Actualité
Antisionisme et islamophobie en France :
deux racismes, deux sanctions
Chems Eddine Chitour
Lundi 25 février 2019
«
Le racisme est
une peur devenue folle, et c’est ce
qu’il faut éviter à tout prix, si l’on
veut que l’humanité survive »
Germaine Tillon
(La traversée du mal)
Atmosphère de fin
du monde en France ! Le philosophe Alain
Finkielkraut sifflé et insulté par des
« gilets jaunes » à Paris en marge de la
manifestation du samedi 16 février,
provoquant un torrent de réaction des
politiques, dont certains dénoncent des
propos à caractère antisémite. Alain
Finkielkraut a été pris à partie par des
manifestants, le 16 février, Dans les
images mises en ligne par Yahoo, on
entend crier de nombreuses menaces et
des insultes :
« Barre-toi,
sale sioniste de merde ! », « nous
sommes le peuple », « Espèce de
raciste, t’es un haineux, tu vas mourir,
tu vas aller en enfer, espèce de
sioniste ! », « Facho ! Palestine
! Rentre chez toi, rentre chez toi en
Israël », « La France est à nous.
Rentre à Tel-Aviv ».
On remarquera que
ce sont plusieurs gilets jaunes qui ont
réagi, selon le JDD, « tous
les manifestants n’étaient pas
agressifs, l’un d’entre eux lui a même
proposé de revêtir un gilet et de
rejoindre le cortège, un autre a salué
son travail ». Pourtant l’injurié
n’en a pointé du doigt qu’un seul qu’il
présente comme un salafiste et qui n’a
pas le facies d’un petit blanc. Ce gilet
jaune sera arrêté par la suite. Père de
famille de 4 enfants, pas de fiche
S mais on signale qu’il s’est converti à
l’islam. C’est quelqu’un qui
manifestement a « une forme de
radicalisation » a réagi sur
franceinfo Nicole Belloubet,
ministre de la Justice.
Interrogé par le Journal
du dimanche (JDD),
Alain Finkielkraut a dit avoir « ressenti
une haine absolue ». Dans Le
Parisien, il dit :
« Je n’ai pas
entendu “sale Juif” » mais
poursuit : « Ils visaient avant tout
mes liens et mes positions sur Israël.
Il y a chez eux un sentiment d’hostilité
très fort à l’égard des juifs et je paie
pour ma notoriété. »[1]
Il n’y a donc pas
insulte à la religion juive mais tout
est fait pour que l’amalgame soit fait.
Désormais et insidieusement le
glissement sémantique sionisme sémitisme
se fait. Cela a commencé avec Valls puis
c’est au tour du président Macron
d’affirmer cette simitude.
Les réactions !
Le président de la
République a appelé Alain Finkielkraut.
Sur Twitter, Emmanuel
Macron a condamné l’attaque :
« Fils d’émigrés
polonais devenu académicien français,
Alain Finkielkraut n’est pas seulement
un homme de lettres éminent mais le
symbole de ce que la République permet à
chacun. Les injures antisémites dont il
a fait l’objet sont la négation absolue
de ce que nous sommes et de ce qui fait
de nous une grande nation. Nous ne les
tolérerons pas. »
Plusieurs
responsables politiques dont des membres
du gouvernement ont condamné fermement
ces faits.
« Un déferlement
de haine à l’état pur. Assister à une
telle scène à Paris, en 2019, est tout
simplement Intolérable. Je viens de
m’entretenir avec Alain Finkielkraut
pour l’assurer de mon soutien absolu »,
a annoncé sur Twitter le ministre de
l’intérieur Christophe
Castaner.
« L’agression
d’Alain Finkielkraut aujourd’hui est un
acte détestable et choquant, qui
illustre la tentative d’infiltration du
mouvement des“gilets jaunes” par
l’extrême-gauche antisémite », a
estimé pour sa part Marine Le Pen.
Le député Les
Républicains Eric
Ciotti a dénoncé des
propos « ignobles et insupportables ».
