Comment je vois le
monde
Les Arabes, ces mal-aimés :
voyage au cœur de l'intolérance
Chems Eddine Chitour
Chems
Eddine Chitour
Lundi 10 mars 2013
«Il n'y a rien de plus grand aux
yeux de Dieu qu'un homme qui a appris
une science et qui l'a enseignée au
peuple.» «La connaissance qui n'est pas
utilisée est comme un trésor dont rien
n'est dépensé. Ses propriétaires ont
labouré en le rassemblant, mais ils n'en
ont jamais bénéficié.» «Si Dieu te
dirige vers un seul homme [qui est
instruit], c'est mieux pour toi que le
monde entier et ce qu'il contient.»
Ibn Khayr dans son Farasah
Un mal qui répand la terreur, l'allogène
basané et de surcroit arabe, puisqu'il
faut l'appeler par son nom, est en train
de polluer la blanche et doulce France.
Nous allons dans ce qui suit, expliquer
en quelques lignes que les Arabes sont
un peuple comme les autres, ni meilleur
ni pire et qui a transmis par
l'intermédiaire de la langue une belle
période civilisationnelle. Dans un
second temps, nous allons rapporter le
réquisitoire à son encontre et montrer
qu'il ne repose pas sur des fondations
étayées, mais fait l'objet de croisades
dont les médias ne sont pas en reste,
eux qui donnent de l'épaisseur à tous
les pyromanes et intellectuels
autoproclamés qui dictent aux citoyens
lambdas ce qu'ils doivent penser, ce
qu'ils doivent
oublier.
Qui étaient les Arabes?
On dit que les Arabes sont un ancien
peuple sémitique dont le barycentre fut
l'actuelle Arabie Saoudite. Sans vouloir
faire l'apologie de ce peuple du désert,
qu'il nous suffise de rapporter pour la
période anté-islamique l'une des
facettes de ce peuple fier. Beaucoup
d'entre nous dans leur jeunesse ont
vibré aux rapsodies et autres
mou'allaquate où les joutes oratoires se
faisaient à Oukadh. On rapporte que
Samaouel, auteur juif anté-islamique
auteur de la célèbre «lamiatou Samaouel»
n'a pas voulu dévoiler un secret que lui
avait confié Antar Ibn Cheddad mettant
en péril de ce fait, la vie de son
fils.. Depuis l'expression «aoufa min
Samaouel» «Plus fidèle - au serment- que
Samaouel- a traversé les siècles.
Quand on se rend compte de toute
l'étendue des domaines que les Arabes
embrassèrent dans leurs expérimentations
scientifiques, leurs pensées et leurs
écrits, on voit que sans les Arabes, la
science et la philosophie européennes ne
se seraient pas développées à l'époque
comme elles l'ont fait. Les Arabes ne se
contentèrent pas de transmettre
simplement la pensée grecque. Ils en
furent les authentiques continuateurs.
La conquête arabe apportait les éléments
d'un nouvel enthousiasme pour le savoir,
une langue que se forge et qui s'impose
comme un instrument de communication
internationale; un gouvernement
fortement centralisé; une religion qui
exalte la connaissance. Le Coran énonce
que l'encre des savants est plus
précieuse que le sang des martyrs. Le
monde occidental manifesta une réserve,
voire une hostilité envers ces savoirs
étrangers. Avant, à son tour, de se les
approprier et de les enrichir.
S'agissant de la langue, l'illustre
savant Jacques Berque explique dans Les
Arabes et nous que la fonction de la
langue pour les Arabes est différente,
supérieure à celle qu'elle remplit pour
les Occidentaux. Il donne un exemple:
ainsi, en arabe, les mots se rapportant
à l'écrit dérivent tous de la racine
k.t.b.: Maktûb, maktab, maktaba, kâtib,
kitâb. En français, ces mêmes mots sont:
écrit, bureau, bibliothèque, secrétaire,
livre. Les mots français sont tous les
cinq arbitraires, mais les mots arabes
sont, eux, «soudés par une transparente
logique à une racine qui seule est
arbitraire». «Alors que les langues
européennes solidifient le mot, le
figent, en quelque sorte, dans un
rapport précis avec la chose, le mot
arabe reste cramponné à ses origines. Il
tire substance de ses quartiers de
noblesse.» (1)
Que sont devenus ces héritiers de Dar El
Hikma, des poèmes el Mou'allaquat de
Dubyani, de Antar et de tant d'autres?
