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Opinion

Derdja ou fousha : Les vrais défis du pays
sont scientifiques et technologiques

Chems Eddine Chitour


Le Pr Chems Eddine Chitour

Jeudi 6 août 2015

«Bono te animo tum viae stratae ad infernum.» «Les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes intentions.»
Saint François de Sales

Encore une fois le vivre ensemble auquel je n'ai jamais cessé d'appeler est mis à mal. De quoi s'agit-il cette fois? Une querelle sur la langue dans laquelle nous devons former nos enfants. Comme si c'était un combat existentiel pour lequel les Algériens doivent s'étriper. Naturellement, ce sujet étant très sensible, a tout de suite été récupéré par certaines officines qui n'ont rien à voir avec la pertinence scientifique de l'utilisation de la langue sachant que ce sujet a toujours été clivant au sein des débats. Les vrais défis du pays sont ailleurs, dans la conquête du savoir.

Il est vrai que c'est une lutte sourde dont on dit qu'elle remonte à l'indépendance. Chacun de nous se souvient de ces paroles: «Nous sommes arabes», martelés trois fois. Résultat des courses: l'arabe a dès le départ été imposé à la hussarde. Les baâthistes lit-on dans les journaux francophones, partent à nouveau en croisade contre la ministre de l'Education nationale, en prétextant «une menace sur la langue arabe», dont ils s'autoproclament défenseurs attitrés. A travers les journaux arabophones et les chaînes de télévision nombreux «idéologues et dépositaires» de la langue arabe demandent l'annulation de la «mesure». Pour eux il n'ya que la langue arabe. Les autres, principalement les journaux francophones, font de leur côté le procès des islamo-baâthistes accusés de figer le pays dans les temps morts ou pire de mettre le cap sur le Moyen-âge.

La mesure, proposée par des pédagogues et des spécialistes, porte sur l'introduction graduelle de la langue maternelle Derdja dans l'enseignement primaire, afin de permettre aux élèves d'avoir une meilleure intégration dans le système éducatif. Je ne veux pas mettre en cause la bonne foi de la plupart d'entre eux, mais pour un dossier aussi explosif que celui de la langue qui est consubstantiel du projet de société, je pense qu'il eût fallu être prudent et mesurer les tenants et les aboutissants. Quant à l'expérience internationale dont se prévalent les spécialistes, là je mets un bémol. Des pays versés dans la pédagogie n'ont toujours pas trouvé le remède pour une bonne école qui forme des citoyens ouverts sur le monde, mais ayant des repères identitaires. Ils changent constamment le fusil d'épaule.

Bref historique de cette bataille de tranchées

Il y a 5000 langues en Inde mais c'est l'anglais la langue scientifique qui est aussi celle de tous les pays du Golfe. Les donneurs de leçons devraient être honnêtes, pour eux, l'instrumentalisation de la langue et du divin est un fonds de commerce. Où sont les enfants de ces écorchés vifs quand on parle de diversité? Je vais vous le dire ils sont tous en Europe ou en Amérique du Nord. A titre d'exemple, en Arabie saoudite on ne badine pas avec la science après le baccalauréat qui est une condition nécessaire mas pas suffisante, il faut un test de langues si on veut faire les sciences et la technologie, voire même l'économie. Si le bachelier n'a pas le niveau requis en anglais, il fait une immersion (stage d'anglais de 6 mois au bout duquel s'il réussit (Toefl), il peut entrer à l'université.

Au lieu de former de parfaits bilingues- nous y reviendrons tôt ou tard - malgré les gardiens du temple qui n'apportent pas de valeurs ajoutées par eux-mêmes mais qui surfent depuis plus de cinquante ans sur ce fonds de commerce qui renvoie aux calendes grecques toutes remises en ordre. Cependant, il faut être honnête et dénoncer dans le même mouvement les nostalgiques de Fafa qui pensent que le salut viendrait d'une mise sur le cap francophone enrobé d'universel.