On apprend que
finalement Emmanuel Macron n’ira pas au
rassemblement contre l’antisémitisme
organisé mardi 19 février à Paris,
« Le président a
un discours au Crif mercredi, la parole
présidentielle s’exprimera à ce
moment-là« , fait savoir son
entourage.
C’est dire si la
puissance du lobby sioniste en France
qui importe le conflit palestinien en
France avec la défense d’Israël
est importante. Pour l’histoire Alain
Finkielkraut est un ardent défenseur
d’Israël et contre tout métissage de la
France. Souvenons-nous de l’affection
qu’il avait pour l’équipe de France
black black black qui avait donné
une visibilité en 1998 avec un vent
d’euphorie : « Zizou président projeté
en image sur l’arc de Triomphe »
Le glissement
sémantique antisémitisme- antisionisme
Il est devenu
difficile par les temps qui courent de
nommer les choses par leur nom de peur
de se prendre une « fetwa » des
bien-pensants pour qui toute critique
d’Israël est de l’antisémitisme et à ce
titre beaucoup de pays européens en ont
fait un délit passible d’amende, voire
de prison. Comment passer à travers les
gouttes de pluie du conformisme ambiant
qui veut qu’Israël soit la modernité et
la liberté et soit le dernier rempart de
l’Occident en terre orientale baignant
dans le chaos. On peut comprendre que le
moteur de la politique israélienne a
comme carburant l’antisémitisme des
autres, cela rend les Israéliens plus
forts tout en faisant condamner les
contrevenants par la police de la pensée
occidentale.
Si l’on croit
l’Encyclopédie Wikipédia :
« Il s’agit,
d’une forme de racisme dirigée
nominalement contre les peuples sémites,
regroupés en tant que tels sur la base
de critères linguistiques, mais ne
visant en réalité que les
juifs. Certains historiens comme Jules
Isaac insistent pour distinguer
antijudaïsme et antisémitisme. Le terme
fut utilisé pour la première fois en
1860 par l’intellectuel juif Moritz
Steinschneider dans l’expression
« préjugés antisémites »
(« antisemitische Vorurteile »), afin de
railler les idées d’Ernest Renan qui
affuble les « peuples sémites’’ de tares
culturelles et spirituelles ».[2]
On voit que rien
n’interdit de mettre sous le même
vocable les autres ethnies sémites comme
le sont les Arabes. Le glissement qui
s’est opéré a permis de passer de
l’aspect ethnique à l’aspect religieux
et partant d’arriver à l’antijudaïsme
excluant du même coup les Arabes.
Pourtant, comme l’a si bien démontré
Schlomo Sand dans son ouvrage, il n’y a
pas de peuple juif, il y a une religion
juive. Ce sont des sémites au même titre
que les Palestiniens avec une ascendance
cananéenne.
[3]
Le mot « sionisme »
apparaît à la fin du XIXe siècle pour
désigner un ensemble de mouvements
différents dont l’élément commun est le
projet de donner à l’ensemble des juifs
du monde un centre spirituel,
territorial ou étatique, en général
localisé en Palestine. Le sionisme
politique a atteint son but, la création
d’un État juif en Palestine.
Initialement, le sionisme d’essence
laïque n’avait pas encore formalisé le
projet d’un Etat aseptisé des
Palestiniens spoliés en 1967 de leurs
territoires et voire encore. Depuis, le
leitmotiv du gouvernement actuel est de
faire reconnaître un Etat strictement
juif. 3
A ce titre la
phrase de de Gaulle en novembre 1967 :
Peuple sûr de lui et dominateur à
propos des juifs le ferait condamner
pour antisémitisme. La résolution 3379
de l’Assemblée
générale des Nations unies, titrée
« Elimination de toutes les formes de
discrimination raciale », adoptée un an
après la
résolution 3236 de 1974, considère
que « le sionisme est
une forme de racisme et
de discrimination
raciale » Elle a été révoquée le 16 décembre 19912 par
la résolution
46/86.
Le comble de la
manipulation nous est donné par un
journaliste qui en rajoute pour se faire
bien voir. Il écrit :
« Un sondage de
l’Ifop paru récemment indiquait que 22%
des Français croyaient à un « complot
sioniste ».
