Comment je vois le
monde
Une Palestine en peau de chagrin :
Que reste-t-il à négocier ?
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Jeudi 17 avril 2014
« Quand vous serez prêts à faire la
paix, appelez-nous »
James Baker exaspéré par les résistances
israéliennes. (1990).
Une évidence: le dernier feuilleton
produit par les Américains nous avait
promis que les Palestiniens et les
Israéliens avaient un an pour arriver à
une solution au règlement de la cause
palestinienne d'une façon mutuellement
acceptable. C'était il y a un an. Aux
dernières nouvelles, Martin Indyck -
dont les sympathies pro-israéliennes
sont connues - un nouveau «facilitateur»
a été nommé par le département d'Etat
pour faire durer le plaisir ou le
calvaire selon que l'on soit d'un côté
ou de l'autre. A moins d'un miracle, la
date du 29 avril va consacrer la mort de
ce processus.
La dernière accélération est venue comme
une riposte à la décision israélienne.
Selon l'entente conclue en juillet 2013,
Tel-Aviv s'était engagé à libérer en
quatre phases 104 prisonniers incarcérés
avant 1993. En contrepartie, la
direction palestinienne avait consenti à
suspendre jusqu'à la fin des pourparlers
toute démarche d'adhésion aux
organisations internationales, y compris
les instances judiciaires à compétence
mondiale susceptibles de poursuivre
Israël. Les dirigeants israéliens
réclament désormais une prolongation des
négociations de paix au-delà du 29
avril. Le président palestinien, Mahmoud
Abbas, a riposté en signant le 1er avril
les demandes d'adhésion de la Palestine
à 15 conventions et traités
internationaux,
Les erreurs américaines dans les
négociations
A sa façon, Benjamin Barthe, dans un
réquisitoire sans concession, fait le
procès des erreurs de John Kerry ayant
amené à l'échec annoncé de ce dernier
round de négociations qui dure depuis
plus d'un an: «En renvoyant dos à dos
Israéliens et Palestiniens, plongés dans
une nouvelle crise qui pourrait être
fatale aux négociations relancées en
juillet, John Kerry a rendu un mauvais
service à la cause de la paix au
Proche-Orient. En 2013, le nombre de
logements mis en chantier dans les
colonies de Cisjordanie a progressé de
123% par rapport à 2012, alors qu'à
l'intérieur d'Israël, sur la même
période, la hausse n'a pas dépassé...
4%! M.Kerry n'a pas su arrêter ni même
freiner le rouleau compresseur de la
colonisation. Ce laisser-faire a deux
conséquences dramatiques: il sabote de
facto la solution à deux Etats, sur les
lignes de 1967, qui est la formule de
règlement du conflit la plus réaliste et
il perpétue l'impunité dont se nourrit
le système d'occupation israélien.
Depuis juillet, 56 Palestiniens ont été
tués par les forces de sécurité
israéliennes, 146 maisons détruites et
550 attaques de colons ont été
recensées. Durant la même période, cinq
Israéliens ont été tués».(1)
Benjamin Barthe nous dit que les
Européens sont absents: «Les Européens
hors jeu. Faute d'être prêt à corriger
l'asymétrie inhérente à toute
négociation entre un occupant et un
occupé, M.Kerry aurait pu confier la
tâche aux Européens. L'annonce par
Bruxelles, lors de la reprise des
pourparlers, de nouvelles directives
excluant les colonies juives des
programmes de coopération
communautaires, augurait d'une
répartition des rôles: le bâton aux
Européens, la carotte aux Américains.
Mais M.Kerry a vite cédé à la fâcheuse
manie de Washington de gérer le
processus de paix en tête-à-tête avec
Israël.»(1)
Benjamin Barthe nous raconte aussi le
cycle des représailles
disproportionnées. «La décision
israélienne de ne pas libérer une
quatrième vague de prisonniers
palestiniens le 29 mars continue de
provoquer des remous en Cisjordanie De
fait, les Palestiniens ont, en quelque
sorte, répondu au refus israélien en
demandant l'adhésion de la Palestine à
15 conventions et traités
internationaux. Bref, les deux parties
s'accusent mutuellement d'avoir violé
leurs engagements et la poursuite des
négociations de paix au-delà du 29 avril
est de plus en plus compromise. Même le
secrétaire dÉtat américain John Kerry a
laissé entendre que la patience de
Washington avait des limites (...). Du
côté d'Israël, la crise actuelle doit
faire l'objet d'un débat au Parlement,
symbole de cette régression: le retour
comme envoyé spécial pour le
Proche-Orient de Martin Indyk, un ancien
du lobby pro-Likoud Aipac, déjà en poste
durant le calamiteux processus d'Oslo.
