Les enjeux de la vie internationale
La vision de
Netanyahu
Charles Enderlin

© Charles
Enderlin
Mercredi 13 novembre 2013
Me suis-je
trompé ? Mon analyse est-elle fausse ?
J’étais persuadé que John Kerry avait
relancé les négociations
israélo-palestiniennes en sachant
pertinemment que la probabilité de
parvenir à un accord était extrêmement
faible. Le secrétaire d’État voulait-il
- comme je le croyais - gagner du temps
et empêcher l’annonce par une des
parties –notamment l’OLP- qu’un accord
de paix était irréalisable. Les
conséquences pour le Proche Orient
seraient catastrophiques. Même
l’entourage de Mahmoud Abbas, l’admet
depuis des mois. Il sera quasi
impossible d’évacuer cent mille colons
installés au cœur de la Cisjordanie, les
260000 autres étant regroupés dans des
blocs d’implantations. En admettant que
cela se fasse, resterait le problème de
Jérusalem Est et surtout de l’esplanade
des saintes mosquées. Le Mont du Temple
pour le Judaïsme et le Haram al Sharif,
de l’Islam. Ni les Juifs, ni les
Musulmans ne sont prêts à renoncer à
leurs lieux saints.
Il faut
également prendre en compte la
composition actuelle du gouvernement
israélien où les opposants à toute
concession territoriale aux Palestiniens
sont nombreux. Parmi ces derniers :
Avigdor Lieberman qui vient de retrouver
son portefeuille des Affaires
étrangères, Moshé « Boogie » Yaalon, le
ministre de la Défense, partisan de
l’annexion sous une forme ou une autre,
de la zone C en Cisjordanie, (60% de ce
territoire sont sous contrôle
sécuritaire et administratif d’Israël).
Il faut aussi mentionner les membres de
« La maison juive », le parti des colons
dirigé par Naftali Bennett, le ministre
de l’économie fermement annexionniste.
Son collègue de l’Habitat, Ouri Ariel,
est un colon. Il vient de créer le
scandale en publiant des appels d’offre
pour la planification de plus de 20 000
unités de logement dans les territoires
occupés. Une initiative vite suspendue
sine die par Benjamin Netanyahu après
une avalanche de protestations
internationales. Mais, là aussi, il n’y
avait pas de quoi être surpris. En
effet, pour Ouri Ariel, la Terre
d’Israël comprend la Cisjordanie appelée
« Judée Samarie » dont il prône
l’annexion pure et simple tout en
accordant le droit de vote aux
Palestiniens. Il est également en faveur
de l’installation d’un lieu de prière
juif sur le Haram al Sharif. Son arrivée
au gouvernement n’a pas changé ses
idées…
Au sein du
comité central du Likoud, une majorité
rejette l’idée même de la création d‘un
état palestinien indépendant. Reste
Benjamin Netanyahu.Veut-il un accord?
Apparemment oui, mais à ses conditions.
Que l’OLP reconnaisse Israël comme
l’état du peuple juif. Que Jérusalem
réunifiée reste sous la souveraineté
israélienne. Que le Jourdain soit la
frontière de sécurité d’Israël et que
les négociations ne se déroulent pas sur
la base de la ligne d’armistice de 1948.
Toutes choses que les Palestiniens
rejettent. La énième démission,
aujourd’hui, des négociateurs
palestiniens ne devrait pas, selon
Mahmoud Abbas, signifier la fin du
processus de paix.
Alors,
quelle mouche a piqué John Kerry
lorsqu’il a mis les pieds dans le plat
lors de son dernier séjour en Israël ?
Le secrétaire d’état a lancé des mises
en garde :
« Est-ce qu'Israël veut d'une
troisième Intifada ? Si nous ne trouvons
pas le chemin de la paix, Israël sera de
plus en plus isolé, il y aura un
renforcement de la campagne de
délégitimation d'Israël menée au niveau
international. (…) Il faut
résoudre la question des colonies
(...) et mettre fin à la présence
perpétuelle des soldats israéliens en
Cisjordanie. Autrement, il y aura un
sentiment croissant qu'on ne peut pas
parvenir à la paix avec une direction
engagée à la non-violence, et on
pourrait se retrouver avec une direction
(palestinienne) poussant à la violence ».
