Comment je
vois le monde
Le voyage de
François Hollande en Israël :
Un enterrement de première classe de la
politique arabe de De Gaulle
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Jeudi 21 novembre 2013
«Pourquoi vois-tu la paille qui est dans
l'oeil de ton frère et n'aperçois-tu pas
la poutre qui est dans ton oeil à
toi!(...) Hypocrite, ôte premièrement la
poutre de ton oeil, et alors tu verras
comment ôter la paille qui est dans l'oeil
de ton frère.»
Évangile de Luc, 6, 41
François Hollande a fait une visite plus
importante en temps que celle qu'il a
faite en Chine. François Hollande
d'affirmer haut et fort «je suis votre
ami et je le resterai» dès son arrivée
ajoutant même que la France «ne cèderait
pas sur la prolifération nucléaire. Tant
que nous n'aurons pas la certitude que
l'Iran a renoncé à l'arme nucléaire,
nous maintiendrons toutes nos exigences
et les sanctions. Monsieur François
Hollande exige le maintien des sanctions
à l'égard d'un peuple qui veut, comme le
lui permet le Traité de
non-prolifération développer un bouquet
énergétique auquel le nucléaire
participe. La parabole du Christ citée
plus haut s'applique comme un gant à la
situation actuelle concernant la
position ambiguë de la France relative
au nucléaire iranien et israélien. Il
n'a sûrement pas entendu parler du
programme nucléaire israélien fort d'un
arsenal de bombes atomiques mis en place
dans la clandestinité avec justement
l'aide de la France socialiste des
années cinquante, de Guy Mollet et dont
personne n'ose parler.
Historique de la politique
israélo-arabe de la France
Sans remonter à la politique arabe de la
France décrite par Volney,
contentons-nous de décrire la politique
israélienne de la France qui représente
en creux justement celle de la politique
arabe de la France initiée par De
Gaulle. Dans une contribution assez
complète l'Encyclopédie nous apprend que
les relations Israël-France ont démarré
d'une façon tumultueuse après la Seconde
Guerre mondiale/ «(..)La France
permettait aux dirigeants sionistes de
mener des activités sur son territoire,
d'envoyer sporadiquement des armes et
d'organiser l'immigration juive à partir
de ses ports. Finalement, elle a
également voté en faveur du plan de
partage de la Palestine mandataire par
l'ONU le 29 novembre 1947. Cette
politique française était soutenue pour
l'essentiel par certaines personnalités
socialistes, souvent juifs et anciens
résistants, tels que Léon Blum, René
Mayer ou Daniel Mayer. (...) Avant la
reconnaissance dIsraël par la France en
1949, plusieurs désaccords importants
existaient entre les deux pays
concernant notamment le statut de
Jérusalem et des Lieux Saints et
l'avenir des institutions françaises en
Israël(...) Pour synthétiser, une
théorie s'est faite jour: celle des
«trois France» face à Israël.
Premièrement, la France «fille aînée de
l'Église», qui se préoccupe du sort de
Jérusalem et des Lieux Saints.
Deuxièmement, la «Puissance
méditerranéenne» qui se soucie de ses
intérêts en Afrique du Nord et au
Levant. Troisièmement, la France
«humaniste et résistante», pays de
l'Émancipation des juifs (..)» (1)
«Or, en 1956, avec l'attaque conjointe
de l'Égypte, il est devenu apparent que
leurs relations, jadis balbutiantes,
s'étaient transformées en une véritable
alliance stratégique au Proche-Orient.
Une coopération qui allait au-delà de la
simple relation d'amitié entre les
socialistes de Guy Mollet et les
travaillistes de David Ben Gourion et
qui prit la forme d'un véritable
partenariat d'assistance militaire et
diplomatique. La France a voté en 1947
la création de l'État d'Israël à l'ONU
(...) Les dirigeants des firmes
nationales d'armements et leurs relais
politiques encourageaient ce type de
commerce. Dans ce contexte global, les
ventes d'armes s'accrurent rapidement,
en faveur d'Israël. Il s'agissait
notamment de contrats portant sur les
premiers chasseurs Mystère IV.. (...)
Shimon Peres et David Ben Gourion
négociaient désormais ouvertement des
achats massifs d'armes à la France.
