Comment je vois le
monde
Singularité technologique : Où s'arrête
l'humain,
où commence le cyborg ?
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Vendredi 25 juillet 2014
« Même la bête
la plus féroce connait des moments de
pitié, Je ne suis pas une bête je n’ai
pas de pitié »
Shakespeare (Richard III (Acte I, Scène
II)),
Les derniers
«événements de Ghaza, dans toute leur
horreur, nous confortent que la
bestialité est à l'état latent chez
l'homme et que de plus, le vernis
d'humanisme vole en éclats à chaque
crise grave. L'Occident donneur de
leçons d'humanisme, de droits de l'homme
a montré qu'il n'en était rien. Que
l'homme a été, est et restera sauvage.
Dans le futur on parle de plus en plus
de singularité, de symbiose homme-robot
et qu'à terme, nous ne saurons pas dans
l'homme réparé quelle est sa part réelle
et sa part artificielle. Espérons
maintenant que l'on n'apprendra pas aux
robots à être aussi sanguinaires que les
humains qui dépassent certaines fois en
cruauté les animaux
Qu'est-ce que
l'humain?
Notre tradition
culturelle posait une barrière quasiment
étanche entre l'animal et l'humain. Nous
savons aujourd'hui que nous partageons
avec nos cousins les plus récents
l'immense majorité de notre matériel
génétique. Alors qu'est-ce qui spécifie
l'humain? Katherine Pollard,
biostatisticienne à l'université de
Califormie, à San Francisco, écrit à ce
propos: «La comparaison du génome des
hommes à celui des chimpanzés a révélé
des séquences d'ADN spécifiques de
l'homme (...) Nous avons découvert que
l'homme et le chimpanzé ont 99% de leur
ADN en commun. En d'autres termes, sur
les trois milliards de lettres qui
composent le génome humain, seulement 15
millions (moins de 1%) ont changé au
cours des six millions d'années environ
qui se sont écoulées depuis que l'homme
et le chimpanzé ont divergé.» (1).
L'humanité est un
combat, il n'est pas donné une bonne
fois pour toute. Pour le philosophe
Richard Gildas «l'homme n'est pas
immédiatement humain, mais il a le
devenir (...) Mais qu'il s'agisse de
devenir pleinement humain, ou de le
redevenir, le sens de la tâche assignée
à l'homme demeurait essentiellement le
même: contrairement à l'animal, dont la
réalité présente correspond une fois
pour toutes à ce qu'il doit être,
l'homme ne possède pas son humanité
comme un donné fixe et définitif, mais
comme une possibilité qu'il lui
appartient de réaliser ou non ». (2)
« Autrement dit, il
nous faut constater que l'idée classique
énoncée ci-dessus, selon laquelle
l'humanité de l'homme est le résultat
d'un devenir, tend de plus en plus à se
confondre avec l'affirmation qu'il peut
y avoir passage progressif du non-humain
à l'humain, de l'animalité à l'humanité
(...)Entre l'être qui est incapable de
pensée et de langage (l'animal), et
celui qui en est capable (l'homme), la
différence n'est pas simplement de degré
mais d'essence, ce qui interdit tout
«passage» de l'un à l'autre. Par contre,
entre l'être qui ne pense ni ne parle
encore, (le bébé) ou qui ne pense ni ne
parle plus, (le vieillard) mais qui a en
lui la capacité, et l'être qui pense et
parle effectivement, la différence n'est
pas d'essence, mais seulement de degré.»
(2)
L'épopée de l'homme
depuis son avènement
Pour pouvoir nous
rendre compte de la révolution immense
qui a lieu à bas bruit tant il est vrai
qu'elle problématise la condition
humaine, nous donnons la parole à
Jean-Philippe Bocquenet qui nous raconte
la saga de l'homme préhistorique à
travers la fabrication des outils et
montre à quel moment il y eut la fameuse
bifurcation homme-singe. Il écrit: «Si
on attribue à l'homme des capacités et
des aptitudes spécifiques qui le
différencient du règne animal tel que le
langage, et le développement cérébral,
il ne faut pas oublier ses capacités à
fabriquer des outils. Les plus anciens
outils retrouvés ont été fabriqués en
Afrique il y a environ 2.7 millions
d'années, au Paléolithique archaïque.
