Palestine
Ghaza en sursis :
A quand la solution finale ?
Chems Eddine Chitour
Le Pr
Chems Eddine Chitour
Jeudi 4 septembre 2014
«M.Obama, avez-vous un coeur? Je vous
invite, passez donc une nuit, juste une,
avec nous à Shifa. J'en suis convaincu à
100%: cela changerait l'Histoire.
Personne ayant un coeur Et du pouvoir ne
peut sortir d'une nuit à Shifa sans être
déterminé à mettre fin au massacre du
peuple palestinien. Mais les sans-coeur
et sans-pitié ont fait leurs calculs et
planifié d'autres massacres «dahyia»
contre Gaza. Les fleuves de sang
continueront à couler la nuit qui vient.
Je peux entendre comment ils ont accordé
leurs instruments de mort. Je vous en
prie. Faites ce que vous pouvez. Ceci
tout CECI ne peut pas continuer».
Lettre de Mads Frederick Gilbert médecin
norvégien
Enfin! Les armes se sont tues. Des
milliers de Palestiniens ont accueilli
sous les drapeaux des différentes
factions palestiniennes les chefs de la
«résistance» venus revendiquer, mardi 26
août au soir, la «victoire». (...) La
population a exulté, soulagée
d'entrevoir enfin l'issue d'un conflit,
Est-ce une victoire pour Israël, en
tirant du haut du ciel; de la mer; des
obus de mortiers contre des vieillards,
femmes et enfants sans défense,
s'attaquant à des écoles, des hôpitaux,
des mosquées, assassinant plus de 2100
personnes, en éclopant à vie plusieurs
milliers d'autres sur la base d'une
occupation illégitime d'un territoire
Est-ce la fin des hostilités après 50
jours de guerre? Les conditions de cet
accord ne sont pas encore connues. Mais
selon un haut responsable palestinien,
il prévoirait notamment «la levée du
blocus de la bande de Gaza» mis en place
par Israël en 2006. Il s'agissait de la
principale exigence des Palestiniens,
toujours rejetée jusqu'à présent par
l'Etat hébreu. (1)
Les dirigeants du Hamas, ont assuré aux
Ghazaouis qu'ils auraient bientôt un
aéroport et un port. Un espoir douché
par un proche du Premier ministre
israélien Benjamin Netanyahu. «Il n'y
aura pas de port, pas d'aéroport, et
aucun matériel pouvant servir à la
production de roquettes ou pour creuser
des tunnels n'entrera» à Ghaza. Ce n'est
donc pas gagné.
Le bilan de la troisième guerre de Ghaza
Quel bilan pouvons-nous tirer de cette
troisième punition injuste d'un peuple
qui ne revendique que de vivre sur ce
qui reste de sa terre originelle: la
Palestine. Rappelons d'abord. La
brutalité de la dernière guerre
israélienne contre Ghaza choque et
scandalise les gens de partout dans le
monde, y compris de nombreux juifs.
L'assassinat aveugle de civils et la
destruction massive des maisons, des
hôpitaux, des écoles, des mosquées et
des infrastructures. Ce massacre découle
inexorablement de la logique du sionisme
et des principes sur lesquels l'État
d'Israël a été fondé. (...) Le ministère
de la Santé a déclaré qu'un total de
2137 Palestiniens ont été tués (dont au
moins 577 enfants, 263 femmes et 102
seniors), et plus de 11.100 blessés,
dont 3374 enfants, 2288 femmes et 410
personnes âgées. Ceci sans compter les
traumatismes à vie. Une jeunesse qui n'a
pas connu d'enfance en passant de vie à
trépas.
