Accueil PressTV-Iran Dossiers Auteurs Communiqués Agenda Invitation à lire Liens Ressources
Dernières mises à jour Les rapports du CPI Le Hamas Les vidéos BDS Ziad Medoukh Centre de la Paix Gaza Université al-Aqsa Gaza Qui? Pourquoi?

Google
sur le web sur Palestine Solidarité

 

 
Centre Palestinien
d'Information



 
Invitation à lire





BDS



Solidarité



Produits palestiniens



Eurasie-Afrique


 
En direct d'Iran



Agence syrienne



Agence Russe


 
Radio Chine

Internationale
 
Palestine Solidarité
sur Facebook



 


   


Algérie en phase avec le mouvement du monde

Les Arabes et la quête du savoir:
Un peuple ni pire ni meilleur

Chems Eddine Chitour


Le Pr Chems Eddine Chitour

Jeudi 25 août 2016

«Si j'étais un dirigeant arabe, je ne signerais jamais un accord avec Israël. C'est normal: nous avons pris leur pays. Il y a eu l'antisémitisme, les nazis, Hitler, Auschwitz, mais était-ce leur faute? Ils ne voient qu'une seule chose: nous sommes venus et nous avons volé leurs terres.»
David Ben Gourion, le premier chef du gouvernement d'Israël, le 18 juillet 1948.

Cette affirmation de Ben Gourion est donnée à dessein pour montrer que la cause palestinnienne est légitime bien que le consensus actuel –entendons par là, les pressions occidentales et en sous main l’injonction israélienne- recommande d’abandonner pour que les Arabes reviennent en grâce auprès de la communauté internationale –entendons par là l’Europe, et les Etats unis- De ce fait la normalisation des pays arabes aux conditions israéliennes est l’une des conditions posée par les décideurs pour la survie des potentats arabs installés dans les temps morts. Comme on le voit les pays arabes notamment du golfe se bousculent maintenant d’une façon visible au portillon israélien pour faire allégeance ; Exit la cause juste des droits des Palestiniens à vivre en dignité sur la peau sur le banthoustan en peua de léopard concédé par Israël.

Après l'hirondelle printanière des jeux de Rio où nous vîmes la jeunesse, espérance de l'humanité, s'éclater et nous indiquer la vraie vie, l'actualité nous matraque avec son lot de mauvaises nouvelles et n'était-ce, ce fut à bien des égards l'hiver de la misère matérielle, de la mort, du sang et des larmes qui s'installe dans l'hémisphère Sud principalement, il faut bien le dire, dans une région du Proche et du Moyen-Orient coupable à la fois d'être musulmane et d'être arabe.

Le Moyen-Orient qui souffrait déjà depuis près d'un siècle des conséquences néfastes des accords de Sykes-Picot. La Grande-Bretagne et la France ont négocié les restes de l'Empire ottoman sans rien en dire aux Arabes qui se battaient à leurs côtés. Les accords qui en ont résulté symbolisent toujours sur place la traîtrise occidentale. La suite on la connaît. Un siècle d'errance et un nouveau partage après l'implosion de l'empire soviétique grâce à l'Eglise conquérante de Jean-Paul II, un dirigeant utopique avec sa perestroïka- qui jouait le rôle de l'idiot utile, récompensé par le hochet du prix Nobel de la paix- et un Ronald Reagan adversaire de «l'empire du mal». L'islam est devenu le Satan de rechange.

En Occident un consensus est martelé en boucle il y a un choc des civilisations : la prophétie auto-réalisatrice de Samuel Huntington sur le choc des civilisations et le formatage des Bernard Lewis et tant d'autres éminences des néo-conservateurs ont permis à George Bush d'avoir sa croisade et de tenter le rechapage du Moyen-Orient Résultat des courses: c'est le chaos dans les pays arabes. Cela a commencé souvenons-nous, avec le laboratoire expérimental de l’islamisme selon le roi Hassan II, que fut l'Algérie de la décennie 1990-2000. Après la perte de 200.000 âmes, l'Algérie en est sortie exsangue malgré les interférences de nos adversaires intimes. Le terrorisme, nous savons ce que c'est.