Rien d’étonnant
donc à ce que quelques gilets jaunes
s’en soient pris samedi au philosophe
Alain Finkielkraut.
« Rentre chez
toi ! » Où ? A Auschwitz ? « Sale
merde de sioniste ! » « Sale
Juif, on va te tuer !«
Cela
s’est passé place des Invalides lors du
cortège des Gilets jaunes. En France,
donc. Chez nous… Dans les périodes
charnières comme celles-ci, ils sont
nombreux ceux qui pensent que les élites
leurs mentent (…) Et très vite
s’installe chez eux l’idée du complot.
Le complot des banques (de préférence la
banque Rothschild). Le complot des
riches, des puissants, et comme
toujours, on atteint le point Godwin :
le « complot juif ». De ce
« complot » ».[4]
Ceci est faux car
même l’intéressé lui-même atteste qu’il
n’a pas été traité de juif mais de
sioniste ! S’il y a donc complot c’est
celui qui consiste à faire constamment
l’amalgame entre le sionisme et le
judaïsme. Ceci mêle les hommes
politiques qui n’ont pas résisté à ce
glissement sémantique qui consiste de ce
fait à interdire de parole ceux qui sont
contre le sionisme pour ce que fait
Israël aux Palestiniens. Le colonialisme
israélien dont parlent des personnalités
juives courageuses comme Illyan Pappé,
Schlomo Sans Norbert Finkielsteins ; Cet
antisionisme fait de toute pièce et dont
seule Israël se veut détentrice alors
que primitivement il désignait un
racisme contre les sémites juifs et
arabes. Depuis c’est une marque déposée
défendue par Israël et ses réseaux
lobbys dans le monde à telle enseigne
qu’être taxé d’antisémite vous expose
selon la loi Gayssot à 45 000 euros
d’amende et de la prison. C’est dire si
toute la classe politique est tétanisée
de peur de se faire mal voir par le
CRIF, qui comme on le sait convoque tout
le gouvernement à un tribunal dinatoire
selon le mot d’Alain Finkielkraut où
tout le gratin politique des médias s’il
est invité fera tout pour se faire bien
voir par les décideurs du CRIF.
Un mal
récurrent : Le racisme
À l’instar de
beaucoup d’européens et en général
d’occidentaux, les
citoyens « travaillés » par des médias
aux ordres, n’arrêtent pas de distiller
le venin de la discorde. En règle
générale ce sont les mélanodermes, les
Africains, les Français d’origine
nord-africaine, et naturellement l’Islam
qui sont pointés du doigt. D’une façon
marginale – malgré le tintamarre des
statistiques -, les français juifs sont
aussi montrés du doigt. Cette
littérature immonde est non seulement
tolérée il se trouve même des écrivains
qui la revendiquent. Quand Claude Imbert
assume son islamophobie personne ne
proteste, il en est de même de
Houellebecq de Zemmour, qui vont jusqu’à
faire peur en invoquant le grand
remplacement. Toute la fortune de
Zemmour provient de ces ouvrages bien
vendus. La question qui se pose est la
suivante : Est-ce que toutes les
communautés sont « traités » de la même
façon par la République en théorie
équidistante des spiritualités ? Il faut
le savoir le décompte concernant les
actes à l’endroit des juifs français –
ce que l’on appelle par abus de langage
actes antisémites alors que les arabes
sont aussi des sémites – a un traitement
particulier.
« Ainsi
la justice a été saisie après des actes
antisémites commis ces derniers temps.
Le recensement d’actes antisémites a
bondi de 74 % en France en 2018 par
rapport à 2017« , a annoncé, lundi
11 février, le ministre de l’intérieur.
« L’antisémitisme se répand comme un
poison ».
Les actes
antisémites recensés par le Conseil
représentatif des institutions juives de
France (CRIF) sont passés de 311 en 2017
à 541 l’an passé, a précisé le ministère
de l’intérieur. La mairie et le délégué
interministériel à la lutte contre le
racisme, l’antisémitisme et la haine
anti-LGBT (Dilcrah), Frédéric Potier,
ont annoncé qu’ils saisissaient la
justice.
