Syrie
« L'attaque neurotoxique qui n'a pas eu
lieu » rapport de T. Postol du 18 avril
2017 sur Khan Cheikhoun
Caroline Galactéros
Trajectoire postulée du nuage de sarin
depuis l'emplacement présumé de
l'attaque
Jeudi 20 avril 2017
La
semaine dernière nous partagions
une première analyse de Theodore
Postol, professeur émérite en
Sciences, Technologie et Sécurité
nationale au prestigieux
Massachusetts Institute of
Technology (MIT) qui contestait
le rapport déclassifié de la Maison
Blanche paru le 11 avril. Il avait
depuis augmenté son analyse d’un
addendum et d’une nouvelle
note réalisée à partir d’une
vidéo.
Son
dernier rapport vient de
paraître le 18 avril et s’intitule «
L’attaque neurotoxique qui n’a
pas eu lieu: analyse de l’heure et
des emplacements des événements
importants de l’attaque neurotoxique
présumée de Khan Cheikhoun en Syrie,
le 4 avril 2017 à 07h00 »
Comme son nom l’indique, cette
analyse se fonde cette fois-ci, sur
l’étude des données spatiales (lieu
de dispersion présumé du gaz et
trajectoire du nuage ; lieu habité
sur cette trajectoire ; lieu où se
trouve les victimes sur les vidéos)
et temporelles (heure présumée de
l’attaque ; heure sur les vidéos)
réalisées à partir des allégations
du rapport de la Maison Blanche et
des différentes vidéos en
circulation depuis. Les conclusions
de ces trois précédents rapports
sont à nouveau confirmées : la
Maison Blanche aurait produit un
rapport de renseignement erroné et
mensonger. Mais cette fois-ci le
constat est sans appel : «
l’emplacement présumé de dispersion
du gaz sarin à l’origine de
l’attaque chimique du 4 avril 2017 à
Khan Cheikhoun n’est pas celui d’une
attaque neurotoxique. »
Je
vous propose ci-dessous la
traduction en français de
l’introduction et du commentaire
final de ce document (les passages
en gras sont à mon initiative).
«
Introduction »
«
Cette analyse contient une
description détaillée de l’heure et
des emplacements de l’attaque
neurotoxique présumée du 4 avril
2017 à Khan Cheikhoun en Syrie – en
supposant que le rapport de
renseignement de la Maison Blanche
[White House Report (WHR)]
publié le 11 avril 2017 identifie
correctement le site présumé à
partir duquel le gaz sarin se serait
répandu.
Les analyses ayant recours aux
données météorologiques à l’heure de
l’attaque montrent qu’un petit
hameau situé à environ 300 mètres à
l’est du cratère ne peut être que le
seul emplacement touché par la
dispersion présumée de la
neurotoxine. Ce hameau est séparé du
site présumé de dispersion (un
cratère) par un openfield [«
champ ouvert »]. A l’heure de la
dispersion, les vents auraient
initialement emporté le gaz
au-dessus de l’openfield. Derrière
le hameau se trouve un espace ouvert
important, et le nuage de sarin
aurait dû traverser une longue
distance supplémentaire pour
l’atteindre et se serait dissiper
avant d’arriver à un autre lieu
habité.
Une vidéo enregistrée le 4 avril
montre que le lieu où les victimes
ont été prétendument traitées suite
à leur exposition au sarin ne
concorde pas avec le seul terrain
dégagé du hameau qui aurait pu
servir à l’assistance médicale d’un
nombre important de victimes. Cela
indique que les scènes filmées dans
lesquelles de nombreuses victimes,
décédées ou agonisantes, sont
aléatoirement allongées au sol ne se
situe pas dans le hameau. Si
l’emplacement où gisent les corps
est plutôt un lieu où ont été
acheminés les morts et les blessés
pour traitement, il est alors
difficile de comprendre pourquoi les
victimes ont été éparpillées
aléatoirement sur le sol et dans la
boue, comme le montre ntles vidéos.
Les conclusions de ce bref résumé
sont évidentes : l’attaque
neurotoxique décrite dans le WHR n’a
pas eu lieu comme il l’est indiqué.
Il y a certes pu y avoir de
nombreuses victimes en lien avec un
quelconque empoisonnement, mais cet
événement n’est pas celui décrit par
le WHR. Les résultats de ces
analyses peuvent servir deux
objectifs :
-
Montrer exactement
ce qui doit être établi dans une
enquête internationale sur cette
atrocité présumée.