Les convulsions actuelles des pays arabes sont dues à plusieurs facteurs dont les principaux qui sont l'instrumentalisation de la religion à la fois par les pouvoirs en place, mais aussi par les interférences externes dans le combat de titans qui oppose actuellement deux visions du monde: un monde ancien, celui de l'hyperpuissance de l'Empire américain avec ses vassaux anglais et français toujours partants pour les mauvais coups et les rapines, comme nous l’avons vu avec l’Afghanistan, l’Irak , la Lybie, la Syrie et même le Yémen dernier candidat à la destruction de sa culture. Globablement tout est fait pour effacer de la surface de la Terre l’apport des civilisations moyen orientales qui virent à la fois les premières communautés humaines en villages en Syrie, les civilisations mythiques syriennes assyriennes ,mésopotamiennes, babyloniennes mais aussi les berceaux des religions révélées. Et ceci de la main de nations qu’il y a encore un peu plus de deux siècles n’existaient pas !

En face le nouveau monde multipolaire empêché d'apparaître ce qui explique que les tensions actuelles se font sentir principalement à la limite des plaques tectoniques au Moyen-Orient et en Afrique du Nord. Cette hégémonie de ces puissances est due à la conviction d’appartenir à la race supérieure, éclairé par le siècle des Lumières- donc gardienne des valeurs d’universalité dont on s’aperçoit avec le temps que c’était du vent. L’autre raison est plus simplement à la boulimie énergétique des uns et des autres qui fait qu’il faut s’assurer de sources d’approvisionnement sûres à un prix dérisoire En un mot, l'ébriété énergétique a de beaux jours devant elle malgré les kermesses des COP dont la COP21.

Quelles sont les victimes de la lutte de ces puissances?

En fait ces victimes sont toutes celles qui ne rentrent pas dans le rang, mais aussi celles qui ont des ressources minières ou énergétiques. Souvenons doù du cuivre du chilien et de la mort de Savador Allende . Dans le domaine de l'énergie ce sont principalement des Arabes! Souvenons de Saddam Hussein et de sa pendaison de Kaddafi et de sa mort abjecte sous traitée par l'Empire à ses vassaux Sarkozy et Cameron

Ce cri du coeur du physicien Ahmed Bensaâda résume plus que 1000 discours l'état des Arabes: «Depuis un quart de siècle, le monde arabe vit au rythme des coalitions. (..)De coalition en coalition, ce monde n'a connu que les massacres, les viols, les exodes et les ruines. De coalition en coalition, le sang de centaines de milliers d'Arabes a coulé, abreuvant non seulement la haine des Arabes entre eux, mais aussi entre les Arabes et les Occidentaux. Pourtant, de coalition en coalition, ces mêmes Occidentaux nous avaient promis de semer, grâce à leurs armes sophistiquées et leurs bombes intelligentes, aussi bien la Démocratie, la Paix et la Prospérité que les Droits de l'homme et la Liberté d'expression. (...) Bien au contraire, de coalition en coalition, de 2002 à 2014, le nombre de morts causés par des attentats terroristes a augmenté de... 4500%! »(1)

« De coalition en coalition, on a réussi à offrir au monde arabe une saison nouvelle. Bien au contraire, jamais saison n'a été aussi funeste: 1,4 million de victimes (morts et blessés), 833 milliards de dollars de pertes et un nombre astronomique de séquelles à tout jamais gravées dans les corps, dans les esprits et dans les idéaux. De coalition en coalition, on a vu des coalisés s'appliquer à financer le terrorisme, promouvoir le djihadisme et armer la dissidence. (...) De coalition en coalition, des chemins de transhumance humaine ont été ouverts à travers terre, jusqu'à des frontières hérissées de barbelés et à travers mers, jusqu'à une plage où un petit enfant au chandail rouge s'est couché, fixant le sable mouillé, pour ne plus voir la cruauté des humains. Au temps béni des coalitions, le monde arabe n'en finit plus de saigner, n'en finit plus de pleurer, n'en finit plus de péricliter...» (1)

Les Arabes, ces mal-aimés. Qui étaient-ils?

On dit que les Arabes sont un ancien peuple sémitique dont le barycentre fut l'actuelle Arabie saoudite. Beaucoup d'entre nous dans leur jeunesse ont vibré aux rapsodies et autres «mou'allaquate» « sortes de poèmes accrochés », où les joutes oratoires se faisaient à Oukadh. Cependant le déni d’apport à la civilisation universelle de l’Islam a dans une première étape était renié, ensuite ce apport est du selon certains révisionnistes à des dimmis intellectuels brillants ( perses, juifs, kurdes, maghrébins) mais pas arabes qi’il faut à tout prix diaboliser

Les révisionnistes quand à l’apport au patrimoine de l’humanité

Comment - à l’instar de tout ceux qui font preuve de contorsion intellectuelle pour jeter un pont entre la culture grecque et la culture de la Renaissance voire des « Lumières »- peut-on nier huit siècles d’acculturation de l’Europe par la culture dominante qu’était celle de la civilisation musulmane ? L’apport musulman à la connaissance universelle est indéniable dans tous les domaines de la connaissance d’autant que beaucoup d’auteurs plagient sans vergogne sans naturellement citer les références qui les excluraient de la paternité de leurs « œuvres ».

