’Apocalypse, la Guerre et nos Appels à
la grandeur (The
American Syndrome : Apocalypse, War and
Our Calls to Greatness) Betsy
Hartmann trace notre obsession de
l’apocalypse à l’époque des Puritains et
son argumentation est lourde de sens.
L’Amérique a, pendant des siècles,
courtisé cette calamité qu’est la fin du
monde, élément crucial dans la manière
originale de notre pays de conduire une
guerre. De nous imaginer,
continuellement, au bord d’une
catastrophe, nous avons rationalisé les
interventions militaires, les unes après
les autres. Cette obsession de nous
projeter comme les acteurs principaux
d’un drame historique provient, selon
Hartmann, de notre culture protestante,
qui a engendré ce sens inné d’être les
Elus de notre nation. « Que les
Américains soient spéciaux et
exceptionnels, le peuple élu pour
réaliser la volonté de Dieu ou sinon en
souffrir les pires conséquences, est une
vérité qui ne prête pas à démenti ». «
Ainsi, est aussi la croyance que la
guerre est de droit divin ».
La guerre du roi
Philippe, une campagne du 17ème
siècle pour exterminer les Américains
autochtones- a encouragé les colons dans
leurs rêves de protecteurs de la
civilisation chrétienne. Cotton Matther
a commémoré la migration des Puritains
vers le nouveau monde comme « le
dernier conflit contre l’ante- Christ et
le signe avant-coureur du millénium
imminent ».
Pour Hartmann, nous
devons briser cette addiction à une
fantaisie apocalyptique défigurant le
monde en faveur « d’un optimisme
pratique et global comme celui exprimé
sur une plaque du Parlement écossais ; «
Travaille comme si tu vivais aux
premiers jours d’une nation meilleure ».
Elle critique par ailleurs, la
rhétorique catastrophique de
l’environnementalisme moderne. Elle fait
exploser le spectre de la surpopulation
et de la menace si présente du
changement de climat, montrant comment
l’état d’esprit d’un militarisme
apocalyptique domine le mouvement pour
sauver la planète. La « bombe de la
population » devient maintenant une
fantaisie raciste et impérialiste. Du
Malthusianisme, elle écrit : « Il a
convaincu de nombreuses personnes, d’un
autre côté, bien intentionnées, qu’il
était juste de limiter les droits
humains à la reproduction des pauvres
chez nous et à l’étranger afin de nous
sauver ainsi que la planète d’une ruine
certaine ».
Pareillement, les
efforts pour diminuer les émissions de
carbone glissent très vite vers une
vision d’un ordre social mû par la
violence et anarchique sur les confins
de la civilisation occidentale,
symbolisée par des hordes de «
réfugiés climatiques » fuyant les
océans en crue et la déforestation.
Comme Hartmann le note, ces hordes ne
sont, en réalité, que des migrants
économiques normaux. Ils peuvent
peut-être s’extraire de situations
exacerbées par des températures en
hausse, mais beaucoup sont déjà engagés
dans une recherche migratoire de travail
saisonnier.
Des dirigeants
politiques comme John Kerry, Barack
Obama ou Bernie Sanders ont tous accepté
cette version des faits en attribuant la
crise des réfugiés syriens à la
sécheresse due au climat, dissociant la
diminution des ressources du régime de
Bachar al-Assad des conséquences de ses
actes. Cela « a créé l’impression
qu’une telle migration est un «
phénomène normal » qui ne finira jamais.
Harthman écrit : « Plutôt que de la
voir comme une crise aux racines
politiques, limitée dans le temps, on
nous a encouragé à croire que nous
entrions dans un monde d’urgence
permanente ».
Et maintenant voici
la question de sécurité nationale
américaine. Les militaires ont déjà
convenu de désigner le changement de
climat comme une menace de sécurité
nationale de première priorité, une
position acclamée par les écologistes.
Mais Hartmann nous
invite à être prudents dans ce que nous
voulons. Au travers de la sécurisation
du changement de climat et le désastre
en réponse, on nous apprend à craindre
les Noirs que le réchauffement mondial
est censé déverser…(…)… Plus nous
acceptons cette vision apocalyptique et
raciste de l’avenir, plus nous concédons
de pouvoir aux militaires.
Et ça, c’est notre
plus court chemin vers l’apocalypse
maintenant.
Chris Lehmann est l’auteur de
The Money Cult: Capitalism,
Christianity, and the Unmaking of the
American Dream
(Melville House, 2016).
Traduction et
Synthèse : Xavière Jardez
*Source :
In These Times
Le
dossier Monde
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