Les enjeux
de la vie internationale
Et si Bibi n'était pas réélu?
Charles Enderlin
© Charles Enderlin
Lundi 2 mars 2015
Selon tous les
sondages, le bloc
droite-religieux-orthodoxes a toutes les
chances de remporter le scrutin mais, à
moins de trois semaines du vote on est
bien obligé de poser la question.
D’abord parce que l’électeur israélien,
a, ces dernières décennies, parfois
donné tort aux sondeurs. Et à ce stade,
il faut bien constater que l’atmosphère
dans le pays n’est pas à une victoire
éclatante de Benjamin Netanyahu et son
parti. Il y a les indécis. Selon le
professeur Camille Fuchs de l’université
de Tel Aviv, 21% des électeurs n’ont pas
encore décidé pour qui voter. Et, même
parmi ceux qui se prononcent déjà en
faveur de tel ou tel parti,la décision
est loin d’être définitive. 43 % de
votants potentiels du Camp sioniste de
Yitzhak Herzog et Tzipi Livni,
pourraient déserter et se prononcer: 17
% pour Yesh Atid de Yaïr Lapid et 12 %
iraient plus à gauche, vers Meretz. Côté
Likoud, 36% envisageraient de voter de
voter pour une autre formation. 17%, le
cas échéant, donneraient leur bulletin à
Habeit Hayehudi de Naftali Bennet.
Les lycéens ne sont
pas à droite
Ce n’est pas tout,
l’atmosphère chez les jeunes n’est pas
favorable à la droite nationaliste comme
le démontre l’analyse du vote réalisé
ces dernières semaines par des élèves de
classes terminales de 61 lycées
israéliens. Le Camp sioniste et Yesh
Atid sont venus en tête dans 18
établissements. 14 ont voté Likoud. 3
ont donné la préférence à Israël Betenou
d’Avigdor Lieberman, à Ha beit Hayehoudi,
ainsi qu’à Koulanou (la nouvelle
formation de l’ex-Likoud, Moshé Kahlon,
centre droit). Deux établissements
étaient pour Meretz et la liste arabe.
Dans le passé, à plusieurs reprises, par
leurs votes, les élèves du lycée Blich,
à Ramat Gan, ont battu les sondeurs..
Par exemple, en 2013, en prédisant une
avancée importante de Yesh Atid. Les
sondages accordaient à ce parti une
douzaine de mandats. Au final, il en
avait obtenu 19. Cette fois, en 2015,
Blich donne la victoire au Camp
sioniste, avec 38 mandats, Yesh Atid
venant en seconde place, 34 députés. Le
Likoud, troisième, 17. La Maison juive
12 et Meretz 11.
Payer pour le patron
Plusieurs éléments
semblent influencer une partie de
l’opinion publique. D’abord, l’affaire
de la gestion du domicile officiel de
Sarah et Benjamin Netanyahu. Le
contrôleur de l’état, le juge Yossef
Shapira, a publié un rapport critiquant
une gabegie de fonds publics et
demandant au conseiller juridique du
gouvernement d’ordonner une enquête
policière sur certaines dépenses. Elle
concernera notamment quelques milliers
de Shekels, fruit de la consigne de
bouteilles que Sarah Netanyahu aurait
empochée et des meubles de jardins
achetés par l’état mais envoyés à la
villa que possède le couple à Césarée.
L’enquête débutera après le vote. Mais
un passage du texte de Shapira a fait
tiquer: Des employés de la résidence ont
du payer de leur poches certains achats
de la famille Netanyahu et n’ont pas été
remboursés. 42,18 Shekels pour un
médicament. 32 Shekels pour des
journaux. 110 Shekels, un repas dans un
restaurant. 25 Shekels un verre de vin
etc. Cela fait désordre.
La crise du logement
et l'Iran
Quelques jours plus
tard, Yossef Shapira a rendu public un
autre rapport beaucoup plus important,
cette fois sur la crise de l’immobilier.
De 2008 à décembre 2013, les prix des
logements ont augmenté de 55% et les
loyers de 30%. Si en 2008 un israélien
devait économiser 103 salaires moyens
pour acheter un appartement, fin 2013,
il fallait 137 salaires et, aujourd’hui
148. Par comparaison aux États Unis, en
Grande Bretagne ou en Hollande 65
salaires suffisent. Selon le contrôleur
de l’état, ce n’est qu’en juillet 2010,
près d’un an après sa formation que le
gouvernement Netanyahu a commencé à
examiner le problème et mettre en place
une politique destinée à faire baisser
les prix... qui ont continué à grimper.