Nasr Boutammina. avance en substance que le savoir humain, grossièrement schématisé en Occident dans un parcours réducteur, aurait pris sa source dans la Grèce antique et Rome, modèles de progrès et cités idéales, ensuite fait un survol de 10 siècles de « néant » pour rebondir avec La Renaissance et le Siècle des Lumières comme aboutissement de la modernité. L’auteur conclut à l’ingratitude d’un Occident triomphant face à une altérité ignorée dont, ajoute l’auteur, « Aucune invention, aucune création n’a obtenu le "Copyright" de l’Occident Pour Boutammina, l’Eglise a attribué injustement la paternité à la Grèce antique en inventant « une mythologie historique et une falsification textuelle en version latine ou grecque ». L’exemple le plus éloquent est l’histoire de la médecine représentée par l’illustre Hippocrate auquel on a affecté quantité d’ouvrages médicaux qui lui auraient appartenu, pour peu qu’on eût voulu prêter foi. Le Serment d’Hippocrate considéré comme une contrefaçon du Serment d’Ibn Sina a déjà fait couler beaucoup d’encre et réagir des universitaires occidentaux. » (2)

Dans son ouvrage « Aristote au Mont Saint Michel » Sylvain Guggenheim attribue la Renaissance de l’Europe à l’apport d’un obscur abbé Jacques de Venise, dans l’Abbaye du Mont Saint Michel et à des Chrétiens assyriens, des Juifs, des Perses bref tout sauf des Arabes ! (3)

Plusieurs parmi les historiens dignes de ce nom on tenu à rectifier cette assertion qui ne repose sur aucune preuve. Pour Marwan Rashed « le monde arabo-musulman n’a pas reçu passivement le savoir grec, puisqu’un savoir y était déjà constitué, dont une large partie n’avait d’ailleurs pas encore d’équivalent en Occident (comme l’algèbre ou la médecine). Le besoin de traductions des textes grecs en arabe ne s’explique donc que par une volonté d’un savoir nouveau pour répondre à des questions déjà posées par les penseurs arabes. En ce qui concerne la philosophie, dès le ixe siècle les théologiens rationnels (les Mutakallimun) auraient formulés, selon Marwan Rashed, des théories très complexes pour penser la compatibilité de la liberté et de la prédestination, les limites du possible en métaphysique et la constitution du monde dans une physique de la création. (4)

La suprématie de la langue arabe

Une langue ne s’impose pas quand elle n’est pas adossée à une production intellectuelle. C’est tout naturellement que les savants de l’époque, juifs, chrétiens assyriens , perses, se sont mis à l’arabe langue plus fluide . Quand Maimonide écrivit « Dalil el Haïrine » « le Livre des égarés », son ouvrage majeur qui est encore une référence dans le monde juif, il le fit en arabe, il aurait pu le faire en syriaque, en hébreu.

L’Arabe du moyen âge était la vulgate planétaire, c’était l’anglais du XXe siècle. « Quand l’arabe a commencé à s’imposer dans le Croissant fertile, Dans le Nouveau Testament , les dernières paroles du Christ ont été laissés en araméen. A leur lecture : « Ya ilahi, Ya ilahi, Lima sabactani ?» « O mon Dieu, O mon Dieu, Pourquoi m’as tu laissé tombé ?que les Chrétiens occidentaux ânonnent sans savoir, un locuteur arabe les comprend parfaitement : « Mon Dieu pourquoi as-tu pris de l’avance sur moi,- tu m’as abandonné ? » … (4)