« En attaquant
un culte, en attaquant la mémoire d’Ilan
Halimi, c’est la République qu’on
attaque ».[5]
Si le nombre
d’actes antisémites a augmenté en 2018,
leur décompte connaît de grosses limites
méthodologiques et pourrait être
sous-estimé. La plupart des bilans des
actes racistes, antisémites ou
antimusulmans émanent d’organisations
communautaires. Pour la communauté
juive, c’est le Conseil représentatif
des institutions juives de France (CRIF)
qui se charge de diffuser régulièrement
des bilans. L’organisation de
représentation politique des juifs de
France s’appuie pour cela sur le
décompte du Service de protection de la
communauté juive (SPCJ, voir
par exemple son dernier rapport annuel) :
un organe créé au lendemain de l’attentat
de la rue Copernic (1980) pour
recenser les actes antisémites sur le
territoire français, que le CRIF sponsorise
aux côtés des consistoires
(représentations religieuses du judaïsme
en France) et du Fonds
social juif unifié (un regroupement
d’associations qui agissent sur le
terrain social pour la communauté
juive). C’est sur ce chiffre que
Christophe Castaner a appuyé ses propos
le 11 février ».
[6]
Du côté de la
communauté musulmane, deux institutions
se disputent le décompte des actes
visant les Français pour leur pratique
de l’islam :
L’Observatoire national contre
l’islamophobie, créé en 2011 sous
l’égide du Conseil français du culte
musulman (CFCM) ; Le
Collectif contre l’islamophobie en
France (CCIF), un réseau indépendant
créé en 2003, mais « vraiment actif
depuis 2010 », comme l’expliquaient
en 2013 à l’Agence France-Presse
Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed,
auteurs de l’ouvrage « Islamophobie :
Comment les élites françaises fabriquent
le « problème musulman »
(La Découverte, 2013).
« Ces
indicateurs ne sont pas pour autant
dépourvus de toute validation
officielle. Le Service de protection de
la communauté juive et l’Observatoire
national contre l’islamophobie
travaillent en effet avec le ministère
de l’intérieur pour récolter leurs
chiffres. (…) » 6
Or, comme
l’expliquait début 2014 le sociologue
Marwan Mohammed au Monde :
« Le recensement
des plaintes pour mesurer l’islamophobie
est une donnée relativement fragile.
Dans les études de victimation, on
remarque que le taux de plainte est
plutôt faible sur ces questions. Nous ne
disposons pas non plus d’étude précise
sur l’accueil qui est réservé aux
victimes d’islamophobie par les
policiers. Et la plainte peut ensuite
être requalifiée, par exemple en
incitation à la haine raciale. »
Comme le
rappelle la CNCDH :
« On estime que
seuls 6 % des injures racistes seraient
signalés aux autorités, et 3 % seulement
seraient enregistrés au titre de
plaintes. Pour les menaces racistes, un
tiers des faits seraient signalés, et
19 % seulement seraient enregistrés au
titre de plaintes ». 6
Qu’est-ce qu’un
acte raciste ?
La définition des
actes « racistes » recensés dans
ces bilans est le fruit d’un travail de
concertation entre les organisations
communautaires et le ministère de
l’intérieur, bien qu’ils s’appuient le
plus souvent sur la législation en
place. Seuls les actes antisémites sont
définis séparément dans la loi
française. Les actes antimusulmans
rentrent quant à eux dans le cadre plus
général des actes racistes ou
xénophobes. Dans l’un ou l’autre des
cas, le caractère raciste est lié à «
l’appartenance réelle ou supposée » à
une ethnie, une race ou une religion :
un acte manifestement antimusulman peut
donc tout à fait être comptabilisé même
si la victime n’est en réalité pas
musulmane.
C’est pour pallier
ces lacunes que le Collectif contre
l’islamophobie en France a décidé de
compter les actes islamophobes par ses
propres moyens : plutôt que de reprendre
les chiffres du ministère de
l’intérieur, il s’appuie sur les
remontées directes des victimes, qu’il
assure vérifier à l’aide de documents et
de témoignages. Résultat : il
recense 446 actes islamophobes en 2017,
quand l’Observatoire national contre
l’islamophobie n’en
compte que 82.