Les pays arabes actuels sont tombés bien
bas. Ils ont du mal à enrayer
l'illettrisme. «L'analphabétisme touche
près de 40% des personnes âgées de plus
de 15 ans» dans ces pays, soit près de
60 millions d'adultes, selon un rapport
de l'Unesco, publié le 7 janvier 2009.
Faut-il pour autant insulter les peuples
et ne pas s'en prendre à juste titre à
leurs dirigeants? Mais ceci est une
autre histoire.
Voyage au cœur de l'intolérance
Nous allons voir dans ce qui suit que
l'intolérance envers les Arabes n'est
pas une spécificité de tel ou tel pays.
A des degrés divers, le rejet brutal des
Arabes et plus généralement de l'Islam
est la haine la mieux partagée en
Occident. L'amalgame est total entre les
problèmes des banlieues qui sont pour
une large part des problèmes sociaux
avec le chômage qui touche en moyenne
trois fois plus les Beurs que les
Français de souche. Cela on ne
l'explique pas car l'argument mis en
place est l'antisémitisme mis en avant
d'une façon directe ou indirecte par les
«plus royalistes que le roi».
Justement et pour parler d'oecuménisme
dans la haine des Arabes, un auteur
anglais pense que la France est en
guerre contre «ses Arabes». Nolwenn Le
Blevennec a interviewé Andrew Hussey.
Nous l'écoutons: The French intifada est
sorti ce jeudi. C'est un
livre-voyage-enquête qui se propose
d'expliquer «la guerre entre la France
et ses Arabes». (...) La couverture du
livre, en premier lieu: la tour Eiffel,
dessinée entre les portes d'une mosquée
dorée et dressée dans des flammes
rouges. Derrière, en fond, le vert du
Coran. Pour la version américaine, c'est
encore plus explicite: un bras d'homme
tenant une kalachnikov sur un fond bleu
clair.(2)
«Les extraits parus dans le Guardian,
fin février, n'étaient pas rassurants
non plus. Ils donnaient l'image d'une
capitale française assiégée par ses
Arabes. Voici le premier qui dépeint les
émeutes de la gare du Nord du printemps
2007. C'est le début du livre: «La
France, écrit-il, est le pays qui a la
plus grande population musulmane
d'Europe, et la gare du Nord est un
point de rencontre et de tension. (..)
Les émeutiers de la gare du Nord ou des
banlieues se décrivent souvent comme des
soldats d'une ´´guerre d'usure´´ contre
la France et l'Europe.» La prose
ressemble à celle de l'auteur d'extrême
droite, Laurent Obertone (belle plume et
apocalypse).»(2)
«Ce que j'ai vu en France, écrit Nolwenn
Le Blevennec, rapportant les propos de
l'auteur, n'est pas de l'ordre d'un
conflit de classes, je me suis demandé
d'où venait cette colère des jeunes
Arabes. Les tensions ne sont pas que
politiques, religieuses, raciales, il y
a quelque chose qui appartient à la
psychanalyse.» Sa théorie: la
colonisation française de l'Afrique du
Nord a laissé des traces et une envie de
revanche. L'aliénation de la vie en
banlieue est un autre motif de colère
pour les Arabes. Une guerre a lieu, que
personne ne veut voir.» (2)
«Dès la première partie (de la lecture
du livre, Ndlr), c'est plus clair, la
ligne est celle d'Alain Finkielkraut et
d'Elisabeth Lévy. Première partie: le
jeune Arabe est haineux et antisémite.
L'auteur revient sur le meurtre d'Ilan
Halimi. «Beaucoup de voisins ont entendu
des cris de souffrance et les rires des
tortionnaires, mais ils n'ont rien
fait», écrit-il comme s'il avait eu
accès au dossier de police. Puis il
passe à l'affaire Mohammed Merah. Dans
les jours qui suivent, (...) Il y a ce
type, à Barbès qui n'est pas
spécialement choqué par ce qu'a fait
Merah. A mettre en parallèle avec les
commentaires de ce vieux juif, «l'un des
derniers à ne pas avoir été évincé de
Barbès»: «Cet homme, ce musulman, il
était juste un nazi.» (2)
«Suivent plusieurs chapitres historiques
intéressants: Andrew Hussey rappelle
quelle a été l'histoire de la France
avec l'Algérie, le Maroc, la Tunisie. Il
décrit les séquelles laissées par les
processus de colonisation et
décolonisation. Enfin, la dernière
partie du livre se passe à la prison de
Fresnes. Un gardien de prison se confie:
«On peut parler avec un Basque ou un
Corse. Avec les musulmans, ce n'est pas
pareil, c'est comme s'ils formaient une
armée secrète qui travaille contre toi.