Une nouvelle
Intifada ? La menace n’inquiète pas
outre mesure la droite israélienne,
notamment Boogie Yaalon. D’ailleurs, ces
jours-ci, en dépit d’une certaine montée
de la tension et d’un accroissement des
incidents isolés, il n’y a pas, sur le
terrain, d’éléments indiquant
l’imminence d’un soulèvement
palestinien. La population de
Cisjordanie a gardé un très mauvais
souvenir de la seconde Intifada. Plus de
quatre mille morts, des dizaines de
milliers de blessés, un appauvrissement
- conséquence des couvre-feu, des
barrages-, une détérioration de l’image
de la cause palestinienne en raison des
attentats suicides qui ont provoqué un
durcissement du public israélien. La
délégitimation d’Israël ? Les dirigeants
israéliens ne la craignent pas outre
mesure. A ce stade, les relations
économiques du pays avec l’Europe, les
États Unis et l’Asie sont plutôt bonnes.
La plupart des indicateurs sont au vert.
Le Premier
ministre israélien n’a donc pas tardé à
répondre au chef de la diplomatie
américaine : «
la pression doit être appliquée là où il
faut. Sur les Palestiniens qui refusent
de bouger. Aucune pression ne me
poussera –ou le gouvernement d’Israël –
à compromettre la sécurité ou les
intérêts nationaux de l’état d’Israël »
Une réaction parfaitement prévisible,
tout comme l’opposition d’Israël à un
accord intérimaire entre le P5+1 (les
cinq membres du Conseil de sécurité et
l’Allemagne) et l’Iran.
La virulente
propagande anti-israélienne des
Ayatollahs a, au cours des décennies,
conforté Netanyahu dans l’idéologie
qu’il a héritée de son père, Benzion :
« L’histoire
juive est faite d’holocaustes. Dans
chaque génération un tyran antisémite se
serait donné pour mission de détruire le
peuple juif. » Sa vision est
renforcée par les déclarations venant
presque quotidiennement de Téhéran.
Israël serait « le petit Satan »,
l’entité sioniste, le cancer qui doit
être éradiqué etc. Cette propagande, ces
menaces, ont persuadé le public
israélien qu’il y a bien une menace
existentielle à Téhéran. L’arrivée au
pouvoir de Hassan Ruhani, n’y a rien
changé. Netanyahu le qualifie de
« menteur », « de loup déguisé en
mouton ».
Il ne faut
donc pas se leurrer, le chef du
gouvernement israélien fera tout
pour empêcher la conclusion d’un accord
intérimaire à Genève qui ne comprendrait
pas au moins l’arrêt total de
l’enrichissement de l’uranium en Iran et
l’arrêt de la construction du réacteur à
eau lourde d’Arack. Il a donné le ton en
prenant la parole, le 10 novembre devant
l’Assemblée des fédérations juives
d’Amérique du nord réunie à Jérusalem.
Le dernier projet d’accord proposé
à Genève est, selon lui, «
mauvais, dangereux et touche à des
éléments de notre survie. Et, lorsqu’il
est question de la survie juive, et de
la survie de l’état juif, je ne garderai
jamais le silence… ». Netanyahu fait
feu de tout bois. Il demande aux lobbys
pro-israélien et à ses alliés
républicains, à Washington, de faire
pression sur l’administration Obama afin
de maintenir les sanctions
internationales imposées au régime de
Téhéran. Dans le passé ce genre
d’opération lui a réussi.
http://www.liberation.fr/monde/2011/10/06/l-education-proche-orientale-de-barack-obama_765955
Bien entendu,
la politique française sur ce dossier,
l’attitude de Laurent Fabius, qui aurait
fait capoter les négociations de Genève,
est extrêmement bien perçue en Israël.
Benjamin Netanyahu en remerciera le
Président Hollande lors de sa visite à
Jérusalem et Tel Aviv, la semaine
prochaine. John Kerry, lui, a encore
beaucoup de pain sur la planche.
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