L’islamophobie,
un nouveau racisme ?
Dans une interview
donnée au Nouvel Observateur en
juillet 2013, Manuel Valls, alors
ministre de l’intérieur, expliquait
qu’il refusait d’utiliser le terme « islamophobie », préférant
l’expression « racisme antimusulman ».
Il reprenait ainsi à son compte
l’argumentaire de l’essayiste Caroline
Fourest pour qui le terme « islamophobe » est
un concept utilisé par les adeptes d’un
islam fondamentaliste afin d’empêcher
toute critique de la religion.[7]
Pour Alain Gresh,
rédacteur en chef du Monde
diplomatique, refuser la dimension
raciste de l’islamophobie est une
manière de se voiler la face.
« Il est évident
qu’il y a un recoupement entre racisme
anti-Maghrébins et islamophobie, sans
doute renforcé par la visibilité d’une
partie de la jeune génération, qui
s’affirme « musulmane » sur la scène
publique et ne rase plus les murs. Il se
développe ainsi un nouveau racisme
anti-arabe, porté par une partie des
intellectuels et des médias, qui se
camoufle sous le drapeau de la lutte
contre l’islam », affirmait le
journaliste au début des années 2000.[8]
Les discriminations
relevant de différentes formes de
racisme « coexistent et s’imbriquent
même parfois de manière difficilement
discernable ». Du point de vue de la
plupart des observateurs, le terme
islamophobie est imparfait car il
suggère une « peur » collective de
l’islam. Mais il s’impose peu à peu
depuis plusieurs années comme la
définition d’actes, de sentiments, de
préjugés à l’encontre de personnes
musulmanes ou supposées telles selon
Stéphanie Le Bars, journaliste au
« Monde ». On ne peut pas dire que le
racisme anti-musulman se soit totalement
substitué au racisme anti-arabe ou au
racisme anti-immigré dans la mesure où
des discriminations relevant de toutes
ces formes de racisme coexistent et
s’imbriquent même parfois de manière
difficilement discernable. Il est
évident que, depuis quelques années,
l’islam, les pratiques religieuses
musulmanes et donc les musulmans
eux-mêmes sont devenus une cible
privilégiée des attaques d’une partie de
la droite, de l’extrême droite, voire de
certains responsables à gauche. Cette
parole politique a, sans aucun doute,
contribué à cautionner des agressions
verbales ou physiques envers des
musulmans et des institutions
musulmanes. Un parallèle est souvent
établi entre la situation. 7
L’islamophobie
va au-delà d’un simple racisme
Les sociologues
Abdellali Hajjat et Marwan Mohammed ne
s’en cachent pas : leur ouvrage « Islamophobie,
comment les élites françaises fabriquent
le « problème musulman », (La
Découverte), est un livre à thèse. La
notion d’islamophobie et les actes qui
l’accompagnent, sont, selon eux, la
conséquence d’un « consensus national »
autour de l’idée que l’islam et la
présence des musulmans en
France « posent problème ». Mais,
au-delà de cette démonstration, les
auteurs livrent un travail fouillé sur
l’état des recherches en France et dans
le monde anglo-saxon sur ce phénomène.
