Opinion
Reconnaissance de la Palestine par la
Suède:
Le geste est fort... et après ?
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Jeudi 6 novembre 2014
«Inscris! Que je
suis Arabe Que tu as raflé les vignes de
mes pères Et la terre que je cultivais
Moi et mes enfants ensemble Tu nous as
tout pris hormis (...)Que je n'ai pas de
haine pour les hommes Que je n'assaille
personne mais que Si j'ai faim Je mange
la chair de mon Usurpateur»
Mahmoud Darwich,
immense poète palestinien
Un coup de tonnerre
diplomatique: la Suède reconnaît l'Etat
de Palestine! Au-delà de l'enterrement
de première classe organisé par les
médias mainstream pour ce scoop, il faut
bien reconnaître que cette
reconnaissance est plus symbolique que
décisive. Vendredi 31 octobre 2014: la
Suède prenait une décision historique en
devenant le premier pays membre de
l'Union européenne à reconnaître la
Palestine :
«Le gouvernement
considère que les critères de droit
international pour une reconnaissance de
l'État de Palestine sont remplis: il y a
un territoire, une population et un
gouvernement», a déclaré la chef de la
diplomatie suédoise Margot Wallström
lors d'une conférence de presse. «Le
président Abbas salue la décision de la
Suède» qu'il juge «courageuse et
historique», a déclaré son porte-parole
Nabil Abou Roudeina. «M. Abbas demande à
tous les États dans le monde qui
hésitent encore à reconnaître notre
droit à un État palestinien indépendant
sur les frontières de 1967 et ayant
Jérusalem-Est comme capitale à suivre
l'exemple de la Suède.» (1)
«C'est un geste tout à fait fondamental
qui dénote avec la violence des
événements de l'été», souligne Jean-Paul
Chagnollaud. professeur de sciences
politiques à l'université de
Cergy-Pontoise, et spécialiste de la
question palestinienne. «Jusqu'à
maintenant, tous les États du monde
avaient reconnu la Palestine à
l'exception des puissances occidentales.
Cela dit, la reconnaissance suédoise
démontre l'importance du droit
international, qui semble être la seule
voie pour débloquer la situation de ce
conflit.»(2)
La réponse
méprisante d'Avigdor Lieberman «Le
gouvernement suédois doit comprendre que
les relations au Moyen-Orient sont plus
compliquées que le montage des meubles
Ikea, et qu'il faut agir en ce domaine
avec responsabilité et sensibilité». «Je
serais heureuse d'envoyer un meuble Ikea
empaqueté à Avigdor Lieberman pour qu'il
l'assemble. Il découvrira qu'il faut un
partenaire, de la coopération et un bon
manuel», a répondu Mme Wallström»(3
Jérusalem, capitale
de l'apartheid, attend l'insurrection
Pour rappel,
quelque 135 pays dans le monde ont
reconnu la Palestine, dont, outre la
Suède, sept autres membres de l'Union
européenne. En Suède, la reconnaissance
de la Palestine a soulevé la question de
la reconnaissance par le gouvernement
d'autres territoires, notamment le
Sahara occidental, «Nous allons nous
pencher sur le cas du Sahara occidental
après un examen approfondi de la
situation actuelle», a indiqué Mme
Wallström.(3)
Justement, l'Union
européenne n'a toujours pas reconnu
l'Etat de Palestine, malgré le prix de
consolation de l'admission de la
Palestine à l'Unesco. Dans le courant du
mois d'octobre, le projet de
reconnaissance de l'État palestinien a
été symboliquement débattu par la
Grande-Bretagne et envisagé «le moment
venu» par la France.
L'initiative
suédoise «a un effet diplomatique qui
peut éventuellement faire boule de
neige», considère pour sa part le
professeur de droit international Ove
Bring, interrogé par l'agence suédoise.
Federica Mogherini, la haute
représentante de l'Union européenne pour
les affaires étrangères et la politique
de sécurité a confié au Monde et à cinq
quotidiens européens sa première
interview et son projet. A la question:
la Suède a reconnu récemment l'Etat
palestinien, d'autres pays en débattent.