Tu ne peux jamais savoir ce qu'ils
pensent, mais tu sais qu'ils te
haïssent.» (2)
Etant plus explicite dans le Guardian,
Andrew Hussey écrit: «L'histoire amère
de la relation de la France avec ses
ex-colonies se joue dans la capitale
française est racontée plus
explicitement dans le Guardian. Il y a
un véritable conflit dans la France
contemporaine entre les principes
opposés de la laïcité et du
communautarisme qui est joué dans les
émeutes. Le terme laïcité est difficile
à traduire; mettre tout simplement, cela
signifie que le droit français, il est
illégal de distinguer des individus en
raison de leur religion. (...) Encore
une fois, le modèle anglo-américain
lâche, où la «différence» - qu'il
s'agisse de la sexualité, la religion ou
le handicap - est toléré ou même prisé,
ne s'applique pas en France où la
«différence» est considérée comme une
forme de sectarisme et une menace pour
la République. Le problème le plus aigu
pour les dernières générations
d'immigrés musulmans en France est que
l'universalisme proclamé des valeurs
républicaines, et en particulier la
laïcité, peut très rapidement ressembler
à la «mission civilisatrice» du
colonialisme. En d'autres termes, si les
musulmans veulent être «français», ils
doivent apprendre à être des citoyens de
la République, premier et deuxième
musulmans; pour beaucoup, c'est une
tâche impossible, d'où les inquiétudes
quant à savoir si les musulmans en
France sont musulmans de France ou
musulmans en France». (3)
Les lanceurs d'alerte de
l'apocalypse contre les allogènes
mélanodermes
En France on le sait, les « formateurs »
au sens de l’internet de la pensée du
citoyen lambda sont connus. On ne peut
pas, à titre d'exemple, ne pas citer
l'un des premiers pyromanes en la
personne d'Eric Zemmour, un
paléo-berbère dont les parents sont
venus sur le tard en France et qui en
rajoute en parlant de «mélancolie
française» et d'invasion par les
mélanodermes qui soient arabes ou noirs.
Ecoutons la description qu'en fait Chloé
Leprince à propos de la délinquance
consubstantielle de l'ethnie: «Oui,
comme l'affirment Eric Zemmour et
Jean-Pierre Chevènement, les personnes
noires et maghrébines sont
surreprésentées dans les statistiques de
la délinquance. Ce qu'ils omettent de
dire, c'est que ce phénomène est
essentiellement dû à des facteurs
sociaux et de discrimination. (...) Les
propos d'Eric Zemmour peuvent être
considérés comme racistes dans la mesure
où ils seraient essentialistes (Mamadou
serait trafiquant parce que Mamadou
s'appelle Mamadou). Dans sa diatribe,
Eric Zemmour ne parle pas de
condamnations effectives, après enquête,
mais de «trafiquants.» Même si les
statistiques du Canonge restent à
prendre avec des pincettes, il indique
qu'Arabes et Noirs sont «surreprésentés»
(comprendre: plus nombreux en proportion
que dans la population totale). Les
sociologues de la délinquance retiennent
davantage le critère du niveau de vie
que le critère ethnique pour expliquer
les différences de comportement
transgressif: pour ces derniers, qu'il y
ait davantage de Noirs et d'Arabes parmi
les jeunes délinquants n'est pas
vraiment un scoop. Mais avant tout, le
corollaire d'un phénomène
socio-économique. (4)
Un nouveau
business les auteurs à thèses racistes
contre les Arabes
Il ne faut pas croire que les Alain
Finkielkraut, Elisabeth Levy et autres
Pascal Bruckner sont les seuls à gloser
sur les Arabes. De nouvelles pousses se
font les dents sur ces scories de
l'histoire installées en Occident.
Nolwenn Le Blevennec décrit l'ouvrage de
Laurent Obertone La France Orange
mécanique, qui se vend bien. Le thème de
l'ouvrage est «l'ensauvagement d'une
nation», formule chargée de
sous-entendus de l'essayiste et
criminologue Xavier Raufer qui préface
le livre. (...) Une formule devenue le
slogan du moment de Marine Le Pen qui
fait au livre une promo acharnée (...)
