Les enjeux
de la vie internationale
Netanyahu et la Palestine.
Être pour en étant contre
Charles Enderlin
© Charles
Enderlin
Dimanche 22 mars 2015
Il faut écouter Benjamin Netanyahu. Oui,
il a bien dit avant le scrutin en
Israël, que s’il était réélu, il n’y
aurait pas d’état palestinien. Puis,
après la publication des résultats et sa
victoire électorale, il s’est attaché à
calmer la communauté internationale qui
poussait des cris d’orfraie. En fait a
t-il expliqué à une chaine de radio
américaine « Je n’ai pas changé de
position ! ». Oui, il est pour une
solution à deux états, c’est à dire un
état palestinien démilitarisé qui
reconnaît la nature de l’état juif (Note
: reconnaissant Israël comme l’état
nation du peuple juif, ce que refuse
Mahmoud Abbas). Mais, a t-il ajouté,
dans les circonstances actuelles c’est
impossible. Lesquelles ? D’abord la
décision des dirigeants palestiniens de
signer un pacte avec le Hamas l’an
dernier et puis, l’Islam radical s’est
installé dans les territoires dont
Israël s’est retiré.
Formol
Donc, il est pour, et c’est la faute aux
palestiniens s’ils n’ont pas d’état
indépendant. Ces explications sont
logiques pour toute personne qui ne
connaît pas la situation sur le terrain.
D’abord, il faut rappeler que l’accord
Fatah-Hamas a fait long feu. Les deux
mouvements sont à couteau tiré. Ces
dernières semaines, la sécurité
palestinienne de Mahmoud Abbas a arrêté
des dizaines de militants islamistes en
Cisjordanie, notamment pour empêcher des
attentats anti-israéliens. A Gaza, les
dirigeants locaux du Fatah sont en
résidence surveillée lorsqu’ils ne sont
pas sous les verrous. Quand au retrait
israélien de Gaza en 2005, qui a vu la
prise de contrôle du Hamas sur ce
territoire, il faut se souvenir qu’il
s‘agissait d’une initiative unilatérale
d’Ariel Sharon, en interdisant à
l’Autorité autonome d’y renforcer sa
police. Les services de renseignement
israéliens avaient d’ailleurs prévu que
dans ces conditions, l’organisation
islamiste finirait par y réaliser un
coup de force. Des dizaines de militants
et de combattants du Fatah avaient été
assassinés par le Hamas. Maître Dov
Weissglass, le chef de cabinet d’Ariel
Sharon avait d’ailleurs déclaré, à
l’époque, que l’évacuation de Gaza
allait permettre de mettre les
négociations dans le formol.
L’autonomie de quatre villes
Voilà.. Le premier ministre réélu est à
nouveau en faveur d’une Palestine
indépendante et les chancelleries
occidentales sont rassurées. En fait,
depuis une bonne dizaine d’années elles
font preuve d’une belle hypocrisie. A
Paris, comme à Berlin où à Washington,
on sait que Netanyahu n’a jamais été
partisan de la solution à deux états. Il
suffit de jeter un œil dans les quelques
ouvrages qu’il a publiés. Par exemple
dans « Une place au soleil » publié en
1995 : « La vie quotidienne des
Arabes peut être conçue différemment
dans la réalité du terrain. […] Quand
quelques Arabes peuplent une colline
isolée, il n’y a aucune raison pour
déclarer autonome l’ensemble de la
colline. […] Seuls seraient autonomes
les centres urbains. Le reste du
territoire, peu peuplé, sera exclu de
cet arrangement Mais si les Palestiniens
font preuve d’une attitude pacifique
sincère, il deviendra possible de leur
proposer la citoyenneté israélienne…
après une période de vingt ans de calme.