Les chancelleries européennes auraient
pu faire preuve d'initiative en
accélérant par exemple la réflexion sur
l'étiquetage des produits des colonies.
Mais les 28 répugnent à brusquer
Israël.(1)
Benjamin Barthes nous apprend que les
Palestiniens s'accrochent au droit
international, en vain: «Dans un
environnement aussi peu favorable, les
Palestiniens se raccrochent au droit
international. S'ils ont accepté que les
négociations portent, non pas sur un
plan de paix intégral, jugé prématuré
par Israël, mais sur un simple
accord-cadre, c'était dans l'espoir que
celui-ci inclurait les termes de
références historiques du processus de
paix, notamment les frontières de 1967,
consacrées par la résolution 242 des
Nations unies. (...). M.Kerry s'est
laissé enfermer par M.Nétanyahou dans
une discussion stérile, sur deux points
inacceptables pour les Palestiniens: la
reconnaissance d'Israël comme un Etat
juif et le maintien de troupes
israéliennes dans la vallée du
Jourdain.» (1)
Benjamin Barthes conclut par quelques
recommandations: «(...) M.Kerry aurait
pu tenter de contourner les manoeuvres
dilatoires de «Bibi», en refusant toute
prolongation du processus et en
prévenant que la partie responsable du
blocage s'exposerait à des contrecoups.
Il aurait pu faire savoir qu'en cas
d'obstruction israélienne, les
Etats-Unis ne s'opposeraient plus à ce
que l'Autorité palestinienne adhère aux
agences des Nations unies, dans la
continuité de sa reconnaissance comme
Etat non membre de l'ONU, en 2012.
M.Kerry a donc reproduit une à une
toutes les erreurs de ses prédécesseurs.
Comme si la diplomatie américaine était
incapable de dépasser le paradigme
d'Oslo, pourtant vicié de
l'intérieur.»(1)
Les conséquences des
négociations: coup d'accélérateur à la
colonisation
On aurait pu penser que la réaction
palestinienne amènerait les Israéliens à
négocier; il n'en fut rien. On apprend
que le ministre israélien de la Défense,
«Moshe Ya'alon, annonce un projet majeur
d'agrandissement de la colonie de Goush
Etzion», titre le journal palestinien.
Al-Hayat Al-Jadida «Israël a pris
possession d'une centaine d'hectares de
terrains en Cisjordanie occupée. Cette
saisie, la plus importante depuis des
années, selon la presse israélienne,
semble préfigurer une relance importante
de la colonisation au sud de Jérusalem.»
(2)
Pendant ce temps, le président Obama
demande à son homologue palestinien
Mahmoud Abbas, reçu à la Maison-Blanche
le 17 mars, de «prendre des décisions
difficiles» afin de permettre la
poursuite des négociations avec Israël.
A en croire la presse de Cisjordanie, le
président palestinien serait resté
intransigeant: «Mahmoud Abbas reste
ferme sur les fondamentaux du
nationalisme palestinien.» (3)
On nage en plein délire. Que peut encore
donner Mahmoud qu'il n'a pas encore
bradé, pour une hypothétique
reconnaissance d'une Palestine sur moins
de 18% de la Palestine originelle. En
fait, Israël jouit d'une impunité
savamment entretenue par ses lobbys.
Admonester un ministre américain n'est
pas donné à tout le monde.