S'agissant justement de la langue arabe, l'illustre savant Jacques Berque explique dans Les Arabes et nous que «la fonction de la langue pour les Arabes est différente, supérieure à celle qu'elle remplit pour les Occidentaux. Il donne un exemple: ainsi, en arabe, les mots se rapportant à l'écrit dérivent tous de la racine k.t.b.: Maktûb, maktab, maktaba, kâtib, kitâb. En français, ces mêmes mots sont: écrit, bureau, bibliothèque, secrétaire, livre. Les mots français sont tous les cinq arbitraires, mais les mots arabes sont, eux, «soudés par une transparente logique à une racine qui seule est arbitraire». «Alors que les langues européennes solidifient le mot, le figent, en quelque sorte, dans un rapport précis avec la chose, le mot arabe reste cramponné à ses origines. Il tire substance de ses quartiers de noblesse.» (5) (6)

On rapporte que Samaouel, auteur juif antéislamique, auteur de la célèbre «lamiiatou Samaouel» « Le poème de Samuel qui se termine par un mot avec la lettre L finale » : « Idha el mareou lame iadnass min louemi ‘irdhouhou , fakoulou ridaInn yartadihi djamilou », « Si l’homme ne se souille pas de choses vils tout vêtement modeste qu’il portera paraitra beau ».. n'a pas voulu dévoiler un secret que lui avait confié Antar Ibn Cheddad mettant en péril de ce fait, la vie de son fils.. Depuis l'expression «aoufa min Samaouel» «Plus fidèle - au serment- que Samaouel- a traversé les siècles.

N’est ce pas plutôt cette atmosphère d’abord de Dar El Hikma à Bagdad – qui était une grande belle ville alors qu’’à l’époque Londres était un gros bourg- où on comptait dit-on des centaines de milliers d’ouvrages ou le sultan donnait son poids d’or à tous les traducteurs d’ouvrage ? Cela se passait au VIIIe siècle Les ministres étaient juifs Pendant qu’il était interdit aux juifs d’enterrer leurs morts intra-muros à Paris , que l’inquisition battait son plein ? Comment expliquer cette période que nous fait connaitre par miracle Sylvain Guggenheim – que constituait l’Abbaye du mont Saint Michel alors que l’Europe était à feu et à sang qu’en pendait les hérétiques qu’on rôtissait les Juifs ?

Le miracle de la symbiose du savoir arabe à l’ombre de l’Islam

Mostefa Lacheraf avance que pour écrire la Muqqadima « les prolégomènes » Ibn Khaldoun, le père de la sociologie a consulté des milliers d’ouvrages. A Grenade et à Cordoue l’atmosphère intellectuelle était très favorable à la floraison des idées, une liberté de penser en action, qui fait que les Juifs , Musulmans et Chrétiens vivaient en harmonie Seul le savoir était à l’honneur et pouvait discriminer envers les individus ,ce n’était ni l’ethnie, ni la religion !

Par la symbiose permise par le Coran, les Arabes réussirent à fédérer à l'ombre de l'islam tous les savants qu'ils soient maghrébins, perses, kurdes, arabes chrétiens, juifs. Quand on se rend compte de toute l'étendue des domaines que ces scientifiques par leurs pensées et leurs écrits ont développés, on voit que sans les Arabes, la science et la philosophie européennes ne se seraient pas développées à l'époque comme elles l'ont fait. Les savants musulmans ne se contentèrent pas de transmettre simplement la pensée grecque. Ils en furent les authentiques continuateurs. La conquête arabe apportait les éléments d'un nouvel enthousiasme pour le savoir, une langue qui se forge et qui s'impose comme un instrument de communication internationale; un gouvernement fortement centralisé; une religion qui exalte la connaissance.

Avant, à son tour, de se les approprier et de les enrichir. A force de diaboliser l’Islam, on a fini par faire croire en Occident à travers des médias d’une rare partialité, que les Arabes et les Musulmans sont des barbares incultes et que l’héritage européen est grec.

Il est utile de replacer justement, le contexte des sources littéraires des hommes de lettres européens considérés comme des génies dans leur discipline par un Occident qui dicte la norme sur ce que nous devons apprécier et ce que nous devons rejeter. Cet état de fait peut être résumé dans l’anecdote romanesque du célèbre écrivain Anatole France, quand un de ses personnages demandait à Mme Nozière, « - Quel était le jour le plus funeste de l’histoire ? Mme Nozière ne le savait pas. - C’est, lui dit-il, le jour de la bataille de Poitiers, quand, en 732, la science, l’art et la civilisation arabes reculèrent devant la barbarie franque. » (7)

