Les enjeux
de la vie internationale
L'agonie du processus
israélo-palestinien
Charles Enderlin

© Charles
Enderlin
Mercredi 2 avril 2014
Inexorablement, l’agonie du processus
commencé à Oslo en 1993 approche
rapidement de sa fin. Les dernières
péripéties de la médiation de John Kerry
en sont une preuve supplémentaire. Voici
pourquoi :
C’est en juillet 2013 que le secrétaire
d’état a obtenu l’accord de Benjamin
Netanyahu et de Mahmoud Abbas de
reprendre les négociations pendant neuf
mois. La direction palestinienne s’est
engagée à suspendre l’adhésion de la
Palestine à 63 agences et organisations
onusiennes et surtout à ne pas porter le
problème de l’occupation des territoires
devant la Cour internationale de La
Haye. Toutes choses qui auraient
considérablement durci la crise au
Proche Orient. En contrepartie, le
gouvernement israélien avait plusieurs
choix : geler la colonisation, accepter
la ligne d’armistice de 1967 comme base
de référence des pourparlers, ou libérer
des détenus Palestiniens. Netanyahu a
choisi la troisième formule. Il s’est
engagé à relâcher, en quatre phases, 104
Palestiniens emprisonnés avant la
signature des accords d’Oslo. Les trois
premiers groupes ont été libérés aux
dates prévues, pas le quatrième qui
devait l’être le 29 mars. Le Premier
ministre israélien a en effet décidé d’y
surseoir, en proclamant qu’il « ne
libérera pas un seul prisonnier
palestinien, si l’Autorité autonome ne
s’engage pas à poursuivre les
négociations et reconnaisse la nature
juive de l’État d’Israël».
L’espion américain
Pour tenter de trouver une solution,
John Kerry est arrivé à Jérusalem où il
a eu plusieurs entretiens avec
Netanyahu. Finalement, une formule de
compromis a été mise sur la table.
Israël libérerait en plus de la
trentaine de détenus prévus – parmi
lesquels 14 de nationalité israélienne
400 purgeant des peines légères,
gèlerait partiellement la colonisation
en Cisjordanie – pas à Jérusalem Est. En
contrepartie, Barack Obama gracierait
Jonathan Pollard, l’américain qui
espionnait pour Israël et purge une
peine de prison à vie. Pollard serait
libéré très vite pour passer Pessah, la
Pâque juive à Jérusalem. C’était le
cadeau ultime que réclament les
gouvernements israéliens depuis deux
décennies, et, surtout, Pollard est
devenu un héros pour la droite
israélienne qui le considère comme « un
prisonnier de Sion ». Dans ces
conditions, Netanyahu pouvait renoncer à
la reconnaissance préalable de la
Judaïté d’Israël par les Palestiniens.
Mais cette fois, Mahmoud Abbas a dit
non. Ses proches expliquent : «
D’abord, les Israéliens n’ont pas tenu
leurs engagements en annulant la
libération du quatrième groupe de
détenus. Et puis, l’accord proposé par
Kerry est insuffisant. Le gel des
colonies ne sera que partiel, et nous
avons déjà connu un scénario de ce
genre. Jérusalem Est n’est pas
concernée. Enfin, les 400 prisonniers
qui seraient ainsi relâchés sont des
petits délinquants (des voleurs de
bicyclettes a dit un commentateur
politique israélien), ou sur le point de
finir de purger leur peine. Dans ces
conditions, nous allons aux Nations
Unies comme nous l’autorise notre statut
d’observateur. »
Rétablir l’occupation ?
En fait, au-delà de ce dernier épisode,
il y a le sentiment profond qu’éprouve
le Président palestinien ces dernières
années. Mahmoud Abbas sait qu'avec 360
000 colons vivant en Cisjordanie, la
probabilité pour qu’un état palestinien
viable voie le jour est très faible.
Régulièrement, il annonce à ses
principaux conseillers : « Un de ces
jours, je vous demanderai d’aller chez
Netanyahu pour lui dire de rétablir
l’occupation!» Ayant fêté son 79e
anniversaire, le 26 mars dernier, celui
qui fut l’adjoint de Yasser Arafat ne
veut pas entrer dans l’Histoire comme un
traître à son peuple. Ses adversaires
accusent l’Autorité autonome d’être le
collabo d’Israël, d’accepter la
poursuite de la colonisation, les
arrestations de militants, les
destructions de maisons. II a donc
décidé d’entériner une quinzaine de
conventions et traités internationaux.
Notamment, les quatre conventions de
Genève avec le premier protocole. Il
s’agit en l’occurrence de la protection
des populations civiles en temps de
guerre. Tout un programme!
Côté israélien, le Likoud, la droite
nationaliste, ne veut pas entendre
parler d’un état palestinien. Ce terme
n’apparaît pas dans les statuts ou la
plate-forme électorale du mouvement de
Netanyahu et, son allié, la « Maison
juive » est le parti des colons. Dans
ces conditions, il n’y a pas,
aujourd’hui, une majorité au sein du
gouvernement israélien en faveur d’un
tel accord. Cela n’empêche pas John
Kerry de disposer de quelques semaines
pour tenter d’arracher un accord malgré
tout. En effet, les Palestiniens
acceptent de poursuivre les contacts
jusqu’à la fin du délai prévu,
c’est-à-dire : le 29 avril.
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