Ils reviennent sur « l’imperfection » du
terme, sa possible
« instrumentalisation » et la
progressive reconnaissance du phénomène
par les élites.[9]
À la question :
« Quelle est votre définition de
l’islamophobie et quels en sont les
ressorts ? Ils déclarent :
Pour
nous, l’islamophobie, ce ne sont pas
seulement des actes de discrimination,
mais un phénomène social global, qui
consiste à réduire « l’autre » à son
appartenance religieuse présumée ou
réelle. Elle repose donc à la fois sur
une idéologie, des préjugés et des
actes. En cela, elle va au-delà d’un
simple racisme, mais découle d’un
« problème musulman », construit, de
manière non concertée, par différents
acteurs ». 9
« A l’heure
actuelle, il faut distinguer plusieurs
logiques, opérant de manière séparée ou
cumulative : anti-religion, lutte contre
l’islamisme (religion dangereuse),
anti-sexisme (religion opprimant les
femmes), racisme de classe (religion du
pauvre) ou un racisme tout court
(religion de l’étranger). Mais au final,
ces logiques se rejoignent sur un point
: l’essentialisation du musulman. Il n’y
a plus de pluralité identitaire chez un
individu : l’islam écrase tout. En 1979,
la révolution iranienne a inauguré le
regard géopolitique sur la situation des
musulmans en France. Cette approche a
débouché, après les attentats de 2001,
sur un continuum
islam-islamisme-terrorisme, en décalage
avec la réalité. Aujourd’hui il est
évident que dans le regard de certains,
un lien est fait entre les récents
événements de Nairobi et ma voisine qui
porte le foulard : c’est cela le noyau
de l’islamophobie. La partie la plus
marginale parle pour le tout ».
Antisémitisme
–Islamophobie : Deux poids deux mesures
À juste titre
l’écrivain Tahar Ben Jelloun dénonce le
poison de l’antisémitisme et, avec lui,
la haine de tous les êtres humains. Une
blessure universelle. Il fait
l’inventaire de tous les racismes à
combattre :
« L’antisémitisme, écrit-il,
n’est pas un accident de cette histoire.
Il est et a été souvent présent, actif
et sans honte ni peur. Que ce soit
l’affaire Dreyfus ou la rafle du Vel’
d’Hiv, que ce soit hier ou aujourd’hui,
le juif a tout le temps été le bouc
émissaire idéal pour vomir la jalousie,
le ressentiment, le mal-être ou
simplement la façon d’être au monde. Le
rejet de l’Arabe est une variante de cet
antisémitisme. De toute façon, celui qui
n’aime pas le juif refuse par la même
occasion l’Arabe et par extension le
musulman. L’islamophobie, ou plus
exactement la haine de l’islam, s’est
aisément installée dans les mentalités
parce que l’antisémitisme était déjà à
l’œuvre. Peut-être que la différence
viendrait du fait que l’islam a été
utilisé comme étendard du terrorisme et
de la haine de la France ».[10]
Avec sagesse, Tahar
Ben Djelloun en appelle à faire front
contre cette peste brune qui ne fait pas
dans le détail :
« Le rejet de
l’Arabe est une variante de cet
antisémitisme. La haine du juif n’avait
pas besoin de raison. On insulte, on
agresse, on tue un juif parce qu’il est
juif. Le « gang des barbares » n’avait
rien à reprocher à Ilan Halimi si ce
n’est sa judéité qui, dans l’imaginaire
de cette bande de criminels, implique
d’avoir de l’argent. (…) Les
meurtres commis par Mohamed Merah ne
cessent de hanter la mémoire de ce pays
où on est tué parce qu’on est juif. Le
racisme en général – le rejet de
l’étranger, de l’immigré, du réfugié, du
Noir ou du musulman – a régressé.
Certes, le 17 octobre 1961, on a jeté
des Algériens dans la Seine.
Le 14 novembre 1983, on a balancé Habib
Grimzi, un voyageur algérien, d’un train
entre Bordeaux et Vintimille. Le 1er mai
1995, on a jeté dans la Seine Brahim
Bouarram, un passant marocain. Ces actes
d’un racisme banal ont tous été
dénoncés. La France a besoin d’être
réparée, car la haine du juif entraîne
celle de tous les autres êtres humains.
(…) Manifester son dégoût en défilant en
silence, comme cela a été fait après le
massacre de Charlie Hebdo, est la
moindre des choses. Mais la France a
besoin d’être réparée, car la haine du
juif entraîne celle de tous les autres
êtres humains. C’est en ce sens que nous
sommes tous concernés par
l’antisémitisme. Ce n’est pas une simple
affaire entre une certaine France et une
population juive. C’est l’affaire de
tous, quelles que soient les croyances,
les convictions ou les idées. Chacun en
son être reçoit une part de cette
blessure qui s’acharne sur le juif ».