«Ses thèmes de prédilection en vrac: le
péril immigré qui mènera notre
civilisation à sa perte, les Noirs qui
ont une ´´intelligence limitée´´, les
homosexuels qui se ´´comportent eux
aussi comme des animaux´´, les logements
sociaux et ´´l'invasion de cloportes qui
vont avec´´, ainsi que l'égalité
homme-femme.» « La France Orange
mécanique » poursuit Nolwenn Le
Blevennec, est un livre à thèse, où les
statistiques viennent étayer ou
illustrer un discours qui fait beaucoup
penser à celui du journaliste Eric
Zemmour ou de Marine Le Pen. En gros, la
France serait gangrénée par l'ultraviolence.
Et si les tueurs de sang-froid
(psychopathes) ou de sang chaud (à la
Bertrand Cantat) peuvent être blancs,
les acteurs de l'ultraviolence, violeurs
et agresseurs, seraient le plus souvent
des hommes jeunes d'origine étrangère.
(...) Parmi ces hommes d'origine
étrangère, «quelques cultures» seraient
surreprésentées, «les Sahéliens et les
Maghrébins par exemple». Comme Zemmour,
il s'appuie sur les travaux d'Hugues
Lagrange. «Je ne pense pas qu'on puisse
tout expliquer par des causes sociales.
L'ethnie ne peut pas être ignorée. Je ne
suis pas sûr que notre société soit
compatible avec toutes les cultures.»
(5)
Contrôles au faciès:
démonétisation de l'allogène
Justement, à propos des statistiques,
Chloé Leprince de Rue 89 rapporte une
enquête sur l'inutilité dans les faits
du contrôle au faciès. Elle écrit: «Deux
chercheurs du Cnrs publient une enquête
statistique alarmante sur le contrôle au
faciès: un Arabe est sept à huit fois
plus contrôlé qu'un Blanc par la police
française. Pour un Noir, c'est six fois
plus probable. Ces chiffres publiés le
30 juin 2009 sont édifiants. Mais ils se
doublent d'un autre enjeu: celui de
l'inefficacité de ces moeurs policières.
Alors que la Préfecture de Paris a
manifesté son «intérêt» pour l'enquête,
on sait que le contrôle au faciès, non
seulement discrimine, mais qu'en plus,
il ne marche pas. (...) Cette étude de
portée européenne montre que dans la
plupart des pays européens, le profilage
ethnique s'est imposé. Ainsi, en
Grande-Bretagne, les Britanniques
d'origine asiatique ont été cinq fois
plus contrôlés à partir des attentats
dans le métro de Londres, à l'été 2005.
Or, les mêmes auteurs, déjà formels,
écrivaient qu'il n'existe «aucune preuve
que le profilage ethnique puisse
prévenir les actes criminels ou les
actes de terrorisme.» (6)
On sait aussi que «des consignes sont
données oralement qui relèvent bien du
contrôle sur la couleur de la peau ou
l'apparence ethnique «Si vous êtes à
Calais et que vous devez faire du
chiffre, qu'est-ce qui ressemble plus à
un Afghan ou à un Irakien qu'un Afghan
ou un Irakien?» On le voit, les Arabes
et autres mélanodermes ont du souci à se
faire. La tâche pour une intégration
sereine et apaisée et qui ne repose que
sur le désir de vivre ensemble ne sera
pas tâche facile avec tous les pyromanes
pour qui l'intégration apaisée à l'ombre
des lois de la République est un danger
mortel pour leur fonds de commerce de la
division et de l'intolérance. Ainsi va
le Monde.
1. Jacques Berque:
http://www.islam-fraternet.com/maj-0598/berq.htm
2. Nolwenn Le Blevennec
http://rue89.nouvelobs.com/2014/03/08/auteur-anglais-pense-france-est-guerre-contre-arabes-250205
3.
http://www.theguardian.com/world/2014/
feb /23/french-intifada-arab-banlieues-fighting-french-state-extract
4. Chloé Leprince http://rue89.nouvelobs.
com/2010/03/19/noirs-arabes-et-delinquance-retour-sur-zemmmour-143594
5.
http://rue89.nouvelobs.com/2013/03/01/rencontre-avec-lauteur-zemmourien-de-la-france-orange-mecanique-240132
6. Chloé Leprince http://rue89.nouvelobs.
com/2009/06/30/controles-au-facies-scandaleux-mais-aussi-inefficaces
Professeur Chems Eddine Chitour
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