L'Union pourrait-elle parler d'une seule
voix à ce propos? Elle déclare: je veux
forger une stratégie, une vision et une
politique commune mais je connais les
limites de l'exercice: la question de la
reconnaissance d'un Etat est une
compétence des Etats membres... ma
première visite sera pour Israël et la
Palestine. L'action européenne peut y
être déterminante à ce moment clé, sans
doute le plus difficile que la région
ait connu. Nous aurons une discussion au
sein du Conseil sur notre stratégie pour
la région - ce qui inclut aussi le Monde
arabe, le Liban la Jordanie, l'Irak, la
Libye etc. Nous pouvons faire partager à
ces différents acteurs la perception
d'une menace commune, d'un intérêt
commun et d'une urgence. Le moment me
semble venu de favoriser une approche
concertée, incluant la question de la
Palestine et des relations entre le
Monde arabe et Israël. En réalité,
l'important pour moi n'est pas que
d'autres Etats, européens ou non,
reconnaissent la Palestine. Je serais
heureuse si, au terme de mon mandat,
l'Etat palestinien existait.» (4)
Cette
reconnaissance et nous le pensons, a
valeur de symbole, elle a été annoncée
dix ans après la mort de Arafat dans des
conditions étranges. Ce que nous dit le
PIR: «Le 11 novembre 2004, il y a dix
ans, s'éteignait à Clamart, à l'hôpital
militaire Percy, le leader palestinien
Yasser Arafat. Une perte immense pour le
mouvement national palestinien
Traversant l'histoire pendant près d'un
demi-siècle, défiant une incroyable
coalition d'ennemis acharnés à sa perte,
Abou Amar avait permis et incarné la
renaissance d'un peuple promis à la
disparition par l'impérialisme et le
sionisme. Or, aujourd'hui, les
circonstances du décès pour le moins
troubles de celui qui, de Beyrouth au
désert libyen, mille fois avait échappé
à la mort, conduisent plus d'un
observateur politique à évoquer
sérieusement la piste d'un assassinat
diligenté par Ariel Sharon lui-même. A
ce propos, non seulement les
explications fournies à ce jour par le
gouvernement français ne sont pas
convaincantes (...) un laboratoire
suisse sollicité évoque, lui,
explicitement un empoisonnement au
polonium.»(5)
Vers une troisième
intifada?
C'est par ses mots
que Gedeon Levy journaliste et écrivain
israélien, membre de la direction du
quotidien Haaretz, identifié avec la
gauche, écrit Haaretz, le 23
octobre tire la sonnette d'alarme:
«L'attaque terroriste de mercredi soir à
Jérusalem écrit-il, n'aurait dû
surprendre personne. Après tout, deux
nations vivent dans le Pretoria de
l'État d'Israël. Mais Jérusalem sombre
dans les mensonges. Elle est devenue la
capitale israélienne de l'apartheid.
L'insurrection est en route. Quand la
prochaine vague de terreur émergera des
ruelles de Jérusalem Est, les Israéliens
prétendront être surpris et furieux.
Mais il faut dire la vérité: en dépit de
l'incident choquant de mercredi, les
Palestiniens se révèlent être une des
nations les plus tolérantes de
l'histoire. Arrestations massives,
colons violents, privations, expulsions,
manque de soins, dépossessions - et ils
demeurent silencieux, excepté la récente
manifestation des pierres. (...)» (6)
«Un résident
palestinien de Jérusalem poursuit Gedeon
Levy, est maintenant en bien plus grand
danger d'être lynché qu'un juif à Paris.
Mais ici, il n'y a personne pour
réveiller Caïn. A la différence du juif
parisien, le Palestinien peut être
expulsé de Jérusalem. Il peut aussi être
arrêté terriblement facilement. Après
que le jeune Mohammed Abu Khdeir de 16
ans ait été brûlé à mort, provoquant une
vague de protestations, Israël a arrêté
760 Palestiniens dans la ville, dont 260
enfants. Combien de temps encore
verront-ils leurs enfants craindre de
quitter leur maison de peur d'être
attaqués dans la rue par des hooligans?
Combien de temps verront-ils leurs
enfants arrêtés à chaque jet de pierre?
Combien de temps observeront-ils
l'abandon de leurs quartiers? Combien de
temps consentiront-ils à leur expulsion
tacite de la ville? Entre 1967 et 2013,
Israël a retiré le statut de résident à
14 309 Palestiniens de Jérusalem, avec
d'étranges prétentions qui ne
s'appliquent à aucun de ses résidents
juifs. N'est-ce pas de l'apartheid?» (6)
Le spectre d'une
troisième intifada plane. Depuis quelque
temps la fréquence des heurts a augmenté
d'une façon significative du fait des
provocations à la fois des extrémistes
qui veulent annexer le dôme du Rocher
mais aussi du gouvernement israélien qui
n'arrête pas d'exproprier et de
construire de nouvelles habitations à
Jérusalem Est Des heurts ont éclaté
mercredi matin sur le site sensible de
l'esplanade des Mosquées, troisième lieu
saint de l'islam à Jérusalem-Est où les
policiers israéliens sont entrés pour
disperser des manifestants masqués, a
indiqué la police. Les incidents se sont
étendus à l'extérieur de l'esplanade des
Mosquées, dans la Vieille ville de
Jérusalem qui jouxte le lieu saint.