La réaction du Premier ministre sortant
a réagit ainsi sur son compte twitter: «
Lorsque l’on parle du prix des
logements et du cout de la vie, je
n’oublie pas un seul instant la vie elle
même. La grande menace pour nos vie
c’est actuellement le nucléaire iranien
!» Tout le reste est donc
secondaire. Et, samedi soir, avant de
partir pour Washington afin de prononcer
son discours devant les deux chambres du
congrès, Benjamin Netanyahu est allé se
recueillir sur l’esplanade du mur des
Lamentations. Et, dimanche matin, avant
de monter dans l’avion il a déclaré : «
Je pars pour une mission cruciale et
historique en tant qu’émissaire de tous
les citoyens d’Israël, même ceux qui ne
sont pas d’accord avec moi et aussi au
nom de l’ensemble du peuple juif !
».
Sauver l’humanité
Parviendra-t-il à
empêcher la conclusion d’un accord entre
l’Iran et les cinq membres permanents du
Conseil de sécurité des Nations Unies
(États Unis, Russie, Chine, France et
Grande Bretagne) plus l’Allemagne ? Rien
n’est moins sur. Netanyahu voudrait que
Téhéran renonce quasi totalement à
l’enrichissement de l’uranium ce qui est
quasiment impossible. D'après ce qu'on
sait, la négociation porte sur une
réduction du nombre de centrifugeuses et
de la quantité d’uranium enrichi que
conserveraient les iraniens. Le tout
sous un régime permanent de contrôle par
des inspecteurs de l’Agence pour
l’énergie atomique. A ce stade, s’il y a
eu des progrès dans ces pourparlers, il
n’est pas certain qu’un accord pourra
être conclu d’ici au 30 mars. Mais, ce
n’est pas tout, en acceptant
l’invitation de John Boehner le très
républicain Président de la Chambre des
représentants, sans en informer la
Maison Blanche comme le veut l’usage,
Netanyahu a coupé les ponts avec Barack
Obama. Le président des États Unis ne le
recevra pas durant son séjour à
Washington. Le Vice-président, Joe Biden
a décidé d’effectuer un déplacement en
Amérique du sud et John Kerry, le
secrétaire d’état sera absent, lui
aussi. Surtout, Obama a fait savoir
qu’il opposerait son veto à toute
résolution du Congrès destinée à
torpiller un accord éventuel avec
l’Iran. Pour que les républicains
rejettent la décision du président et
imposent malgré tout des sanctions à
l’Iran ils devraient réunir les deux
tiers du sénat et de la chambre des
représentants. Mais une telle majorité
paraît aujourd’hui peu probable en
raison justement de la crise entre
Netanyahu et l’administration Obama. Les
démocrates soutiennent leur président et
ne feront pas cause commune avec les
républicains.
Alors, qu’espère-t-il? Les responsables
du Likoud, tout en soutenant leur chef,
becs et ongles, voudraient que son
discours fasse basculer en leur faveur
l’équivalent de deux mandats de députés.
Le parti en perte de vitesse dans les
sondages en a apparemment bien besoin.
Mais le déplacement à Washington n’est
pas une manœuvre électoraliste. Benjamin
Netanyahu est intimement persuadé qu’il
doit sauver Israël, le peuple juif et le
monde. Il le répète depuis des
décennies. Déjà le 10 juillet 1996 lors
de sa première intervention devant les
deux chambres du congrès il avait lancé
un avertissement « Le problème du
Proche Orient est que cette région n’est
pas démocratique, elle est même
partiellement anti-démocratique,
radicalisée et terrorisée par un certain
nombre de dictatures dont le crédo est
fondé sur la tyrannie et l’intimidation.
Le plus dangereux de ces régimes est
l’Iran où un despotisme cruel est lié à
militantisme fanatique. Si ce régime ou
son voisin despotique, l’Irak (de Saddam
Hussein) devaient se doter de l’arme
nucléaire, cela aurait des conséquences
catastrophiques, pas seulement pour mon
pays, pas seulement pour le Moyen Orient
mais pour l’ensemble de l’humanité…
»
Les électeurs israéliens devront choisir
s’ils veulent un premier ministre occupé
à sauver le monde ou à trouver des
solutions à la crise du logement.
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