(...) De l'usage d'outils primaires,
utilisés aussi dans le règne animal, tel
chez les chimpanzés, ils vont passer à
l'emploi d'un outil pour en fabriquer un
autre. Ce sont des outils dit
secondaires. Viendront ensuite les
outils composites constitués de
plusieurs éléments ne formant qu'un seul
outil, tel que les arcs, les haches et
les sagaies. Après avoir façonné les
matériaux trouvés dans son environnement
immédiat, l'Homme va accomplir un saut
technologique décisif en transformant la
matière elle-même, avec l'invention du
cuivre, puis du bronze et du fer.» (3)
«Aux environs de
12.000 B.C. poursuit l'auteur,
l'édification des premiers édifices
religieux à Göbekli Tepe en Turquie, va
entraîner un développement de la
population qui va se regrouper en
communautés sédentaires, possédant des
terres et des troupeaux. Cette richesse
amassée va attiser les convoitises. Des
conflits vont naître de la volonté de
s'approprier les possessions d'autrui.
Dans la recherche de la domination de
l'autre, l'Homme va faire preuve d'une
grande intelligence pour inventer les
premières armes. (...) Il a fallu des
centaines de milliers d'années pour
passer du paléolithique au néolithique,
quelques dizaines de siècles pour passer
de ce dernier à la société industrielle,
et quelques décennies pour atteindre le
stade de la société de l'information.»
(3)
«Dans cette course
à l'amélioration de ses outils et de ses
machines, en ce début de XXIe siècle,
l'humanité est au commencement de la
plus grande transformation de son
histoire. Nous entrons dans une nouvelle
ère où la définition même de l'être
humain va fortement évoluer et
s'enrichir. Après avoir travaillé avec
des outils qui permettaient de modifier
l'environnement, l'homme s'attache
désormais à fabriquer des outils pour
s'améliorer lui-même. (...) C'est tout
l'enjeu de notre confrontation avec les
machines. Notre espèce va se libérer des
bases de sa génétique et réaliser des
prouesses inimaginables en termes
d'intelligence, de progrès matériel et
de longévité. Dans cette union de
l'homme et de la machine, le savoir et
les compétences implantés dans nos
cerveaux se combineront aux capacités
infinies de nos créations
technologiques. L'homme va céder sa
place, dans un futur proche, à des
créatures de son invention, mi-machine,
mi-homme, voire mi-animal. Au croisement
des bio- et nanotechnologies, de
l'intelligence artificielle et de la
robotique, la science-fiction d'hier
devient chaque jour réalité. Une réalité
tendant vers la transcendance, à savoir
une élévation à une nature radicalement
supérieure. Cette volonté de puissance à
déjà été décrite par Nietzsche. Pour
Charles Darwin, «il devint très probable
que l'humanité telle que nous la
connaissons n'en soit pas au stade final
de son évolution, mais plutôt à une
phase de commencement.» (3)
Nous arrivons à la
frontière: le manifeste du
transhumanisme
« Le transhumanisme
poursuit l'auteur est une approche
interdisciplinaire dont l'objectif est
de surmonter les limites biologiques
humaines par le progrès technologique.
(...) La maladie, la vieillesse et la
mort ne sont plus une fatalité. Les
technologies peuvent nous aider à
endiguer ou à retarder ces «maux», à
rester en bonne santé, tout en nous
permettant d'augmenter nos capacités
physiques, intellectuelles et
émotionnelles. Ces principes sont
précisés dans le manifeste
transhumaniste qui énonce que: l'avenir
de l'humanité va être radicalement
transformé par la technologie. Il est
envisagé la possibilité que l'être
humain subisse des modifications comme
son rajeunissement, l'accroissement de
son intelligence par des moyens
biologiques ou artificiels, la capacité
de moduler son propre état
psychologique, et l'abolition de la
souffrance. Ceux qui le désirent ont le
droit moral de se servir de la
technologie pour accroître leurs
capacités physiques, mentales ou
reproductives, donc la maîtrise de leur
propre vie. Les êtres humains doivent
pouvoir s'épanouir en transcendant leurs
limites biologiques actuelles.(3) «
Les thématiques
transhumanistes sont assez nombreuses et
touchent des domaines variés: c'est ce
que l'on appelle la convergence Nbic
pour Nanotechnologies, Biotechnologies,
Informatique et sciences Cognitives.