Pourquoi la
communauté internationale reconnaît
maintenant l'Etat de Palestine?
Les raisons de ce
nouvel accès de fièvre n'étaient pas
clairement établies. Mais des
extrémistes juifs avaient appelé à se
rendre massivement mercredi matin sur
l'esplanade des Mosquées pour signifier
leur soutien à Yehuda Glick. Cette
figure de la droite ultranationaliste
juive qui milite pour le droit des juifs
à prier sur l'esplanade des Mosquées a
été grièvement blessée par balles le 29
octobre à Jérusalem. Son agresseur
présumé, un Palestinien, a été tué le
lendemain par les policiers israéliens.
Dans un climat de tensions exacerbées,
la visite annoncée d'activistes juifs
sur l'esplanade des Mosquées ne pouvait
être perçue par les musulmans que comme
une provocation supplémentaire. (7)
Norman Finkelstein
dont les parents sont morts en
déportation et auteur d'un ouvrage de
référence: «L'industrie de
l'holocauste», où il dénonçait
l'instrumentalisation des massacres de
masse du IIIe Reich à l'endroit des
juifs a donné son point de vue dans un
débat avec le journaliste Amir Oran, du
quotidien israélien Haaretz Daily, sur
la reconnaissance d'un État palestinien.
Nous donnons ci-après quelques extraits
de ses réponses: «Sur 193 Etats qui
composent les Nations unies, 134 ont
déjà reconnu formellement l'Etat
palestinien. Dans cette intervention,
Norman Finkelstein rappelle qu'Israël
n'a jamais accepté de conclure la paix
avec les Palestiniens, même aux termes
les plus favorables, ayant toujours
privilégié l'expansion au détriment de
la sécurité. Selon lui, si de plus en
plus de pays reconnaissent
unilatéralement l'Etat palestinien,
c'est parce que la communauté
internationale a compris qu'Israël ne
reconnaîtra jamais la Palestine et
s'opposera toujours à ce qu'un Etat
palestinien viable voie le jour.» (8)
A la question
pourquoi la reconnaissance de la
Palestine par la Suède maintenant, Norma
Finkelstein déclare: «Je pense qu'il y a
deux raisons principales à cela. La
première est le dernier massacre
israélien à Ghaza. Les Européens, en
particulier, sont maintenant las de ces
massacres qui se produisent
régulièrement: l'un en 2008-2009,
l'Opération «Plomb durci», l'autre en
2012, l'Opération «Pilier de défense»,
et maintenant cette dernière explosion
de furie israélienne, l'Opération
«Bordure protectrice». Ils en ont
également assez car tandis qu'Israël
détruit, ravage et saccage, c'est
l'Europe qui est censée prendre en
charge les factures et payer la note
régulièrement. Israël a cette étrange
conception selon laquelle les seules
personnes au monde qui méritent des
réparations pour les crimes qu'ils ont
subi sont les Israéliens ou les juifs,
alors que pour les crimes qu'ils
infligent régulièrement aux
Palestiniens, ceux de Ghaza en
particulier, les factures doivent être
payées par d'autres pays, notamment les
Européens». La seconde raison est
l'effondrement de l'initiative de paix
de Kerry. Bien que Kerry ait offert à
Israël tout ce qu'ils souhaitaient
officiellement, à savoir l'annexion des
principaux blocs de colonies, et la
liquidation de la question des réfugiés
palestiniens, Israël refusa l'offre dont
les termes lui étaient si
favorables.»(8)
«Vous demandez
inerroge Norman Finkelstein pourquoi
est-ce que la communauté internationale
réagit maintenant. Eh bien l'une des
raisons, si vous avez suivi le débat de
la Chambre des Communes (britannique) -
et (...) Les faits qui importent, ce
qu'il faut retenir est très simple: les
Palestiniens, leurs dirigeants, durant
les 20 dernières années déjà - en
réalité plus de 20 ans -, ont exprimé
leur accord aux termes du droit
international pour la résolution du
conflit. Israël, sous TOUS les
gouvernements, Israël n'a jamais accepté
un Etat palestinien dans toute la
Cisjordanie incluant Jérusalem-Est et
Ghaza, ce que le droit international
détermine comme le territoire réservé à
l'autodétermination des Palestiniens.
Aucun des gouvernements israéliens n'a
accepté de solution juste à la question
des réfugiés palestiniens conforme au
droit international, qui a également
reconnu cela.» (8).