Avec le soutien de son partenaire,
Israël allait se doter dès 1956 d'un
arsenal important permettant de rétablir
l'équilibre régional des forces.
(...)Face à un adversaire commun, la
coopération franco-israélienne a connu
un renforcement par le biais d'une
dimension offensive.» (1)
Le général de Gaulle et la
politique proche-orientale
Le général de Gaulle ambitionnait de
voir son pays jouer le rôle d'avocat des
pays décolonisés et de leurs intérêts,
dans un monde ceinturé par les deux
supergrands, à savoir les États-Unis et
l'Urss. C'est dans ce contexte du
renouveau des relations franco-arabes
que le général de Gaulle a conceptualisé
une réorientation progressive de la
politique française à l'égard de son
allié israélien. Parallèlement aux
avancées dans le secteur économique, la
coopération franco-israélienne s'était
aussi développée dans le domaine de
l'énergie atomique. Signé conjointement
en 1955 par le ministre de la Défense
Pierre Koenig et le ministre des
Affaires atomiques Palewski, l'accord
avec l'État d'Israël fut maintenu dans
le plus grand secret alors qu'en 1958,
la France avait officiellement déclaré
avoir cessé toute collusion avec les
scientifiques à Dimona. (...) Au début
des années 1960, le lanceur Shavit((en
français: «comète»)) était propulsé avec
succès grâce à la technologie française,
celle-ci fut aussi utilisée bien plus
tard dans les projets de missiles
Jéricho. (.)» (1)
De manière globale, cette diplomatie à
géométrie variable s'inscrivait dans un
cadre plus large, la politique de la
France en Méditerranée. Face à un
Proche-Orient soumis à une structure
bipolaire. La rupture de cet équilibre
eut lieu au mois de juin 1967 avec
l'attaque surprise de la chasse
israélienne sur les aérodromes
égyptiens. Le 2 juin, le général de
Gaulle vint à décréter un embargo
préventif sur les ventes d'armes à
destination du Moyen-Orient. La guerre
des Six-Jours allait dès lors marquer le
début de la rupture entre Paris et
Jérusalem, la fin graduelle d'une
alliance jadis née à l'aube de Suez et
mise à mal une décennie plus tard. (...)
La querelle entre les deux États vint à
s'accentuer lors d'une conférence de
presse donnée le 27 novembre 1967 à
l'Élysée. Il vint à déclarer que
beaucoup se demandaient si
«les juifs, jusqu'alors dispersés, mais
qui étaient restés ce qu'ils avaient été
de tout temps, c'est-à-dire un peuple
d'élite, sûr de lui-même et dominateur,
n'en viennent, une fois rassemblés dans
le site de leur ancienne grandeur, à
changer en ambition conquérante les
souhaits très émouvants qu'ils formaient
depuis dix-neuf siècles». (1)
Mieux encore, les fameuses vedettes de
Cherbourg prirent le large vers Israël
malgré l'embargo et avec la complicité
de la chaîne de commandement.
L'ère Pompidou, Giscard,
Mitterand, Chirac
´´Dès son entrée en fonction lit-on sur
Wikipédia, le président Pompidou s'était
inscrit dans la lignée du général de
Gaulle, qui privilégiait un règlement du
conflit israélo-arabe parrainé par les
grandes puissances. (...) L'élection de
Valéry Giscard d'Estaing en mai 1974 a
posé la question de la continuité des
orientations diplomatiques de la France
au Proche-Orient. (...)