En Algérie l'enseignement supérieur, pour l'histoire, a proposé et réalisé des annales bilingues dans les disciplines scientifiques, pour permettre aux candidats de se familiariser. L'Education nationale qui devait procéder au tirage de ces annales -bien qu'elle ait été d'accord au départ- a refusé sous différents prétextes de mettre à la disposition des élèves ces annales. Le but inavoué était de forcer l'enseignement supérieur à sacrifier les disciplines scientifiques, à l'instar de celles des sciences sociales, où l'arabisation s'est faite sans avoir les compétences, du jour au lendemain ce sont des assistants qui font cours à la place de professeurs de haut niveau interdits d'enseigner... Je me souviens qu'en juin 1989, dernière année du bilinguisme dans le lycée, la promotion de bachelier venant à l'université était totalement arabisée. La pression était énorme car le dernier bastion celui des sciences de la technologie et de la médecine devait tomber dans l'arabisation totale.

Pendant toute l'année, nous nous sommes préparés pour accueillir ces bacheliers totalement arabisés en mettant en oeuvre avec les meilleurs enseignants de mathématiques, de physique, de chimie et de biologie, des enseignements enregistrés sur casettes que nous avons duplicatés pour tous les établissements, en mettant à leur disposition des appareils vidéos. Le principe était que l'enseignement devait continuer à se faire en français pour de multiples raisons (fonds documentaire en français et en anglais sans commune mesure avec celui en arabe que nous avons acquis de Syrie et d'Irak), mais aussi et surtout eu égard à la qualité des enseignements. Résultat des courses: ces efforts ne furent pas pris en compte par le politique.

La rentrée 1989 se passa très mal, les établissements d'Alger résistèrent c'est, ainsi qu'à l'Usthb et à Polytechnique les enseignements continuèrent en français avec des sections pour les étudiants arabisants qui, rapidement revinrent charger les classes francophones car l'enseignement dispensé en arabe l'était par des assistants qui malgré leur «militantisme» ne réussirent pas à convaincre les étudiants qui préférèrent faire l'effort d'apprendre la terminologie universelle que continuer à suivre un enseignement de loin moins performant que celui des professeurs. La situation fut plus délicate à l'intérieur où la pression sociale sur l'université était très importante, l'enseignement fut arabisé avec des résultats discutables plus faibles que celui des francisants qui n'était pas lui-même brillant.

Ce qui se passe dans le monde

C'est un fait, toutes les nations qui ont un projet de société n'ont pas de problème de langue. L'Inde la plus grande démocratie du monde compte près de 5000 langues tout comme la Chine. Il nous faut méditer sur ce jacobinisme hérité qui veut qu'il n'y ait qu'une langue à l'exclusion de tous les autres modes d'expression dont, notamment la langue amazighe déclinée différemment, selon les régions et qui était là 18 siècles avant la venue de l'Islam.

Dans tous les pays technologiquement avancés la vulgate planétaire, selon le bon mot de Pierre Bourdieu qui se lamentait de la perte de visibilité mondiale de la langue française réduite à une langue de littérature, est l'anglais. A titre d'exemple le langage mathématique adopté par ces pays est universel, il utilise des lettres latines et on parle de sinus, de cosinus à la place de djab et tadjab imposé en Algérie, pur produit importé de Syrie, pays qui est revenu au langage universel. Qui sommes-nous pour nous tenir en marge de la science et du développement scientifique?

De vraies recommandations qu'il aurait fallu faire

De mon point de vue, je ne vois pas l’utilité d’introduire la langue parlée Derja que les jeunes maitrisent déjà. La langue arabe bien comprise bien enseignée devrait l’être sans atermoiements d’une façon scientifique académique la diluer au sein de langue derdja qui sont différentes selon les régions du pays, sera difficilement maitrisable. Quid des enseignants que nous allons spécialiser par région amenant ainsi la ghettoïsation et la tribalisation voire l’échec du vivre ensemble ; chaque région ayant sa propre derja.

Encore une fois les spécificités culturelles doivent être mises en valeur. Mais il s’agit de consolider une identité qui ne peut l’être que si les deux supports l’arabe et l’amazigh soient étudiés sans complaisance sans arrière pensée mais sans fuite en avant si on ne veut pas rééditer le sort de la langue arabe qui est un ensemble vide par manque de compétence dont l’Algérie a besoin.