C'est ce qu'à fait le 14 janvier, le
ministre de la Défense israélien, Moshe
Ya'alon, qui a accusé John Kerry d'être
: «animé par une obsession
incompréhensible et une sorte de
messianisme», ajoutant qu'il ne pouvait
«rien lui apprendre sur le conflit avec
les Palestiniens». Washington a
immédiatement exigé du Premier ministre
israélien une condamnation de ces
propos. Ha'Aretz fustige «l'esprit de
dénigrement» de la droite israélienne,
«qui considère que la 'relation
spéciale'' [avec les Etats-Unis] est
quelque chose d'acquis». (4)
Pourtant, l'idée d'une Jérusalem comme
le siège de deux capitales fait son
chemin dans l'imaginaire de certains
israéliens «En déclarant que les accords
de paix d'Oslo [signés entre Israéliens
et Palestiniens en 1993] signifieraient
une capitale palestinienne à
Jérusalem-Est, Ofer Shelah [ancien
journaliste, élu député en 2013] a mis
les adversaires de ces accords en
fureur. De nombreux Israéliens présument
qu'une capitale palestinienne à
Jérusalem-Est revient à diviser de
nouveau la ville. «Nous voulons une
ville ouverte et partagée, non une ville
divisée», dit une source palestinienne
de haut niveau. «Nous demandons notre
propre administration, mais il faudra
une coordination entre les deux
municipalités. Nous n'envisageons pas de
mur au milieu.»(5)
Conséquences tangibles de
l'échec des négociations: les sanctions
financières
Par mesure de rétorsion après la récente
demande d'adhésion des Palestiniens à
une quinzaine de traités internationaux,
Israël a annoncé des sanctions
financières contre les autorités de
Ramallah. Les taxes douanières et la TVA
prélevées sur les marchandises
transitant par Israël qui les rétrocède
à l'Autorité palestinienne, s'élèvent à
quelque 80 millions d'euros par mois. Un
montant qui représente plus des deux
tiers des recettes budgétaires propres
de Ramallah et contribue au paiement de
plus de 150.000 fonctionnaires et aux
coûts de fonctionnement des ministères.
Parmi les autres sanctions d'ordre
économique, Israël a, dans le même
temps, suspendu sa participation au
développement d'un champ gazier au large
de la bande de Ghaza adjacent à un champ
israélien. (6)
«Israël est responsable de la crise
actuelle des négociations entre Autorité
palestinienne et Etat hébreu. C'est en
substance le message envoyé hier du
Caire par les pays de la Ligue arabe.
Pour Ryad al-Maliki, ministre
palestinien des Affaires étrangères:
«Israël a refusé de libérer le quatrième
groupe de prisonniers palestiniens et
annoncé la construction de 708 nouveaux
logements dans la zone de Jérusalem Est,
c'est ça qui est l'origine de la crise
actuelle.» L'ONU a annoncé jeudi dernier
avoir jugé conformes aux procédures
internationales les demandes
palestiniennes d'adhésion à 13 traités
ou conventions internationales dont les
Nations unies sont dépositaires. La
Palestine a, par ailleurs demandé à la
Suisse d'adhérer à la IVe Convention de
Genève d'août 1949 sur la protection des
civils en territoire occupé et aux
Pays-Bas, l'adhésion à la Convention de
La Haye d'octobre 1907 sur les lois et
coutumes de la guerre sur terre. Selon
des responsables palestiniens, la
Palestine est officiellement devenue
jeudi dernier une «haute partie
contractante» de la IVe Convention de
Genève qui interdit à la puissance
occupante de transférer sa population en
territoire occupé. Un texte considéré
par les organisations de défense des
droits de l'homme comme une interdiction
de la colonisation israélienne.»(6)
Les punitions: le sport
palestinien dans la ligne de mire
israélienne
Les Palestiniens paient le prix fot, des
vélléités timides de visibilité à
l’échelle internationale, notamment dans
les Organisations dépendant de l’ONU .
Parmi ces sanctions celles qui ciblent
les forces vives des Palestiniens. Nous
lisons dans la contribution suvante : «
Courroucée par la hardiesse de cette
démarche, l'entité sioniste a annoncé
récemment des sanctions financières
contre les autorités de Ramallah. Le
reversement des taxes collectées par les
Palestiniens est gelé jusqu'à nouvel
ordre. Parmi les autres sanctions
d'ordre économique, Israël a suspendu sa
participation au développement d'un
champ gazier au large de Ghaza et va
dans le même temps plafonner les dépôts
bancaires palestiniens dans ses
établissements financiers.» (7)
« Le 11 avril se déroulait le marathon
de Palestine, dont le départ était donné
de l'église de la Nativité à Bethléem.