Et cela, à condition qu’ils prêtent
serment d’allégeance à l’État juif et
reconnaissent les devoirs qu’ils ont
contractés à son endroit. Ceux qui le
voudraient pourraient conserver leur
citoyenneté jordanienne, comme les
millions de résidents étrangers qui
disposent d’une autorisation de séjour
tout en conservant leur nationalité
d’origine. » En attendant, les
Palestiniens pourraient bénéficier de
l’autonomie dans quatre cantons, dont
les chefs- lieux seraient : Jenine,
Naplouse, Ramallah et Hébron » (
Benjamin Netanyahu, Makom Tahat Ha
Shemesh , Tel- Aviv, Ed. Yedihot
Aharonot, 1995 p. 352-353. Voir aussi
mon livre : « Au nom du temple ».
P.190-195. )
La terre des rois d’Israël
Certes, élu à la tête du gouvernement
pour la première fois en 1996, Benjamin
Netanyahu avait été obligé d’appliquer
les accords d’Oslo et remettre une
partie de la ville d’Hébron à l’Autorité
autonome. Mais cela, avec une idée
derrière la tête. Voici ce qu’il m’avait
déclaré à l’époque. « Renoncer à du
territoire est difficile ! Il s’agit
d’une partie de ma terre, d’un lieu où
mes ancêtres, les prophètes et les rois
d’Israël ont vécu et où tant de
générations de juifs ont rêvé de
retourner. J’allais donc appliquer
l’accord conclu par Pérès mais dans
l’intention de le faire avec l’idée
fondamentale de donner la partie arabe
de Hébron en échange de la totalité de
la Judée Samarie. Ou presque » Je
diffuse cette déclaration dans mon film
: « Au nom du temple » programmé par
France 2 dans la case « Infrarouge » le
31 mars à 23h35.
L’Europe
Avec brio, Benjamin Netanyahu dit à la
communauté internationale ce qu’elle a
envie d’entendre tout en maintenant le
cap pour réaliser ses deux objectifs.
Changer la réalité sur le terrain et
surtout rester au pouvoir et empêcher la
gauche de renoncer à ce qui est pour lui
la Terre d’Israël. En essayant de ne pas
trop choquer les différentes
administrations américaines et l’Europe,
il permet le développement de la
colonisation en Cisjordanie et à
Jérusalem. Et cela ne marche pas trop
mal. En 2014, selon le mouvement La paix
maintenant, la construction dans les
colonies a augmenté de 40%. Washington
et Paris se sont contentés de publier
des protestations. Près de 400 000
israéliens habitent aujourd’hui dans des
implantations sur ce territoire dont 60%
est entièrement contrôlé par Israël. En
privé, les dirigeants palestiniens
reconnaissent que dans ces conditions,
la création d’une Palestine indépendante
viable et contiguë est impossible. Cela,
sans même évoquer la question de
Jérusalem sur laquelle toutes les
négociations ont échoué. Les politiques
européens préfèrent d’ailleurs ne pas en
parler. Ils ont tout bonnement enterré
les rapports des chefs de mission de
l’Union européenne en poste à Jérusalem
réalisés en 2005 et 2008 décrivant la
politique d’annexion des quartiers
arabes de la ville sainte. Un nouveau
rapport est paraît-il dans les tuyaux.
Sera t-il publié ? Ce n’est pas sur, à
présent que Benjamin Netanyahu est réélu
et qu’il est revenu sur son refus d’un
état palestinien.. Ouf !
Vive les républicains
Et la colère de Barack Obama ? On est
bien obligé de constater que c’est le
cadet des soucis du Premier ministre. Il
est persuadé que l’administration
américaine n’arrêtera en aucun cas son
aide militaire à Israël. De toute
manière il compte sur la majorité
républicaine du congrès pour faire
barrage à toute initiative de ce
président qu’il déteste. John Boehner,
le président de la chambre des
représentants viendra à Jérusalem dans
une dizaine de jours fêter la victoire
de son ami et allié. Sheldon Adelson,
milliardaire, fidèle soutien de
Netanyahu et ennemi juré d’Obama, n’a
pas attendu. Il est venu le féliciter
dés hier, vendredi.
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