(...) Si le corps humain a toujours été
en transformation, son amélioration
s'est considérablement accélérée ces
dernières années. (...) Face au défi
médical de la mortalité
cardiovasculaire, les prothèses de
l'appareil circulatoire ont connu un
développement constant depuis deux
décennies: valves cardiaques, greffes du
coeur, assistance ventriculaire,
stimulateurs du rythme cardiaque, stents
et prothèses vasculaires constituent des
avancées biomédicales notables Dans les
années 1970, une chirurgie
reconstructrice des vaisseaux se
développe. Quand une artère est lésée,
on peut la remplacer par une autre,
(...)»(3)
«Parallèlement,
certains appareils électroniques peuvent
jouer un rôle de prothèse, alors qu'ils
n'ont pas été conçus pour cela. Ainsi,
la cyborg-anthropologue Amber Case
considère que l'une des prothèses
hors-corps les plus importantes de ces
10 dernières années est le smartphone.
(...) De leur côté, les montres
connectées permettent déjà de lui
envoyer des informations concernant
l'état de notre santé. (...) Mêlant
encore plus intimement la «chair et le
métal», certains chercheurs ont commencé
à incorporer ce genre d'appareillage
électronique directement dans le cerveau
(...) Ainsi, de nouveaux implants
devraient être disponibles avant 2020
pour augmenter les capacités de stockage
de l'information du cerveau (...) Les
progrès sont tout aussi fulgurants en ce
qui concerne les prothèses hors du
corps. D'autant que la démocratisation
des imprimantes 3D permet maintenant à
tout un chacun de se fabriquer à moindre
coût le membre qui viendrait à lui
manquer.»(3)
«La recherche s'est
emparée aussi des cellules souches qui
promettent de recréer toutes sortes
d'organes. Celles-ci, dites
totipotentes, constituent les éléments
précurseurs de toutes les cellules de
l'organisme humain lorsqu'il est au
stade embryonnaire. (...) L'espoir mis
dans les cellules souches tient au fait
que celles-ci possèdent la capacité de
se reproduire et de réparer, ou de
remplacer, d'autres tissus de
l'organisme humain, du moins
potentiellement. (...) Mais il y a aussi
le dossier de la reproduction. «Il y a
déjà 5 millions de Terriens issus d'une
FIV dans le monde. (...) L'utérus
artificiel serait aussi la porte ouverte
de manière irréversible vers la création
de corps définitivement post-humains.
Toutes ces avancées biologiques
promettent d'aller encore plus loin avec
la possibilité de modifier le génome. Le
premier génome humain a été séquencé en
avril 2003 après des années d'efforts,
et pour 2,7 milliards de $; dix ans plus
tard, la même opération peut être
conduite en quelques heures, et pour un
coût inférieur à 1000 $» (3)
La singularité
technologique: utopie ou réalité de
demain?
La singularité
technologique suppose que la technologie
améliore la capacité d'élaborer une
technologie plus avancée qui à son tour
améliore etc. Le progrès doit suivre une
loi exponentielle faisant que d'ici
quelques dizaines d'années la
nanotechnologie et les puissances de
calculs seront telles qu'il sera
possible de contrôler au niveau
cellulaire la totalité d'un corps humain
et de construire des ordinateurs
conscients qui, à leur tour concevront
des ordinateurs encore plus intelligents
qui etc. La maladie, la vieillesse et la
mort ne sont plus une fatalité. Les
technologies peuvent nous aider à
endiguer ou retarder ces «maux», de
rester en bonne santé tout en augmentant
nos capacités intellectuelles, physiques
et émotionnelles. L'avenir de l'humanité
va être radicalement transformé par la
technologie. Nous envisageons la
possibilité que l'être humain puisse
subir des modifications telles que son
rajeunissement, l'accroissement de son
intelligence par des moyens biologiques
ou artificiels, la capacité de moduler
son propre état psychologique,
l'abolition de la souffrance et
l'exploration de l'univers ». (4)
Les androïdes, nos
futurs compagnons
L'avenir sera de
plus en plus robotisé et les robots
feront partie de notre quotidien. Le
combat homme-robot n'est pas loin Les
robots aussi vont devenir plus
intelligents, dit Hiroshi Ishiguro, un
des grands spécialistes nippons de la
robotique. Si nous avons assez de
connaissances sur les hommes, alors nous
pourrons créer plus de robots d'aspect
humain»,. Et demain, des scientifiques
nippons en sont persuadés, il y aura des
humanoïdes serveurs dans des cafés, des
androïdes de ménage ou hôtesses
d'accueil. Mais, aux confins de la
science et de la fiction, où s'arrêtent
l'illusion et l'exploit technique, où
commence l'anthropomorphisme? Mieux
encore, le savant fait cette inquiétante
prophétie: «Une fois que nous serons
devenus amis, alors la frontière entre
l'homme et le robot disparaîtra». Et
c'est là que les problèmes moraux et/ou
éthiques vont s'imposer à l'humain. «On
hésitera à les débrancher», dit Ishiguro
qui pousse la réflexion encore plus
loin: «Imaginez que vous perdiez votre
fille dans un accident de la route et
que je créé un androïde à son image.