C’est ainsi qu’au IXe siècle le Calife de Bagdad Haroun Errachid fonde « Dar El Hikma » ; la « Maison de la sagesse » : sorte de Grande Bibliothèque, qui groupera un million de volumes ! Au Xe siècle la bibliothèque de Cordoue en rassemble 400.000 et celle du Caire comprenait 1,6 millions de volumes dont 6000 ouvrages de mathématiques et 18000 de philosophie (8)

On raconte que le Calife Haroun Errachid offrit, vers 790, une pendule (Clépsydre) à l’Empereur d’Occident, celui-ci lui fit cadeau de ... lévriers ! Comme l’écrit Lamine Kouloughli : « D’un côté des pendules, les premières horloges du monde, de l’autre des sloughis... Oui des sloughis, des chiens ! Non les Arabes n’étaient pas des Barbares... » (9).

On rapporte aussi que lors de l’entrevue que l’Empereur d’Occident Karl der Gross (Charlemagne) avait accordé à Aachen à l’ambassadeur de Bagdad, il aurait été informé sur le système éducatif en vigueur dans l’Empire abbasside. Il faut croire que cet entretien fut édifiant car à la suite de cela, l’Empereur décida, prenant exemple sur les terre d’Islam, de créer l’école et de ce fait attacha son nom à une création dont il n’a pas la paternité (10)

L’aristotélisme d’Avicenne et d’Averroès fut, par exemple, exposé dans un traité appelé "Lettres Siciliennes" et adressé par le philosophe Ibn Sabin à Frédéric II de Hohenstaufen ; Al-Idrisi nous a légué son « Kitab Rodjer » ; « le livre de Roger », ouvrage de géographie écrit pour Roger roi normand de Sicile (1105-1154) Jusqu’aux XIIIe et XIVe siècle, le monde musulman conserve globalement la suprématie intellectuelle, c’était ce que l’on appela l’« âge d’or » de l’Islam. Comme l’écrit M. Lacheraf : « Les historiens officiels décrivent ainsi le Roi de France, Charles V, dit le Sage (1364-1380) : il peut être considéré comme le fondateur de la Bibliothèque Nationale, car son père ne lui avait laissé que vingt volumes. Ces ouvrages étaient surtout des livres pieux et n’avaient rien à voir, par exemple avec les livres dits « profanes » des sciences.

A cette époque, poursuit Lacheraf : « Les bibliothèques royales du Maghreb et du Proche orient contenaient non pas des centaines de volumes mais des dizaines de milliers , les bibliothèques privées ou des universités où se forma et se documenta et enseigna Ibn Khaldoun à Tunis, Tlemcen, Bédjaïa, Fès, le Caire, ne le cédant en rien quant à l’importance numérique de leurs manuscrits, à celles des Emirs et Souverains Nasrides de Grenade, Mérinides, Abdelwadites, Hafsides et mamelouks(...) » (11)

A titre d’exemple, La Fontaine, comme, plus tard, Victor Hugo, empruntera beaucoup de thèmes et de personnages de ces régions du monde. En 1664, Le Pouvoir et les Intellectuels ou Les Aventures de Kalila et Dimna, d’Abdallah îbn Mouqaffah (mort en 756H) fait connaître le plus grand ensemble de fables orientales d’origine indienne, traduites en persan au VI° siècle, puis en arabe à Bagdad. Le sujet de la fable Le Corbeau et le Renard (1,2) est emprunté au folklore persan et arabe. Attribué à Esope, Le Villageois et le Serpent (VI, 13) vient également de Kalila et Dimna et souligne que les ingrats peuvent être punis. « Grippeminaud » ermite vénérable et respecté, à la manière du « chat » de l’épisode de Kalila et Dimna intitulé Le rossignol, le lièvre et le chat, et que La Fontaine rebaptise Le Chat, la Belette et le petit Lapin (VII, 16) (12)


Une autre œuvre, La Divine Comédie de Dante doit beaucoup aux sources arabes et musulmanes. Dante a commencé à écrire La Comédie vers 1307, le thèmeLe poète égaré dans la forêt sauvage du péché, effectue un voyage imaginaire au travers de l’Enfer, du Purgatoire et du Paradis, jusqu’à la découverte de Dieu. Parmi les sources profanes citons la plus importante Abou El Ala El Maari (973-1058) prosateur titanesque, " otage des deux prisons " écrivait Rissalat El Ghoufran, « l’Épître du pardon ». La Divine Comédie a d’une certaine façon était écrite par El Maâri. Il est établi que Dante reconnaît explicitement dans ses oeuvres en prose sa dette envers de grands philosophes comme Al-Kindi, Al-Farabi, Ibn Sina, Al-Fargani, Ibn’Arabi et biens d’autres mais ne cite pas El Maäri précurseur principal de son « œuvre ».