À son arrivée à lÉlysée en 1981,
François Mitterrand avait l'image d'un
ami dIsraël. La politique de François
Mitterrand au Moyen-Orient était
cependant empreinte de grande
continuité. Le rapprochement de la
France avec l'OLP et le soutien de Paris
aux revendications nationalistes
palestiniennes constituaient une
importante pomme de discorde entre la
France de Mitterrand et Israël (...) Le
déclenchement de la Seconde Intifada a
provoqué une rapide dégradation des
relations franco-israéliennes» (1)
La France de Chirac eut des relations
difficiles au bord de la rupture des
relations avec les incidents lors de la
visite de Chirac à Jérusalem. Rien de
pareil avec Jospin qui, lui, traita les
Palestiniens Hamas de terroristes, il a
vu sa voiture caillassée par de jeunes
Palestiniens. «En Israël, l'élection de
Nicolas Sarkozy a suscité l'espoir que
les relations bilatérales avec la France
s'améliorent par le relai du Crif et la
nomination pour la politique
moyen-orientale d'une diplomatie acquise
à Israël (...) Sous Hollande on se
souvient que les 31 octobre et 1er
novembre 2012, le Premier ministre
israélien Benyamin Netanyahu effectue
une visite officielle en France marquée
par une conférence de presse commune
avec le président François Hollande à
l'Élysée et une cérémonie d'hommage à
Toulouse aux victimes de la tuerie de
mars 2012. (...) Netanyahu fit de cette
visite une tribune pour sa réélection
mettant Hollande dans la gêne. La visite
officielle de François Hollande en
Israël, du 17 au 19 novembre, 2013
illustre la similarité des points de vue
des deux pays sur la question iranienne.
(1)
La position actuelle dénuée
d'équilibre de la France
La France apparaît de plus en plus comme
les Etats-Unis de George Bush. Dans tous
les dossiers chauds, elle est chaque
fois en première ligne prenant le risque
chaque fois d'être déjugée par l'Empire
comme nous l'avons vu dans l'affaire
syrienne. En première ligne en Libye et
au Mali, va-t-en guerre en Syrie,
intransigeante dans le dossier iranien:
la France, longtemps critique du rôle de
gendarme joué par les Etats-Unis, est
devenue le pays occidental le plus
interventionniste. Laurent Fabius,
depuis plus d'un an, adopte une posture
ultraradicale, écartant toute
possibilité de négocier avec les parties
prenantes. Une telle posture n'aurait de
sens que si l'on pouvait s'imposer.
Laurent Fabius fait preuve d'un
absolutisme moral à peu de frais mais
non sans conséquences.
La classe politique et l'opinion
israéliennes écrit Jean Christophe
Ploquin, sont persuadées que l'Iran
représentera une menace existentielle
dès lors qu'il sera capable de fabriquer
une bombe nucléaire et de l'envoyer par
un missile balistique fiable. Un
scénario du pire pourtant très peu
probable. Mais il y a une autre
angoisse: celle d'un glissement de
terrain géopolitique au Moyen-Orient. Si
l'Iran, un jour, redevient un pays
fréquentable pour les Américains, les
cartes de l'influence seront
redistribuées dans la région. À cela, le
gouvernement, Netanyahu ne s'est
absolument pas préparé. (2)
Lors d'une conférence commune dimanche
17 novembre avec le Premier ministre
israélien, Benyamin Netanyahu, tenue
dans le cadre d'une visite en Israël,
François Hollande a formulé les «quatre
exigences» de la France pour «un accord
intérimaire» sur le programme nucléaire
iranien: «Première exigence: mettre
l'intégralité des installations
nucléaires iraniennes sous contrôle
international, dès à présent.» «Deuxième
point: suspendre l'enrichissement
[d'uranium] à 20%.» Troisième exigence:
réduire le stock existant.» «Et enfin
arrêter la construction de la centrale
d'Arak. Voilà les points qui pour nous
sont essentiels comme garantie d'un
accord. (...) «Mieux vaut un bon accord
qu'un mauvais, là-dessus nous nous
entendons», a-t-il déclaré à l'adresse
de Benyamin Netanyahu». (3)
«Nous n'admettrons jamais que l'Iran
puisse détenir l'arme nucléaire. Parce
que c'est une menace pour la sécurité
d'Israël, mais aussi pour le monde.»
M.Pérès avait salué la fermeté française
dans ce dossier. «Israël a beaucoup de
respect pour la position forte de la
France afin d'arrêter les ambitions
dangereuses de l'Iran», avait expliqué
le chef de l'Etat hébreu. «Tamid esha'er
haver shel Israel!´´ Accueilli en grande
pompe par le président Shimon Pérès et
le Premier ministre, Benyamin Netanyahu»
(4)
Colonisation: Hollande attend
des «gestes» d'Israël
S'agissant du dossier palestinien,
Hollande réduit la voilure, il n'est
plus question de fermeté, de
rodomontade, Hollande fait appel au bon
coeur de Netanyahu,: «Le président
français François Hollande a par
ailleurs déclaré qu'il attendait des
«gestes» d'Israël sur la colonisation
des territoires occupés pour contribuer
au processus de paix. Il demande aux
Palestiniens,à qui il ne reste que les
yeux pour pleurer, de faire aussi des
gestes! estimant qu'il s'agissait de
«trouver un accord définitif pour une
paix juste et durable» reposant sur la
solution de «deux Etats», israélien et
palestinien.