Le parcours longeait le mur de sinistre
mémoire et passait notamment par les
camps de réfugiés d'Al Ayda et de
Dheisheh. C'était sans compter sur les
autorités israéliennes qui, comme l'an
dernier, ont empêché les athlètes
ghazaouis de participer à la fête. Pour
se dédouaner, la juge Daphné Barek-Erez
a simplement avancé que «le pouvoir
judiciaire n'avait pas à intervenir dans
les décisions prises par le ministère de
la défense»(7).
« Parmi les athlètes, victimes du
blocus, figure Nader al-Masri. Ce n'est
pas un inconnu dans le milieu des sports
d'endurance. Il a participé à plus de 40
compétitions internationales parmi
lesquelles les Jeux olympiques de Pékin,
en 2008. (...) Comme des milliers
d'autres Palestiniens, l'athlète a été
touché de plein fouet par les décisions
arbitraires des autorités d'occupation.
Aux restrictions imposées par Israël
s'ajoutent également celles qu'a prises
l'Égypte à l'encontre de la population
de Ghaza. La carrière sportive de Jawhar
Nasser (19 ans) et d'Adam Habaliya (17
ans) est, en revanche, déjà arrêtée. Les
deux petites perles du football
palestinien ont été tirées comme des
lapins à un check-point par des soldats
israéliens. Jawhar a reçu en tout, 11
projectiles: sept dans le pied gauche,
trois dans le pied droit et un dans la
main. Halabiya a été touché par deux
balles: une dans chaque pied. Ils ne
pourront plus jamais jouer au football
en compétition.»(7)
Pour rappel: avant la création de l'Etat
d'Israël, les populations chrétiennes,
musulmanes et catholiques vivaient en
paix dans cette région du monde. Israël
veut l'anéantissement total de la
Palestine avant la proclamation d'un
Etat «juif». L'immigration sioniste
n'était pas une banale immigration. Elle
s'inscrivait dans le projet sionisme
visant à s'approprier un territoire
contre la population locale. Il a été
rendu possible par l'occupant
britannique. Vouloir un Etat juif n' a
rien d'ethnique puisque les juifs comme
les Palestiniens seraient des Cananéens!
Et qu'il n'y a pas de peuple juif.
Vouloir un Etat théocratique veut dire
que les Arabes palestiniens, qu'ils
soient chrétiens ou musulmans, n'ont pas
vocation à rester dans un Etat de juifs
purs ou supposés tels. De ce fait, cela
serait une deuxième Nekba pour les plus
de deux millions d'Arabes israéliens qui
devront s'entasser dans ce qui reste de
la Cisjordanie, du même coup le retour
des réfugiés de 1948 sera ainsi oublié.
En fait, il n'y a pas de négociations.
C'est un jeu de dupes maintenu par
Israël et Washington. Israël continue de
coloniser avec la bénédiction de
l'Occident et l'objectif est tout
simplement de supprimer toute
possibilité d'Etat palestinien viable.
Politiciens et médias occidentaux ont
pour dogme de ne jamais agir contre
l'Etat d'Israël quand bien même celui-ci
occuperait et coloniserait des
territoires déjà habités. La faute
commise par l'un des leurs devient une
faute ad vitam aeternam et ce sont les
Palestiniens qui expient pour une faute
qu'ils n'ont pas commise. Ainsi va
l'ordre impérial.
1. Israël-Palestine: les quatre erreurs
de John Kerry Le Monde 08.04.2014
Benjamin Barthe
2. http://www.courrier international.com
Al-Hayat Al-Jadida 14 avril 2014
3. Al-Ayyam 18 mars 2014
http://www.courrierinternational.com/breve/2014/03/18/obama-demande-a-abbas-des-decisions-difficiles
4.http://www.courrierinternational.com/breve/2014/01/15/moshe-ya-alon-declenche-une-tempete-diplomatique-avec-washingtonHa'Aretz
15 janvier 2014
5. Ilene Prusher
http://www.courrierinternational.com/article/2013/09/04/jerusalem-comment-partager-sans-diviser
Ha'Aretz
6. Israël impose des sanctions
financières aux Palestiniens Le Monde.fr
AFP 10.04.2014
7.
http://www.resistance-politique.fr/article-le-sport-palestinien-dans-la-ligne-de-mire-israelienne-123330766.html
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechynique enp-edu.dz
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