Vous allez probablement l'aimer et
l'accepter comme un être humain»,
prédit-il.» (5)
Que devient
l'éthique et l'humanité telle que nous
la connaissons?
Mais pourquoi cette
course effrénée conclut l'auteur avec
pour seul but de nous maintenir en vie
et en bonne santé? «Cependant, tout cela
reste insuffisant pour certains qui
envisagent de se passer totalement du
corps, cet organisme biologique trop
fragile. (...) Si cette perspective fait
rêver ceux qui souhaitent s'affranchir
de notre condition humaine imparfaite,
limitée et mortelle, elle en inquiète
d'autres... Peut-on concevoir une
humanité élargie incluant les animaux et
les machines? Quelle place restera-il à
cet humain, ni animal ni machine,
revendiquant sa complexité et son
intériorité comme attribut de sa
liberté? (...) Plus largement, quelles
incidences sur la société cela
pourrait-il avoir de vivre jusqu'à 500
ans, voire davantage? Et quelles
conséquences pour la planète?
Autant de questions
qui dérangent. Dans ce cadre, le jeudi
30 mars 2006 s'est tenu à l'Unesco un
colloque ayant pour thème «L'espèce
humaine peut-elle se domestiquer
elle-même?». Le directeur général de
l'Unesco, M.Matsuura, a posé la
problématique de la condition humaine en
termes d'enjeu scientifique, et d'enjeu
éthique: «Pour la première fois de son
histoire, l'humanité va donc devoir
prendre des décisions politiques, de
nature normative et législative, au
sujet de notre espèce et de son avenir.
Elle ne pourra le faire sans élaborer
les principes d'une éthique qui doit
devenir l'affaire de tous. Car les
sciences et les techniques ne sont pas
par elles-mêmes porteuses de solutions
aux questions qu'elles suscitent.
Face aux dérives
éventuelles d'une pseudoscience, nous
devons réaffirmer le principe de dignité
humaine. Il nous permet de poser
l'exigence de non-instrumentalisation de
l'être humain.» Sans garde-fous
éthiques, voire religieux, nul doute que
les apprentis sorciers risquent de
précipiter l'humanité à sa perte (6).
Où s’arrête
l’humain ? Où commence le cyborg ? La
question reste posée car en absence
d’une éthique et d’une définition claire
de ce que c’est que l’humain, en absence
d’une éthique de la vie à la fois
philosophique et /ou religieuse le mythe
prométhéen. ne peut être contenu sans
justement une éthique à toute épreuve.
Il pourrait amener l’humanité à une
dérive de tous les dangers.
1.Katherine
Pollard: Qu'est-ce qui nous rend
humains? Pour la Science N°382 - août
2009
2.Richard Gildas
http://philo.pourtous. free.fr
/Articles/Gildas/non_humain.htm
3. Jean Philippe
Bocquenet 18/05/2014
http://post.sapiens.free.fr/?p=9462
4.Jean Philippe
Bocquenet 27/12/2011
http://post.sapiens.free.fr/?p=175
5.http://tempsreel.nouvelobs.com/sciences/20140717.OBS4051/a-l-avenir-tout-le-monde-au-japon-aura-un-androide.html?cm_mmc=EMV-_-NO-_-20140720_
NLNOACTU17H-_-a-l-avenir-tout-le-monde-au-japon-aura-un-androide#xtor=EPR-3-[Actu17h]-20140720
6.http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/160668-la-destinee-humaine-a-l-epreuve-des-apprentis-sorciers.html
Professeur Chems
Eddine Chitour
Ecole Polytechnique
enp-edu.dz
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