Georges Corm: un constat d'actualité sans complaisance

Sur la situation actuelle des Arabes Georges Corm, écrivain, ancien ministre libanais de l'Economie écrit: «Nous sommes en face de deux thèses et on trouve des penseurs arabes dans les deux camps. Il y a d'abord la thèse anthropologique essentialiste qui est une thèse d'autoflagellation soutenant que nous avons en nous-mêmes des défauts depuis l'Antiquité, notamment le tribalisme, ou que nous avons une vision étriquée de la religion qui n'est pas ouverte et tolérante; et donc le problème est chez nous et pas dans les agressions extérieures. Qu'est-ce qui a fait que les Arabes, les Berbères en Andalousie, notamment, sont sortis de l'histoire? Malheureusement, nous essayons de dépasser nos problèmes en parlant d'arabo-islamisme. Il est vrai que les Arabes sont à 95% musulmans. (..) » (13)

Le nationalisme arabe à l'origine à cet enfermement est, poursuit Goerges Corm, une thèse défendue par les orientalistes occidentaux. Ceux-ci ont voulu faire du nationalisme une affaire des chrétiens du Machraq (..) On a remplacé Ibn Khaldoun par Max Weber. On a remplacé les grands philosophes Ibn Rochd et Ibn Sina par Hegel. (...) L'indépendance de l'esprit arabe a été kidnappée par la culture orientaliste européenne. (...) Quand Obama est venu au Caire, il a parlé de la protection des minorités comme s'il parlait des pandas! «les défis d'aujourd'hui». Ce sont la science et la technique, et pas la métaphysique. Nous étions ouverts sur toutes les cultures. C'était l'âge d'or. Nous étions producteurs des sciences(...)» (13)

Pourquoi, alors admettre comme parole d’évangile la doxa occidentale qui prend sa source dans l’orientalisme dont le regretté Edward a dit tout le bien dans son ouvrage magistral « l’Orientalisme » , Eric Geoffroy Younes professeur à l’université de Grenoble les Orientaux s’interroge sur ce qui empêcherait les intellectuels de porter un regard critique sur la production intellectuelle occidentale en pratiquant par réciprocité "l’occidentalisme" (al-istighrâb), pour donner le change aux orientalistes et à leur orientalisme ? (14).

Les ingérences occidentales composantes du malheur arabe

Il est indéniable que les puissances occidentales n'ont jamais cessé de diviser les Arabes en jouant sur les sensibilités ethniques et religieuses. Ainsi les médias main stream ne s’arrêtent de se lamenter sur le sort des Chrétiens d’Orient qui souffrent à la fois de la folie intégriste echappée de la boite de Pandore ouverte par l’Occident qui en venant avec ses grands sabots et son napalm venir faire voler en éclat des équilibres millénaires entre ethnies entre religions entre cultes différents au sein de l’Eglise. Pour rappel la clé du Saint Sépulcre remise par Salah Eddine Al Ayoubi a été remise une famille palestinienne depuis plus de 800 ans qui la garde et la remet aux différents rites nestoriens grecs arméniens lors de la visite de l’Eglise de la nativité chacun à son tour.

Hayat al Huwik Atia, journaliste libanaise de confession maronite, interpellant le pape lors de son voyage en Israël déclare: «L'église d'Orient refuse d'être entraînée dans le processus de judaïsation de l'Occident chrétien. (...)Votre Sainteté le pape, sachez que je suis une chrétienne arabe! (...) Par conséquent, cela ne m'empêche pas de vous rappeler ma fierté d'appartenir à cette terre arabe. Cette terre est le berceau de toutes les Religions et de toutes les Révélations monothéistes. (...) La deuxième raison est que c'est l'Occident qui agit depuis des décades contre le Monde arabe pour saper cette cohésion sociale et religieuse dans le Monde arabe. (..) En conséquence, sachez que nous - Arabes chrétiens - ne sommes une minorité en aucune façon, tout simplement parce que nous étions des Arabes chrétiens avant l'Islam, et que nous sommes toujours des Arabes chrétiens après l'Islam. La seule protection que nous cherchons est comment nous protéger du plan occidental qui vise à nous déraciner de nos terres et à nous envoyer mendier notre pain et notre dignité sur les trottoirs de l'Occident.» (15)