«Un politologue
israélien, Avner Yaniv, avait trouvé une
belle expression: il parlait des
«offensives de paix» palestiniennes. Ce
fut la volonté de paix palestinienne,
qui s'exprimait déjà au début des années
1980, ce fut la volonté de paix
palestinienne qui poussa Israël à
attaquer l'OLP en 1982, tuant entre 15
et 20.000 Palestiniens et Libanais, dont
une écrasante majorité de civils. C'est
lorsque le Hamas honora un cessez-le-feu
qui fut négocié en Juin 2008, c'est
lorsque le Hamas honora le cessez-le-feu
qu'Israël l'attaqua, espérant provoquer
une réaction qui puisse justifier une
attaque contre Ghaza. C'est après que le
Hamas ait rejoint le gouvernement de
réconciliation, en avril 2014, il y a
quelques mois de cela, et que [Mahmoud]
Abbas ait accepté les termes de
résolution du conflit, c'est à ce moment
que Netanyahu s'est déchaîné, espérant
provoquer une réaction violente de la
part du Hamas.(8)
Comment Norman
Finkelstein voit-il la solution: «Je
pense dit-il que ce qu'il faut faire est
évident. Premièrement, il doit y avoir
une reconnaissance du droit des
Palestiniens à l'autodétermination et à
avoir un Etat. Deuxièmement,
l'Occupation des Territoires
palestiniens doit être déclarée illégale
selon le droit international. Israël
doit être mis en demeure du fait que
s'il continue à violer le droit
international, des sanctions vont être
imposées contre Israël.»(8) Israël a
créé 250 colonies, occupées par 520 000
colons, depuis la guerre des Six-Jours
en 1967. Le rapport du Conseil des
droits de l'homme du 31 janvier 2013
soigneusement étouffé par les médias
occidentaux stipule «Un nombre important
de droits de l'homme des Palestiniens
sont violés de manières et de façons
diverses en raison de l'existence de ces
colonies de peuplement», stipule le
rapport. «Conformément à l'article 49 de
la quatrième Convention de Genève,
Israël doit cesser toute activité de
peuplement dans les colonies, et ce sans
conditions préalables, soutient le
rapport. Il doit immédiatement commencer
un processus de retrait de tous les
colons des territoires occupés». (9)
Où est le droit? Où
est le Conseil de sécurité chargé de la
paix du monde? Quand on pense que le
lynchage d'El Gueddafi a commencé avec
une fausse résolution, on est plus que
jamais convaincu que les faibles ont
toujours tort. La Palestine a été
reconnue par 134 Etats et non des
moindres ; Cependant qu’on le veuille ou
non tout est lié à la position
américaine et ce n’est pas demain la
veille que l’on verra ce pays dicter le
droit.
Zbigniew Brzeziński l’ancien
conseiller d pour la sécurité du
président Carter, l’a bien dit : « Ou
bien je définis la politique étrangère
américaine ou bien c’est l’Aipac qui le
fait ». Nous le confortons. C’est l’Aipac
qui la fait. Dans trois ans, les
Palestiniens boucleront un siècle de
calvaire après que Lord Balfour ait
promis à l’instar de Dieu , une Terre
qui ne lui appartient pas à un peuple
lui-même cananéen comme les
Palestiniens, sauf qu’il est du bon côté
de l’histoire . Il est fort à parier que
nous fêterons une énième intifada et une
énième invasion de la prison à ciel
ouvert qu’est Gaza.
1.http://www.lorientlejour.com/article/893871/-le-souvenir-de-lassassinat-du-comte-bernadotte-nest-peut-etre-pas-tout-a-fait-etranger-a-cette-decision-.html
31/10/2014
2.http://www.lorientlejour.com/article/894239/quand-la-suede-brise-la-frontiere-qui-separe-loccident-du-reste-du-monde.html
03/11/2014
3.http://www.lorientlejour.com/article/893925/reconnaissance-de-la-palestine-stockholm-sattendait-a-une-reaction-israelienne.html31/10/2014
4.Federica Mogherini:
«Je serais heureuse si l'Etat
palestinien existait au terme de mon
mandat» Le Monde 04.11.2014
5.http://indigenes-republique.fr/10-ans-apres-sa-mort-rendons-hommage-a-yasser-arafat-et-exigeons-la-verite/4
novembre 2014
6.Gideon Levy
http://www.haaretz.com/opinion/.premium-1.622206
7.http://tempsreel.nouvelobs.com/monde/
20141105.AFP9983/jerusalem-est-heurts-sur-l-esplanade-des-mosquees.html
8.Norman
Finkelstein
http://www.mondialisation.ca/pourquoi-la-communaute-internationale-reconnait-elle-maintenant-letat-de-palestine/541088330
octobre 2014
9.http://www.mleray.info/article-palestine-114943789.htm
Article de
référence
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_
chitour/205034-le-geste-est-fort-et-apres.html
Professeur Chems
Eddine Chitour
Ecole Polytechnique
enp-edu.dz
Publié avec
l'aimable autorisation de l'auteur
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