Syrie
Une escalade pour un nouveau
scénario à l’irakienne
Chérif Abdedaïm

Mercredi 18 avril 2018
Hier (14 avril), la coalition
américaine, française et britannique a
bombardé trois sites en Syrie au mépris
du droit international, au risque
d'aggraver les tensions avec la Russie,
de renforcer les djihadistes en Syrie,
et alors même que les résultats de
l'enquête sur l'utilisation des armes
chimiques à la Douma ne sont pas encore
connus.
Des attaques de
missiles ont été ainsi perpétrées contre
des «cibles» situées dans la capitale
syrienne et à Homs. La Russie, qui
menaçait, il y a quelques jours de
détruire les plate-formes de lancement
en cas d'agression contre la Syrie, a
fait preuve de retenue et s’est
contentée aujourd'hui de protestations
verbales.
Rappelons également, que ces attaques
ont été précédées par le fameux «tweet»
belliqueux publié par Trump, des
déclarations répondant aux dernières
allégations non moins frauduleuses de
gaz toxique, promettant que le
gouvernement syrien paierait un «grand
prix» et accusant l’Iran et la Russie de
complicité dans l’attaque chimique
présumée. Aux Nations unies,
l’ambassadrice américaine Nikki Haley a
promis que les États-Unis «répondront»,
indépendamment de tout veto à l’ONU par
la Russie et la Chine contre une action
militaire.
Ainsi, les menaces de Donald Trump
ont-elles été mises à exécution,
d’autant plus qu’il a été encouragé et
soutenu par une bonne partie des médias
américains et internationaux qui ont
exigé que l’Administration Trump fasse
suivre sa rhétorique d’actes et lance
une offensive militaire massive contre
le gouvernement syrien de Bachar Al-Assad
soutenu par la Russie. Un échantillon de
titres montre l’état d’esprit qui anime
la presse de l’establishment américain.
«Quelques missiles de croisière de Trump
n’arrêteront pas les crimes de guerre de
la Syrie», (Washington Post) ; «Pour une
deuxième frappe sur la Syrie, Trump
devra utiliser les grands moyens», (Foreign
Policy).
En matière de moyens militaires pour
mener une «opération à grande échelle»,
ils sont déjà en place au Moyen-Orient,
en raison des 25 années d’intrigues et
de guerres impérialistes menées par les
États-Unis à travers la région. Une
vaste gamme d’avions américains est
déployée en Irak et dans les États du
Golfe. Des navires de guerre et des
sous-marins américains, français et
britanniques armés de missiles de
croisière sont déployés en Méditerranée
orientale. Enfin, l’irresponsabilité de
cette agitation éditoriale est soulignée
par le fait que ces appels à «l’action»
semblent indifférents à la possibilité
qu’une attaque contre la Syrie puisse
provoquer une guerre avec la Russie
dotée d’armes nucléaires.
Faux prétexte et argumentation par
l’absurde
Le prétexte approprié à cette nouvelle
agression est vite trouvé. «Une attaque
chimique de la part du gouvernement
syrien» qui aurait fait des victimes
civiles. Prétexte fallacieux et sans
grande originalité, estiment certains
observateurs. D’ailleurs, les précédents
de 2013 (déjà dans la même zone) ou de
2017 à Khan Cheikhoun semblent avoir
vacciné l’opinion contre ce genre de
comédie. Dans ce sens, «on l’attendait
une affaire chimique depuis février»,
dira Samir Saul, professeur d’histoire à
l’Université de Montréal.
Devant l’échec lamentable des tentatives
de renverser le gouvernement syrien par
djihadistes interposés, Washington
devait passer à l’action, sinon sa
défaite aurait été plus humiliante
encore. Donc, l’histoire d’attaque
chimique est montée de toutes pièces,
ajoute-t-il. Les seules ONG qui
prétendent qu’il y en a eu une, sont
financées par les pays occidentaux et
leur sont redevables. Les Casques blancs
ne sont que des djihadistes déguisés en
secouristes. Le prétexte d’une attaque
chimique est la seule façon de créer une
noble indignation qui permettra à
Washington de lancer une guerre et de
dépecer la Syrie.