Accepter les valeurs de l'Occident ou végéter: Albert Memmi dixit

Que doivent faire les Arabes pour sortir des temps mort ? Albert Memmi écrivain connu pour son «Portrait du colonisé» a la solution . IL pense qu’il faut une séparation nette de la religion et de l'Etat: «(...) En ce qui concerne le monde arabe, il en va différemment. Il existe à l'origine une forte culture; mais elle est fossilisée. Chaque fois que vous parlez avec un intellectuel arabe, il vous cite Averroès, qui est du XIIe siècle! Alors qu'il faudrait aborder courageusement la modernité; alors qu'il y a, au contraire, des ruptures à réaliser les intellectuels arabes n'ont pas su, ou pas voulu, prendre radicalement leurs distances avec le système. (...) En Europe, Il a fallu une séparation nette de la religion et de l'Etat. Le lien entre la religion et la société est ancré dans les mentalités et l'inconscient arabes. Sans esprit critique, vous ne pouvez pas avoir devant la nature la liberté de pensée indispensable pour pouvoir la maîtriser ». (16)

« Vous connaissez, poursuit Albert Memmi la fameuse phrase de Pasteur, grand catholique: «Quand j'entre dans mon laboratoire, je laisse mes convictions au vestiaire.» On verse au compte de la civilisation arabe ce qui fut en réalité une symbiose réussie entre conquérants et conquis. Cette donnée explique en partie pourquoi cette culture a culminé en un «âge d'or», mais n'a pas pu durer. Puisqu'il y a eu deux sociétés mythiques, l'Andalousie et Baghdad, dans lesquelles tout est, rétrospectivement, supposé parfait, il suffit de s'en réclamer. (...) L'aventure de l'Europe n'a pas été commode: elle est passée par les bûchers et la condamnation de Galilée. Mais, en fin de compte, l'Europe a triomphé de ses propres démons. Même si la colonisation a constitué un scandale économique, politique et culturel, les peuples du tiers-monde, y compris les peuples arabes, n'ont pas d'autre choix que d'accepter les valeurs de l'Occident.» (16)

Albert Memmi dit vrai: «Nous vivons dans le passé, nous surfons sur des vagues qui ne nous appartiennent pas.» Ainsi, la mort de Ahmed Zewail, seul prix Nobel de Chimie arabe américain né égyptien est passée inaperçue passe encore dans les médias occidentaux- c’est de bonne guerre- mais surtout dans les médias arabes encore soumis intellectuellement à la grille de lecture occidentale des évènements et de l’information occidentale Ce qu’il faudrait peut être ajouter est que la solution réside aussi dans la non ingérence occidentale

Cependant, les choses ne sont pas simples, le malheur des Arabes est le pétrole qui, en attisant les convoitises permet aux nations occidentales de maintenir le statu quo à demeure avec des dirigeants aux ordres. Les printemps arabes n'étaient que du vent et seule une révolution endogène basée sur l'éducation et le savoir permettra de rattraper le train de la science. C'est globalement le consensus admis.

Conclusion

Barbarie, Fatalisme, Archaïsme, Terrorisme. Autour de quelques idées fortes en -isme-, la représentation occidentale des musulmans semble figée à travers les temps. La responsabilité sarrasine est évoquée déjà par la Chanson de Roland. Ce texte fondateur de la littérature française d’un épisode qui se serait déroulé à Ronceveaux dans la moitié du septième siècle a été « conçu au XIIe siècle dans le sillage de l’atmosphère des croisades – cinq siècles après-, a figé dans le marbre le regard porté sur l´Islam. Pourtant il a été admis par la suite, que on sait que Roland a été tué par des Basques.

Il en résulte un discours empreint de préjugés millénaires. De l´expression «gentem perfidam sarracenorum» (la nation perfide des sarrasins), utilisée dans la première moitié du VIIIe siècle en Occident à l´étiquette «les Arabes, peuple brigand» écrit par Montesquieu dans «De l´esprit des lois», les Arabes synonymes de musulmans chez les Occidentaux, sont perçus comme étant un danger pour le monde chrétien. Plusieurs siècles après, ce discours n´a pas pris un pli. Le sarrasin est remplacé par le terroriste.