Israël joue la France contre les
Etats-Unis
Pour Laurent Zecchini, François Hollande
bénéficie de l'«effet Kerry». John
Kerry, le secrétaire d'Etat américain,
est de plus en plus critiqué à
Jérusalem, en raison d'un double
contentieux: ses remarques acerbes
s'agissant de l'attitude israélienne
lors des négociations de paix avec les
Palestiniens, et surtout l'expression
publique de divergences à propos du
programme nucléaire militaire de
l'Iran.(...) A l'inverse, la France est
exemplaire, aux yeux des dirigeants
israéliens, dans sa fermeté et ses
exigences vis-à-vis de Téhéran.
Qu'adviendra-t-il de cette entente
cordiale si d'aventure les pays du
groupe P5 + 1 se mettent finalement
d'accord pour accepter un processus
intérimaire de dénucléarisation de
l'Iran, avec un allégement des
sanctions? (5)
Recevant ensuite les dignitaires
religieux, François Hollande a voulu
placer le débat sur un terrain
consensuel, celui d'une «république
laïque qui a aussi une mission
particulière de protection des chrétiens
et des lieux saints».(...) Le ton a été
donné par Hind Khoury, ancienne déléguée
générale de la Palestine en France:
«Jérusalem n'existe plus comme une ville
palestinienne, la vie y est devenue
insupportable! Vous avez parlé de la
souffrance du peuple juif? Nous avons
besoin d'entendre parler de la
souffrance du peuple palestinien!» Et
Huda Al-Imam, directrice du Centre
d'études sur Jérusalem, d'enfoncer le
clou: «Israël, en toute illégalité, est
en train de judaïser, de coloniser cette
ville et son patrimoine», a-t-elle
lancé. «Nous attendons beaucoup de la
France», a-t-elle insisté, en illustrant
son propos par un rappel de «la réaction
de M.Chirac dans la vieille ville!» (6)
Que gagne la France?
En dehors de la détérioration probable
et durable de ses relations avec le
Monde arabe, Israël est le pays qui a le
plus de start-up après les Etats-Unis;
78% de ses exportations concernent la
haute technologie. Israël consacre 6% de
son budget à la recherche; La France
n'est qu'à la 11e place avec moins de 3
milliards de dollars. La relation
économique entre les deux pays est
bonne, dit-on à l'Elysée, «mais pas à la
hauteur de la qualité du dialogue
politique». la part de marché de la
France en Israël dans ces échanges est
de 2,17%, contre 6,58% pour l'Allemagne.
En fait, Israël n'a pas besoin
fondamentalement de la technologie
française, ce qui l'intéresse c'est sa
capacité supposée de gérer les affaires
d'Israël. Pour cela tous les relais sont
bons, notamment «le tribunal dinatoire»
du Crif. Mais ceci est une autre
histoire
1. Les relations de la France avec
Israël Encyclopédie Wikipédia
2.
http://www.la-croix.com/Editos/Hollande-en-Israel-l-ombre-iranienne-2013-11-16-1061766
3.
http://www.lemonde.fr/proche-orient/article/2013/11/17/nucleaire-iranien-la-france-formule-quatre-exigences_3515274_
3218.html#xtor=EPR-32280229-[NL_Titresdujour]-20131118-[titres]
4. David Revault d'Allonnes
http://www.lemonde.fr/international/article/2013/11/17/en-israel-hollande-affiche-sa-fermete-face-a-l-iran_3515204_3210.html
5. Laurent Zecchini: Israël, en froid
avec Washington, Le Monde 16.11.2013
6. Laurent Zecchini: François Hollande
et les dignitaires religieux Le Monde.fr
18.11.2013
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechique nep-edu.dz
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