Joshua Keating analysant d'une façon
critique cet accord écrit: «Je ne pense
pas qu'un bref retour des combats soit à
écarter, mais un retour au carnage dont
nous avons été témoins en juillet semble
improbable. Il y a des chances pour
qu'Israël accepte d'assouplir le blocus
sur les voyages et le commerce de Ghaza,
sans le lever totalement. Cela pourrait
impliquer une ouverture partielle des
check-points à la frontière, la
construction d'un port et l'expansion
des droits de pêche, de l'aide
humanitaire et des négociations pour la
libération de prisonniers. «Pourquoi
poursuit-il, n'a-t-il pas été conclu
avant? L'accord n'est devenu possible
qu'après qu'Israël a fini sa mission de
destruction des tunnels du Hamas qui
rentraient sur son territoire et après
que le Hamas a combattu assez longtemps
pour avoir une chance de vendre une
«victoire de la résistance» à l'opinion
palestinienne. Les négociations vont
continuer et vont être compliquées, et
seront peut-être ponctuées de nouvelles
éruptions de violence, mais les choses
reviennent lentement à la normale. En
d'autres termes, les choses reviennent à
une situation intolérable qui n'est
viable sur le long terme pour aucun des
deux partis.» (2)
Dans une analyse lucide, le professeur
belge de physique théorique Jean
Bricmont explique cette notion de
victoire: «Qui a gagné? Pour répondre à
cette question, il ne faut pas partir du
nombre de morts. Le fait de tuer un
grand nombre de civils n'est pas la même
chose que de gagner une guerre, sinon
l'Allemagne aurait gagné contre l'Urss,
la France aurait gagné en Algérie et les
Américains au Vietnam. Pour évaluer qui
a gagné, il faut tenir compte du rapport
de force et des objectifs proclamés
d'une guerre. En accusant sans preuve le
Hamas d'avoir kidnappé et tué trois
adolescents israéliens, et en se lançant
dans une vaste opération répressive
contre le Hamas sur la base de ces
accusations, c'est clairement Israël qui
est responsable du déclenchement des
hostilités. Quels étaient leurs buts? Ce
n'est pas tout-à-fait clair, mais ils
visaient certainement à affaiblir le
Hamas. L'échec de ce point de vue là est
total. Le Hamas et les autres
organisations de résistance armée
sortent renforcés par le simple fait
qu'ils ont survécu au déluge de feu
israélien. Les tunnels détruits seront
reconstruits et de nouvelles roquettes
finiront bien par entrer à Ghaza, malgré
les «contrôles», comme cela été le cas
dans le passé. (..) »(3)
« Du point de vue de cette résistance,
le succès est partiel, mais net: les
Israéliens ont été obligés de négocier
avec ceux avec qui ils ne négocieraient
«jamais», et ils admettent sur le papier
une levée partielle du blocus, ce qui
est mieux que la situation avant guerre.
Bien sûr, il reste à voir si ce qui est
signé sera réalisé, mais le simple fait
de cette reconnaissance est un recul
pour eux et une immense victoire pour
les Palestiniens. (...) Mais, et il faut
aussi le souligner, c'est une énorme
défaite pour nos médias et pour ceux
parmi nos intellectuels qui nous parlent
sans arrêt de processus de paix
(inexistant), de «dialogue» (inutile
tant que le rapport de force ne change
pas), de solution à deux Etats (dont les
Israéliens ne veulent manifestement pas)
et qui excellent dans l'art du
terrorisme intellectuel appelé «lutte
contre l'antisémitisme».(3)
Des survivants de l'Holocauste accusent
Israël de massacre à Ghaza
Curieusement, le Monde arabe n'a pas
réagi de façon spontanée tout au plus ce
sont des manifestations «programmées par
les pouvoirs». Le cri de révolte des
rescapés d'Auschwitz vient nous
conforter que la société israélienne
n'est pas monolithique. Ainsi «Dans une
lettre publiée sous forme d'annonce
samedi dans le New York Times, plus de
350 survivants et descendants de
survivants de l'Holocauste nazi ont
publié une condamnation cinglante du
«massacre des Palestiniens de la bande
de Ghaza et de l'occupation et de la
colonisation continues de la Palestine».
La lettre se poursuit en dénonçant le
gouvernement des États-Unis qui finance
la machine de guerre d'Israël et
d'autres pays occidentaux qui couvrent
Israël diplomatiquement. La lettre lance
la mise en garde que «Le génocide
commence lorsque le monde reste
silencieux.» La lettre des survivants de
l'Holocauste souligne avec inquiétude
les parallèles troublants avec le
nazisme qui se manifestent dans la
société israélienne, notamment
«l'extrême déshumanisation raciste des
Palestiniens», les appels ouverts au
génocide contre ces derniers lancés par
des «politiciens et des experts
politiques», et le fait que «les
Israéliens de droite adoptent des
insignes néonazis». (4)
«La justesse de cette évaluation a
rapidement été confirmée sous la forme
de messages sur Facebook par des
droitistes israéliens disant que les
signataires de la déclaration devraient
«retourner à Auschwitz» ou «aller mourir
dans les chambres à gaz», déplorant que
«Hitler n'ait pas fini le travail». Les
signataires de la lettre des survivants
de l'Holocauste se sont déclarés
«dégoûtés et scandalisés par l'abus de
notre histoire» par Wiesel «...pour
justifier l'injustifiable» massacre à
Ghaza. Toutefois, la campagne militaire
actuelle menée contre les 1,8 million de
Palestiniens vivants à Ghaza est parmi
les plus brutales et elle a été
accompagnée par une vague d'hystérie de
droite et de chauvinisme qui, parfois,
se fait l'écho de la politique du régime
nazi même».(4)
Pourquoi la CPI ne juge pas les crimes
commis à Ghaza?
