Chronique
Entre pleurs, sueurs et mort de peur
Chérif Abdedaïm
© Chérif
Abdedaïm
Mercredi 24 février 2016
Le château de
cartes djihadiste semble en voie de
désintégration sur plusieurs points du
territoire syrien. Pas une heure ne
passe sans que l’on n’apprenne la prise
d’une nouvelle ville ou d’un carrefour
stratégique. Dans le nord, dans le sud,
à l’ouest… partout les positions
rebelles s’écroulent.
A Deraa, les
troupes loyalistes lancent une grande
offensive après avoir pris Al Naymah.
Dans la banlieue de Damas, Darayya,
point stratégique de la Ghouta tenu par
Al Nosra, est totalement encerclé. Au
nord d’Homs, les avions russes ont
pilonné durant 36 heures consécutives
les défenses islamistes afin d’ouvrir la
voie à l’armée syrienne. A Deir ez-Zoor,
le bataillon qui résiste assez
héroïquement à Daech depuis deux ans
s’est même permis une petite attaque et
a pris un tunnel et une cache d’armes
aux hommes en noir.
Mais c’est surtout
dans le nord, autour d’Alep, que les
terroristes modérés prennent une
monumentale fessée : villes et villages
tombent littéralement les uns après les
autres. La situation change d’heure en
heure et il serait trop long de
détailler les avancées de l’armée
syrienne, du Hezbollah ou des milices
chiites . Les combats sont meurtriers et
les djihadistes se défendent avec
l’énergie du désespoir, mais le sort
d’Alep est scellé.
La ville qui devait
devenir la capitale de la rébellion
islamiste alimentée par la Turquie
voisine est désormais coupée de tout. Si
hier encore, les parrains saoudiens et
turcs pouvaient éventuellement nourrir
l’espoir de voir rouvrir l’autoroute qui
mène aux armes ottomanes, ils ont été
froidement douchés : Hezbollah et armée
syrienne ont définitivement barré le
passage.
Grosse cerise sur
le gâteau, les Kurdes ont également
commencé à bouger !
Profitant des
victoires du régime, les YPG d’Afrin ont
repris, avec l’appui de l’aviation
russe, quelques villages à Al Nosra et
Ahrar al-Cham, scellant encore un peu
plus le sort d’Alep. Il semble que les
YPG ne vont pas s’arrêter là… Nous
sommes vraisemblablement au début du
mouvement de jonction entre Afrin et
Kobané, réunissant en une longue bande
de terre tous les Kurdes syriens,
coupant définitivement par la même
occasion les communications entre Daech
et son parrain turc.
On imagine les
nuits sans sommeil du sultan en son
vaste palais d’Ankara… L’intervention
russe a pulvérisé ses plans syriens :
ses petits protégés terroristes sont
coupés de maman Turquie tandis que son
cauchemar se réalise avec la
constitution d’un Kurdistan autonome
syrien à la frontière turque, contrôlé
par ses ennemis du PYD et arrière-base
du mouvement insurrectionnel du PKK dans
le Kurdistan turc. Le boomerang est
revenu en pleine poire, « le sultan »
est châtié par là où il a péché.
Est-il assez fou
pour intervenir militairement ? Sans
doute pas… Damas peut plastronner, par
la voix de son ministre des Affaires
étrangères : « Que personne ne songe à
envahir la Syrie car nous renverrons les
agresseurs chez eux dans des cercueils
en bois ». Il sait bien que la Turquie
n’osera pas risquer d’ajouter
l’humiliation militaire aux revers
diplomatiques et stratégiques.
Et Poutine
d’enfoncer le clou où ça fait mal. Les
Kurdes syriens ouvriront prochainement
une représentation diplomatique à Moscou
! Une nouvelle baffe pour Erdogan. Ah
sultan, tu vas longtemps regretter ton
immense bourde du 24 novembre…
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