D’autre part les combats d'arrière-garde que nous menons remettent aux calendes grecques la vraie remise en l'état du système éducatif Il est regrettable que ce type de recommandations soit passé et il est malvenu de se protéger derrière des experts qui parlent de langues maternelles pour faire passer une recommandation controversée qui de mon point de vue n'apportera rien au vrai débat qui est celui de miser sur les disciplines scientifiques Je persiste à croire que les vrais problèmes du pays sont ceux de propulser la jeunesse dans le monde scientifique et technologique et de ce côté-là le langage mathématique est une langue à part entière universelle qui se suffit par lui-même D'autant plus qu'il existe des logiciels de traduction des langues qui ne sont, en définitive, que des contenants. L'Algérie a besoin de construire dans l'imaginaire de nos écoliers des contenus et là c'est beaucoup plus difficile et c'est un combat qui mérite d'être mené.

On peut regretter, d'ailleurs, que les disciplines scientifiques (mathématiques physique, (chimie, biologie) n'aient pas fait l'objet de recommandations fortes dans cette conférence. Il est dommage que la somme de travail réalisée tout au long de l'année malgré tous les problèmes soient obscurcis par cette obscure recommandation dont on sait qu'elle est socialement clivante.

Pour rappel, la réforme voulue par le Président en 1999-2000, n'a jamais été appliquée. Il est vrai que les débats étaient chauds. Ce sont toujours les mêmes que l'on retrouve 15 ans plus tard. Il y eut des débats idéologiques. Bien que personne n'ait le monopole de l'amour de ce pays? On peut s'interroger sur les raisons qui ont amené à faire une proposition aussi chargée idéologiquement? culturellement cultuellement et politiquement. S'il est vrai que les langues maternelles ont un rôle à jouer dans le construit de l'enfant. Franchement, les vrais combats pour une école ascenseur social doivent rassembler. Les clivages ne doivent pas être comme depuis cinquante ans entre les arabisants accusés à tort tous de bâthistes une idéologie dont on peut mesurer les dégâts et les francisants accusés à tort tous de hizb frança, mais entre ceux qui veulent la mort culturelle de ce pays et ceux qui veulent lui donner une chance d'exister dans un monde de plus dur, chaotique et où seule la technologie et le savoir règnent en maître.

Le vrai problème est que l'école ne fait plus rêver et certains parents cherchent des stratégies pour assurer le futur de leurs enfants en cherchant la meilleure école de foot...quand on voit un bac -10 gagner en une saison ce que gagne un enseignant en une vie, il y a quelque chose de détraqué. Les enseignants qui doivent mettre en musique ces réformes qui ne sont pas considérées à leurs justes apports. C'est cela qui doit changer.

Vivre ensemble: éthique et savoir

Quel projet de société voulons-nous? La charte de l'éthique c'est la consécration du vivre ensemble qui donnerait une cohérence à tout le système éducatif. Ce sont ceux-là, les défis les plus urgents. On peut améliorer de l'intérieur le système éducatif et faire en sorte que le problème de la langue ne se pose plus d'autant qu'avec la mondialisation laminoir les cultures disparaissent, nous devons donner à la langue arabe toute sa chance en remettant en cause l'Académie de langue arabe par un état des lieux de ses performances depuis vingt ans. Il nous faut dans le même temps et sans dérobade affirmer le rôle de la langue amazighe sans atermoiements mais sans démagogie.

Nous devons connaître nos intérêts, nous devons introduire l'anglais dès les premiers cycles et faire en sorte que nous formions de parfaits bilingues arabe-français ou arabe-anglais. De plus, dans le système éducatif, le développement des lycées et des universités ne s'est pas conçu comme une instance à la fois de savoir et de brassage. En dépit du bon sens et contre toute logique et pédagogie, on implante un lycée ou un centre universitaire pratiquement par wilaya. Ceci est un non-sens pour le vivre ensemble, on condamne le jeune à naître, à faire sa scolarité, son lycée et ses études dans la même ville ne connaissant rien de l'Autre. Nous devons penser à spécialiser des lycées à recrutement national (c'est le cas des lycées d'élite) à même de spécialiser les universités par grandes disciplines. Dans tous les cas, nous avons le devoir de stimuler le savoir en organisant continuellement des compétitions scientifiques, culturelles, sportives en réhabilitant le sport qui est un puissant facteur de cohésion.
En 1984, Steve Jobs rencontre François Mitterrand et affirme «le logiciel, c'est le nouveau baril de pétrole». Trente ans plus tard, Apple possède une trésorerie de la taille du PIB du Vietnam ou plus de deux fois et demie la totalité du fonds souverain algérien. La connaissance mondiale double environ tous les 9 ans, un chiffre hallucinant qui signifie qu'en moins d'une décennie, l'humanité produit plus de connaissances nouvelles que dans les sept mille dernières années de son histoire.