L’islamophobie
est-elle punie par la loi ?
On sait que les
actes racistes concernant les Français
de confession juives sont classés
antisémites et amènent pour les
contrevenants à des peines sévères
conformément à la loi Gayssot.
Cependant les actes antimusulmans ont
doublé en janvier par rapport à l’année
dernière. Mais comment définit-on un
acte islamophobe ? Que risquent ses
auteurs ?
Pour Delphine
Roucaute et Madjid Zerrouky :
« Le
terme « islamophobie » suggère à
l’origine une peur collective de la
religion musulmane. Mais il s’impose
depuis quelques années comme l’ensemble
des réactions de rejet vis-à-vis des
personnes musulmanes (ou supposées
telles). En effet, si le
suffixe « phobie »désigne
étymologiquement une peur, son sens a
dévié et peut désigner communément une
notion d’« hostilité ».
Ainsi, selon le
Conseil contre l’islamophobie en France
(rapport 2014) :
« Il s’agit de
l’ensemble des actes de discrimination
ou de violence contre des institutions
ou des individus en raison de leur
appartenance, réelle ou supposée, à
l’islam. Ces actes sont également
légitimés par des idéologies et des
discours incitant à l’hostilité et au
rejet des musulmans ».[11]
De la même manière,
le Conseil de l’Europe établit dans
son rapport sur l’islamophobie et ses
conséquences pour les jeunes que :
« L’islamophobie
peut se définir comme la peur, ou une
vision altérée par des préjugés, de
l’islam, des musulmans et des questions
en rapport. » Ce à quoi il ajoute :
« Qu’elle se traduise par des actes
quotidiens de racisme et de
discrimination ou des manifestations
plus violentes, I’islamophobie est une
violation des droits de I’homme et une
menace pour la cohésion sociale. »
De même, le
secrétaire général de l’ONU, Ban
Ki-moon, déclarait en 2009 que :
« Le racisme
peut aussi s’exprimer de manière moins
formelle comme la haine contre un peuple
ou une catégorie particulière comme
l’antisémitisme, par exemple, ou plus
récemment l’islamophobie ». 11
C’est donc une
forme de racisme pourtant il n’en est
pas ainsi selon la justice française :
« L’islamophobie
n’est pas punie en tant que telle en
France. L’encadrement de son expression
dans l’espace public relève des lois
régissant la liberté d’expression« .
En effet, selon la
loi du 29 juillet 1881 sur la liberté de
la presse, à titre d’exemple, le
15 octobre 2013, Christine Tasin,
présidente de l’association « Résistance
républicaine » et collaboratrice du
site Riposte laïque avait
déclaré devant un abattoir mobile installé
pour le sacrifice rituel de
l’Aïd-el-Kébir à Belfort :
« Oui, je suis
islamophobe, et alors ? La haine de
l’islam, j’en suis fière. L’islam est
une saloperie (…), c’est un danger pour
la France. » 11
Conclusion
Des voix
communautaristes et même partisanes
notamment du parti de la République en
Marche, s’élèvent en France pour
mettre l’antisionisme sur le même
plan que l’antisémitisme. C’est-à-dire
qu’il donnerait lieu à des condamnations
sévères ; interviewé sur France 3,
Dominique Vidal journaliste, historien
pense que ce serait une dérive. Il en
parle aussi dans son ouvrage : « Antisionisme-
antisémitisme ? » :
« Violences,
insultes imbéciles, actes antisémites,
l’émotion générale est pour certains une
occasion de faire accepter l’amalgame
entre critique du sionisme et
antisémitisme. Le sionisme est une
doctrine politique qui, tout comme le
gaullisme, le communisme ou le
macronisme, s’expose aux débats et aux
critiques. Faire l’amalgame avec une des
pires formes du racisme est une
hypocrisie qui revient à banaliser
l’antisémitisme ».[12]
Au dîner du CRIF du
20 février, Emmanuel Macron a accédé à
la demande formulée par Francis Kalifat
en annonçant que la France allait
adopter dans ses textes de référence la
définition de l’antisémitisme validée
par l’Alliance internationale pour la
mémoire de l’Holocauste (IHRA),
c’est-à-dire élargie à l’antisionisme, « une
des formes modernes de l’antisémitisme »,
a souligné le chef de l’Etat, sans pour
autant « empêcher ceux qui veulent
critiquer la politique israélienne de le
faire » ni « modifier le code
pénal », a-t-il précisé. Il s’agit
de mettre en œuvre des recommandations
(à destination des policiers, des
magistrats, des enseignants…), les
textes juridiques ne seront donc pas
modifiés.[13]
La République
censée être laïque et areligieuse n’est
pas équidistante des espérances des
communautés, on le voit c’est le deux
poids deux mesures. On peut comprendre
la sensibilité des Juifs contre le
retour de la barbarie symbolisé par les
actes anti-juifs, qu’il nous faut
dénoncer mais pourquoi ne fait-on pas le
distinguo entre les actes antisémites et
antisionistes que l’on amalgame et que
l’on juge sévèrement ?