La civilisation islamique a sa place parmi les grandes civilisations. Ceux qui l’ont portée aux nues étaient musulmans, mais aussi juifs, zoroastriens, chrétiens. Bref des arabes, des assyriens, des perses, des phéniciens et palestiniens qui se sont épanouis à l’ombre de l’islam et d’une langue qui a connu ses heures de gloire. Les Arabes n’étaient qu’une composante mais le miracle de la langue arabe est qu’elle a été la langua franca pendant des siècles. Un seul bémol le sort actuel des peuples arabes n’est pas du ni à la langue encore moins à l’islam mais à leur dirigeants qui se sont installés dans les temps morts, pour l’éternité avec la complicité active de l’Occident mais ceci est une autre histoire

1.Ahmed Bensaada : Au temps béni des coalitions 18 décembre 2015

2.Nasr Boutammina : L’Islam Fondateur de la Science « La Renaissance et les Lumières : les siècles de plagiat ». Editions El Bouraq, Paris. 2006.

3. Aristote au Mont Saint Michel Encyclopédie Wikipédia

4. Chems Eddine Chitour http://www.lexpressiondz.com/article/0/0-0-0/39110.html

5.Jacques Berque: http://www.islam-fraternet. com/maj-0598/berq.htm

6.Chems Eddine Chitour :La civilisation islamique et le savoir universel: Le déni des idéologues intolérants http://www.mondialisation.ca/la-civilisation-islamique-et-le-savoir-universel-le-deni-des-ideologues-intolerants/5377724

7.Anatole France : la vie en Fleur. Ed. Calman-Lévy, 1922, dans Abdelkader Benarab L’Islam et l’Europe Le Quotidien d’Oran le 25/05/2006

8. René Breton. Géographie des civilisations. p.80. Editions . P.U.F. Paris, 1987.

9.Lamine Kouloughli : Image de l’Ecole coloniale Revue de l’Institut des Langues Etrangères. Université de Constantine. p. 59 ; Janvier 1994.

10.Chems Eddine Chitour http://www.millebabords.org/article. php3?id_ article=5257

11 Mostefa Lacheraf .L’Historien Maghrébin et les siens : une lecture d’Ibn Khaldoun dans Ecrits didactiques.p.193-194 .Edition ENAP .Alger. 1988.

12.Marcel Schneider rapporté par Christian Lochon Site Oumma.com mardi 29 juin 2004

13.Georges Corm Interveiw par Faycal Métaoui http://webcache.googleusercontent.com/search?q=cache: l7jOAaonTCMJ:www.siladz.com/conference-presse-george corm.html+le+nouveau+ gouvernement+du+monde+georges+ corm&cd=34&hl=fr&ct=clnk&gl=fr

14. Eric "Younès" Geoffroy Le regard de quelques auteurs musulmans sur l’orientalisme français (partie 1/2) Site Oumma.com 25 juillet 2003

15. Hayat al Huwik Atia: Lettre ouverte http:// liberation-opprimes.net/ 24 mai 2009 dans C. Eddine Chitour : Les chrétiens d’Orient veulent rester arabes Mondialisation.ca 23 09 2012

16..Albert Memmi : Les Arabes Interview par Christian Makarian LíExpress du 14/06/2004

Article de référence http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur _chitour/248467-un-peuple-ni-pire-ni-meilleur.html

Professeur Chems Eddine Chitour

Ecole Polytechnique enp-dz

Publié le 25 août 2016 avec l'aimable autorisation de l'auteur

 

 

   

Le sommaire du Pr Chems Eddine Chitour
Le dossier Algérie
Les dernières mises à jour



Source: Chems Eddine Chitour
http://chems.over-blog.com/...

Abonnement newsletter: Quotidienne - Hebdomadaire
Les avis reproduits dans les textes contenus sur le site n'engagent que leurs auteurs. 
Si un passage hors la loi à échappé à la vigilance du webmaster merci de le lui signaler.
webmaster@palestine-solidarite.org


Ziad Medoukh

Analyses et poèmes
 
Toumi Djaidja

Analyses

René Naba

Analyses
 
Manuel de Diéguez

Analyses

Fadwa Nassar

Analyses et traductions

Bruno Guigue

Analyses

Chems Eddine Chitour

Analyses

Mikhaïl
Gamandiy-Egorov

Afrique-Russie
 
Luc Michel

Analyses

Robert Bibeau

Analyses
 
Salim Lamrani

Analyses
 
Manlio Dinucci

Analyses
 
Mohsen Abdelmoumen

Analyses