Alors que les troupes militaires
«Etasuniennes» occupent le tiers du
territoire syrien, le Pentagone ne veut
absolument pas les retirer. Ainsi,
Washington et ses alliés semblent-ils
sous-estimer la Russie, n’y voyant que
le prolongement de la période où Boris
Eltsine était au pouvoir. Aussi, le
prétexte pour que l’Administration Trump
ordonne une escalade majeure des
opérations militaires américaines en
Syrie est-il l’allégation non vérifiée
et douteuse que l’armée syrienne a
utilisé des armes chimiques lors d’une
attaque le week-end dernier contre la
ville rebelle de Douma.
Des images filmées par des forces
antigouvernementales — que certains
médias se sont vus obligés de republier
avec l’avertissement qu’ils ne pouvaient
en vérifier l’authenticité — prétendent
montrer des enfants souffrant des effets
d’une arme à base de chlore. Le
gouvernement d’Assad et la Russie, qui
compte des milliers de militaires sur le
terrain soutenant les forces syriennes,
nient avec véhémence ces accusations.
Ils ont souligné les problèmes évidents
: de quelque point de vue que ce soit,
l’utilisation d’armes chimiques serait à
la fois militairement inutile et
stratégiquement préjudiciable à leurs
intérêts. Les forces islamistes
soutenues par les États-Unis avaient été
complètement déroutées et ont depuis
livré Douma.
Le seul bénéficiaire de l’attaque
chimique présumée, comme cela a été
démontré tout au long de la semaine,
sont les fractions des classes
dirigeantes américaine, européenne et
internationale qui veulent empêcher la
défaite totale des «rebelles» et
utiliser le soutien de Moscou au
gouvernement Assad comme moyen
d’intensifier les préparatifs de guerre
contre la Russie même. Cela dit, le 17
mars 2018, le ministre russe des
Affaires étrangères, Sergueï Lavrov,
avait déjà dénoncé la présence de forces
spéciales «Etats-uniennes», britanniques
et françaises en Syrie ; une réalité que
dénient Londres et Paris. «Cette
présence signifie le fait qu’il ne
s’agit plus d’une guerre par procuration
mais d’une intervention directe dans la
guerre», a-t-il insisté.
Lavrov adressait par la même occasion
une mise en garde à Washington, Londres
et Paris, au cas où ils bombarderaient
Damas. Selon certaines sources bien
informées, des documents saisis par les
services secrets syriens et russes
attestent d’un plan d’attaque de la
capitale syrienne comparable à celui
contre Baghdad en 2003 et incluant
l’assassinat du président Al-Assad. Des
navires alliés se sont placés en
position d’effectuer cette attaque
depuis la Méditerranée.
Pour leur part, les armées syrienne et
russe ont prévenu, le 19 mars 2018, une
nouvelle attaque chimique sous faux
drapeau instiguée par le Royaume-Uni
dans la Ghouta orientale.
Elles avaient déjà saisi deux
laboratoires chimiques les 12 et 13
mars. Lors d’une réunion du Commandement
des forces armées russes, le 20 mars, le
ministre russe de la Défense, le général
Sergueï Choïgou, a évoqué trois
tentatives de faire usages de ces armes
au cours de la semaine dans la Ghouta
orientale.
Il n’a pas explicitement désigné Londres
comme le commanditaire des ces
tentatives d’attentat, mais la
formulation de ses propos ne laissaient
aucun doute possible à ses
interlocuteurs. «Nous espérons que dans
la situation actuelle nos partenaires
occidentaux soient guidés par le bon
sens dans leurs décisions, cessent de
flirter avec les terroristes et
rejoignent les initiatives pacifiques
russes en Syrie», a-t-il poursuivi.
En cinq jours, plus de 79 000 civils,
prisonniers des groupes armés dans la
Ghouta, sont parvenus à trouver refuge
auprès de la République arabe syrienne
grâce aux couloirs humanitaires de
Muhayam al-Wafedin et d’Hamouriyah.
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