Il y a une vaste conspiration
occidentale pour que la Cour
internationale de justice n'examine pas
les crimes de guerre et contre
l'humanité des Israéliens à Ghaza. Si on
peut comprendre que les Occidentaux font
barrage, l'énigme de Abbas est totale.
C'est lui qui a torpillé le rapport
Goldstone pour qu'il n'ait pas de suite
et maintenant pressé de toute part par
ses ministres, il freine. Pour rappel,
ce n'est pas la première fois que
Ramallah se tourne vers la Cour. Le 22
janvier 2009, quelques jours après la
fin de l'opération «Plomb durci» lancée
par l'armée israélienne sur Ghaza, les
Palestiniens avaient demandé à la Cour
d'enquêter. Alors, le procureur général,
l'Argentin Luis Moreno Ocampo avait
finalement conclu, trois ans plus tard,
qu'il ne lui appartenait pas de décider
si la Palestine avait le statut d'Etat
et pouvait, à ce titre, ratifier le
traité de la Cour. Par ailleurs, même
«le Hamas a décidé de demander au
président Mahmoud Abbas de signer le
Traité de Rome qui permettra à la
Palestine de devenir membre à part
entière de la Cour internationale de
justice (...) Mais Abbas lui-même
résiste à cause des fortes pressions
étatsuniennes et européennes. Un
enregistrement où on entend Erekat
critiquer le refus d'Abbas de devenir
membre de la Cour internationale de
justice a fuité récemment.»(5)
«Jusqu'à présent, Abbas a résisté aux
pressions de signer le Traité de Rome de
2002, le traité qui a établi la Cour
internationale de justice, sous prétexte
que cela exposerait les groupes de
militants palestiniens à des poursuites.
L'Union européenne tente d'empêcher cela
en disant que l'appartenance de la
Palestine à la Cour internationale de
justice mettrait en danger la conférence
des pays donateurs pour la
reconstruction de Ghaza qui doit avoir
lieu le premier septembre. (...) le chef
négociateur de l'OLP aurait dit:
«Pourquoi Netanyahou accepte-t-il de
participer à des négociations qui ne
servent à rien si ce n'est pour pouvoir
construire plus de colonies?... Vous,
Abu Mazen, vous avez la possibilité
d'empêcher Netanyahu de voyager dans le
monde entier sauf de l'aéroport de Ben
Gourion à New York. C'est un criminel de
guerre méprisable et répugnant. Il s'est
approprié [toute la terre] de la rivière
[Jourdain] jusqu'à la mer. A-t-il laissé
le moindre pouvoir à l'Autorité
[Palestinienne]? Quand vous [Abbas]
voyagez de Ramallah à Amman vous devez
appeler un lieutenant [du bureau de
coordination de l'armée israélienne] de
Beit El pour lui dire combien de
voitures voyageront avec vous. Ils vous
humilient.´´» (5)
Pourtant, cette fois-ci la Palestine a
fait acte de souveraineté et d'autorité
en saisissant vendredi 25 juillet la
Cour pénale internationale des «crimes
de guerre» israéliens à Ghaza, fait sans
précédent dans les annales du conflit
israélo-palestinien. La plainte a été
déposée par le mandataire des
Palestiniens, Me Gilles Devers, avocat
au barreau de Lyon. Dans une démarche
consensuelle visant à dépasser les
clivages politiques, entre les deux
principales formations palestiniennes,
le Fatah et le Hamas, la requête a été
co-signée par le ministre de la Justice
de l'Autorité palestinienne, Saleem Al
Saqqa, à Ramallah et par le procureur
général de Ghaza.
Peine perdue! Cela n'a pas abouti! Pour
Christophe Oberlin professeur en
médecine qui effectue depuis dix ans des
missions humanitaires dans la bande de
Ghaza, pour former et soigner, il y a
une collusion entre Mahmoud Abbas et la
Cour pénale internationale. «Le 14 août
2014, écrit-il, Mme la procureure de la
Cour pénale internationale (CPI) a rendu
sa réponse à M. Saleem Al Saqqa ministre
de la Justice palestinien qui avait
déposé le 25 juillet 2014 une plainte
pour les crimes de guerre commis à Ghaza
(...) Mme la procureure a décidé que la
Palestine ayant accédé en 2012 au titre
d'Etat non membre de l'ONU, elle ne
transmettra pas la plainte pour
instruction à la Chambre préliminaire (pre-trial
chamber) au motif que la plainte initiée
en 2009 ne serait plus valable. (...) En
bloquant une procédure légale qui
pouvait déboucher sur l'inculpation de
dirigeants israéliens pour crimes de
guerre, Mme Bensouda prend clairement
une position politique qui profite à
Israël et expose durablement les
populations civiles de Ghaza aux canons
israéliens. En dépêchant son ministre
des Affaires étrangères à La Haye pour
bloquer la plainte du 25 juillet 2014,
M.Abbas donne un feu vert à Mr Netanyahu
pour poursuivre son activité
meurtrière.» (6)
Les impacts psychologiques de la guerre
sur les enfants de Ghaza
Il ne faut surtout pas croire que la
cessation des massacres physiques va
arrêter les massacres «psychologiques».