Surtout si une telle enquête
peut établir où les victimes de
l’attaque neurotoxique
résidaient, ce qui viendrait
également confirmer que les
résultats rapportés par le WHR
ne sont pas compatibles avec les
données qu’il cite à l’appui de
ses conclusions.
Établir également que
le WHR n’a pas eu
recours aux procédures
élémentaires et largement
établies d’analyse des
renseignements pour tirer ses
conclusions. »
-
Cela soulève des questions
troublantes sur la manière dont
les dirigeants politiques et
militaires américains ont établi
que le gouvernement syrien était
responsable de cette attaque
présumée. Il est préoccupant que
le WHR se présente lui-même
comme un rapport dont les
résultats sont d’un « haut degré
de fiabilité », et que de
nombreux officiels haut placés
dans le gouvernement américain
aient affirmé leur confiance
dans l’exactitude du rapport et
son degré de fiabilité.
»
«
Commentaire final »
« Cet abrégé des faits a été
entièrement réalisé à partir de
connaissances scientifiques de base,
de témoignages vidéo, et d’une
méthode d’analyse éprouvée. Cela
démontre sans aucun doute que
l’emplacement présumé de dispersion
du gaz sarin à l’origine de
l’attaque chimique du 4 avril 2017 à
Khan Cheikhoun n’est pas celui d’une
attaque neurotoxique.
Cela démontre aussi, sans l’ombre
d’un doute, que le seul
emplacement où auraient pu se
trouver les nombreuses victimes de
cette attaque de masse n’a aucun
lien avec ceux qui sont montrés dans
la vidéo comme résultant d’un
empoisonnement de quelque nature que
ce soit à Khan Cheikhoun.
Cela signifie que le rapport de
renseignements de la Maison Blanche,
d’un prétendument « haut degré de
fiabilité », réalisé le 11 avril et
concluant que le gouvernement syrien
est responsable de l’attaque, est
inexact. Pour qu’un tel rapport soit
erroné de manière aussi flagrante,
manifestement aucune des méthodes
les plus élémentaires et établies
pour déterminer la véracité des
résultats n’a dû être appliquée.
Depuis qu’ils ont justifié l’attaque
d’une base aérienne syrienne le 7
avril, soit quatre jours avant que
le rapport biaisé du Conseil de
sécurité national américain ne soit
révélé au Congrès et au public, il
ressort en conclusion que les
États-Unis ont entrepris des actions
militaires sans avoir les
renseignements à l’appui de leur
décision.
Plus encore, il est clair que le
WHR n’est pas un rapport de
renseignements.
Aucun professionnel compétent du
renseignement n’aurait fait autant
de fausses déclarations qui soient
en totale contradiction avec les
preuves. Aucun professionnel
compétent du renseignement n’aurait
accepté les résultats de l’analyse
du WHR après avoir examiné les
données présentées ci-joint. Aucun
professionnel compétent du
renseignement n’aurait pu porter
l’évaluation concernant le cratère,
alors que celui-ci a été altéré,
dans les termes utilisés dans le
WHR.
Même s’il est impossible
d’évaluer techniquement les raisons
de l’amateurisme flagrant de ce
rapport, on ne peut exclure qu’il
ait été élaboré pour dissimuler des
informations sensibles au Congrès et
au public. »
Je
vous propose pour finir de retrouver
toutes les analyses de T. Postol sur
les attaques chimiques de la Goutha
et Khan Cheikoun, ainsi que le
célèbre article de Seymour Hersh
« The Red Line and the Rat Line
» paru en 2014 :
Caroline Galactéros :
Docteur en Science politique, ancien
auditeur de l'IHEDN, elle a enseigné la
stratégie et l'éthique à l'Ecole de
Guerre et à HEC. Colonel de réserve,
elle dirige aujourd'hui la société de
conseil PLANETING et tient la chronique
"Etat d'esprit, esprit d'Etat" au
Point.fr. Elle a publié "Manières
du monde. Manières de guerre" (éd. Nuvis,
2013) et "Guerre, Technologie et
société" (avec R. Debray et V.
Desportes, éd. Nuvis, 2014).
Polémologue, spécialiste de géopolitique
et d'intelligence stratégique, elle
décrit sans détours mais avec précision
les nouvelles lignes de faille qui
dessinent le monde d'aujourd'hui.
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