Pour favoriser et optimiser la connaissance, la symbiose entre les trois sous-secteurs est indispensable, l'existence de moyens pédagogiques similaires des équipements pédagogiques du même type et au-dessus de tout l'unicité de la formation qui va de l'école au lycée, à l'université en passant par la formation professionnelle. Il en va de même de la coordination scientifique dans les disciplines principales enseignées (mathématiques, physique, chimie, biologie, lettres, langues et histoire et géographie).

Si on veut préparer le monde de demain, il nous faut miser à marche forcée sur la science et la technologie. Le pays dispose de plus de 2 000 lycées. Il est tout à fait possible de réserver dans un premier temps une dizaine de lycées à la formation de l'élite dans ces disciplines. Aucun pays au monde ne peut avancer technologiquement s'il ne forme pas des ingénieurs et des techniciens. Il est hautement souhaitable de réhabiliter aussi et sans délai les bacs maths et techniques mathématiques.

Au-delà de la réhabilitation des Écoles normales, il est nécessaire de former les formateurs de ces écoles. L'agrégation est le chantier majeur qui permettra par une collaboration (enseignement supérieur, éducation nationale) de former les enseignants dont le pays a besoin. C'est peut-être le chantier pour lequel nous serons reconnaissants à madame la ministre de le lancer.

Ce sera réellement un saut qualitatif car ce n'est pas le tout d'ouvrir des Ecoles normales d'où proviendraient les enseignants? Il n'y a qu'une possibilité, c'est de mutualiser les compétences en mettant en oeuvre des Comités pédagogiques nationaux par grandes disciplines et grâce aux moyens audio-visuels, aux TIC, à l'Internet aux visio-conférences le même cours de mathématiques peut être suivi en direct ou en différé (télévision du savoir) par tous les élèves. Ceci est aussi valable pour les disciplines où il y a un déficit d'enseignants.

Dans le même ordre d'idées, il y a la possibilité de propulser notre jeunesse dans l'ère de l'informatique et l'économie de la connaissance, en mettant à leur disposition des ordinateurs.

Mettons en œuvre une utopie celle de propulser l’Algérie réellement dans le XXIe siècle Pour 50 millions de dollars nous pouvons acheter 1 million d’ordinateurs à 50 $ pièce, voire fabriquer nos propres ordinateurs . Les prototypes existent, des institutions internationales existent (Pnud, Unesco, ONUdi) des pays qui ont fait cette expérience peuvent nous aider c'est le cas du Brésil, de la Turquie, de l'Inde, de la Chine.. Ces ordinateurs (laptop) pourraient même être fabriqués par des start-up, d'universitaires et même par la formation professionnelle.

Enfin, stimulons les talents brillants par des Olympiades de la performance et qu'on récompense les meilleurs dans toutes les disciplines. Ce serait un brainstorming permanent. Imaginons que l'on mette en place des médailles pour les meilleurs enseignants, que l'on récompense constamment l'effort. Ces mesures, si elles étaient adoptées, donneraient un nouveau souffle au système éducatif qui montrerait qu'il s'engage résolument vers l'Algérie du futur. Le moment est venu de faire émerger les nouvelles légitimités du XXIe siècle. Chacun devra être jugé sur sa valeur ajoutée. C'est à l'école que se forme l'éco-citoyen de demain. Donnons à nos enfants toutes les chances d’évoluer positivement dans la vie.

Article de référence : http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur chitour /221801-les-vrais-defis-du-pays-sont-scientifiques-et-technologiques.html

Publié le 6 août 2015 avec l'aimable autorisation de l'auteur

 

 

   

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Source : Chems Eddine Chitour
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