Les dynamiques souterraines chez les
enfants font que nous allons assister
comme en 2006, 2009,2012, à l'avènement
de véritables épaves à vie. Une étude
assez exhaustive a été réalisée sur les
traumatismes des enfants après
l'opération «Plomb durci»: «Le 26
décembre 2008, Israël a lancé
l'opération Plomb durci, une offensive
de 22 jours qui a dévasté Ghaza et l'a
laissée aux prises avec une crise
humanitaire1. Outre la destruction
massive, des morts et des blessés,
l'assaut a laissé des séquelles
psychologiques profondes chez des
milliers d'enfants. (..) Les expériences
au cours desquelles sont transgressés
les lieux où les enfants s'étaient
jusqu'alors considérés en sécurité sont
parmi les plus dévastatrices sur le plan
psychologique. Les soldats israéliens se
sont introduits dans les demeures, ont
séquestré les familles dans une seule
pièce, et ont intimidé et brutalisé les
parents, transformant la perception
qu'ont les enfants de leur sécurité à la
maison; eux qui jusqu'alors s'étaient
sentis protégés par leurs parents se
voient maintenant complètement
vulnérables.» (6)
«Être témoin de la démolition de sa
maison par des bombardements ou par des
buldozers et devoir fuir pour assurer sa
protection peut également être
traumatisant. Durant l'opération Plomb
durci, 69 pour cent des enfants de Ghaza
ont dû quitter leur domicile pour
trouver refuge ailleurs5. (...) Une
proportion élevée des enfants de Ghaza
ont développé des troubles
psychologiques, dont le trouble de
stress post-traumatique (Tspt), la
dépression, et d'autres troubles qui
cadrent avec les situations horribles
vécues sur le territoire. Le Tspt est
pratiquement universel à Ghaza» (7)
On le voit les traumatismes de 2006,
2009, 2012 et 2014 font qu'une
génération entière d'enfants ne
connaîtra pas la paix et sera
traumatisé. Le dernier carnage avec plus
de 550 enfants massacrés laissera aussi
des milliers d'autres traumatisés à vie.
Si au moins cela valait le coup. Il est
très probable que les conditions du
cessez-le-feu ne seront pas respectées.
Un sursis dans l'attente d'un prochain
carnage. Netanyahu l'a compris, fort de
son impunité il vient de décider
d'accaparer 400 hectares de terre en
CisJordanie pour y construire des
colonies. Pendant ce temps, les
Ghazaouis pansent leurs plaies et
Mahmoud Abbas est plus intéressé par
garder le pouvoir que par l'avenir de
son peuple.
1.http://www.metronews.fr/info/gaza-un-accord-sur-un-cessez-le-feu-permanent
conclu-entre-israel-et-lehamas/mnhz!
LGVOXAu6Zv7TQ/
2.Joshua Keating Gaza: voilà à quoi va
ressembler le cessez-le-feu www:
slate.fr 27.08.2014
3.Jean Bricmont:
http://www.mondialisation.ca/reaction-au-cessez-le-feu-a-gaza/5397990
4.Bill Van Auken
http://www.mondialisation.ca/des-survivants-de-lholocauste-accusent-israel-de-massacre-a-gaza/5398129
29 août 2014
5.David Hearst
http://www.middleeasteye.net/news/exclusive-hamas-pushes-abbas-join-ic...
6.
http://www.comitevalmy.org/spip.php?article4917
7.http://www.cjpmo.org/DisplayHTMLDocument.aspx?DO=795&ICID=4&RecID=863&SaveMode=0
Article source:
http://www.lexpressiondz.com/chroniques/analyses_du_professeur_chitour/
201417-a-quand-la-solution-finale.html
Professeur Chems Eddine Chitour
Ecole Polytechnique enp-edu.dz
Publié avec
l'aimable autorisation de l'auteur
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