En France vous
pouvez être anti-musulman vous ne
risquez pratiquement rien. À l’inverse,
la classe politique, les médias, les
intellectuels et de simples citoyens
sont tétanisés par ce qui se passe. Ils
n’osent pas dire que par exemple le CRIF
est en France il n’a pas à défendre
Israël et à se servir de la loi Gayssot
pour « punir » tous ceux qui sont contre
la politique d’Israël !
Dire que l’on est
pour la décolonisation de la
Palestine est dans l’imaginaire actuel
un acte antisémite. Cet acte est
passible de prison ! Est-ce cela la
France que l’on dit des droits de
l’homme, tolérante, qui se veut à
l’avant-garde des libertés ? Il faut
dénoncer indifféremment tous les
racismes. Les citoyens français quelles
que soient leurs espérances religieuses
ont droit de vivre en paix. Le chemin
pour la sérénité est encore long.
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique
Alger
[1]
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/02/16/alain-finkielkraut-siffle-et-cible-d-insultes-antisemites-par-des-gilets-jaunes_5424438_3224.html
[2]
https://fr.wikipedia.org/wiki/Antis%C3%A9mitisme
[3] Chems Eddine
Chitour
https://www.legrandsoir.info/une-verite-a-marteler-l-antisionisme-n-est-pas-de-l-antisemitisme.html
[4] Benoît Rayski
https://www.atlantico.fr/decryptage/3566212/agression-contre-finkielkraut–certains-gilets-jaunes-voudraient-que-les-juifs-portent-l-etoile-jaune-benoit-rayski
[5]
https://www.lemonde.fr/societe/article/2019/02/11/la-justice-saisie-a-cause-de-plusieurs-tags-antisemites-a-paris_5422154_3224.html
[6] Maxime Vaudano
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2019/02/12/actes-antisemites-et-islamophobes-un-decompte-hasardeux_5422565_4355770.html
[7] Stéphanie Le Bars
https://www.lemonde.fr/societe/article/2013/09/30/l-islamophobie-un-nouveau-racisme_3487391_3224.html
[8] Alain Gresh :http://lmsi.net/A-propos-de-l-islamophobie
[9] Stéphanie Le Bars
https://www.lemonde.fr/societe/article/2013/09/27/l-islamophobie-va-au-dela-d-un-simple-racisme_3485814_3224.html
[10]
Tahar Ben Jelloun
https://www.lepoint.fr/invites-du-point/tahar-ben-jelloun/tahar-ben-jelloun-antisemitisme-l-ame-blessee-de-la-france-19-02-2019-2294424_1921.php
[11] Delphine Roucaute
et Madjid Zerrouky
https://www.lemonde.fr/les-decodeurs/article/2015/01/20/l-islamophobie-est-elle-punie-par-la
loi_4559911_4355770.html
[12] Dominique Vidal.
Antisionisme = antisémitisme ?
Réponse à Emmanuel Macron Editions
Libertalia (2018).
[13]
https://www.lemonde.fr/politique/article/2019/02/21/au-diner-du-crif-macron-promet-des-actes-tranchants-pour-repondre-a-l-antisemitisme_5426022_823448.html
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