Opinion
République
centrafricaine.
La France peut achever les travaux de
pillage
Capitaine Martin
Mercredi 27 novembre 2013
On risque un « génocide » en République
centrafricaine. L’alarme a été donnée
par la France qui, après des mois de
silence, a demandé en toute hâte à l’ONU
d’agir rapidement. La situation dans ce
pays est dramatique.
Les rebelles de la Seleka,
responsables du
coup d’état du 24 mars,
ont saccagé le pays, commettant les
pires atrocités : pillages, exécutions
sommaires, viols et tortures sur les
populations civiles.
Livrée à elle-même, la population a
répondu du mieux qu’elle pouvait en
organisant les milices paysannes,
les fameux anti-balaka(anti-machettes).
Il y a déjà eu des affrontements
violents et des centaines de morts.
Aujourd’hui, on parle d’un conflit
interethnique entre chrétiens et
musulmans. Rien n’est plus faux. Les
deux groupes ethniques sont victimes
d’un même ennemi : la coalition Seleka,
qui a pris le pouvoir dans
l’indifférence de la communauté
internationale.
En décembre 2012, l’ancien-président
déchu, François Bozizé, avait demandé
l’aide des États-Unis et de la France en
vue de stopper les rebelles, mais
François Hollande avait refusé
d’intervenir dans l’ancienne colonie,
arguant que la France ne pouvait agir
que sous mandat de l’ONU. Le locataire
de la Maison blanche avait avancé à
l’époque le même argument.
Aujourd’hui, la France fait valoir que
la Centrafrique est catastrophique.
Selon les États-Unis, la situation y est
« pré-génocidaire ». Pourquoi me
direz-vous ne pas avoir entamé quoi que
ce soit plus tôt ? Tout simplement parce
que la situation n’était pas mure. La
France prétend aujourd’hui jouer le rôle
de bon samaritain vis-à-vis de la
République centrafricaine dont on sait
qu’elle est riche en uranium, en
pétrole, en or, en diamants et en bois.
Et elle peut aujourd’hui le faire avec
le feu vert de l’ONU.
Lundi dernier (25 novembre, NDLR), le
vice-secrétaire général des Nations
Unies, Jan Eliasson a agité à son tour
le spectre d’un « conflit ethnique et
religieux » et a appelé à une réaction
rapide et décisive pour éviter que la
situation n’échappe à tout contrôle, ce
qui représenterait un terreau fertile
aux extrémistes et aux groupes armés.
Durant la réunion dédiée à l’ancienne
colonie française, les quinze pays
membres du conseil de sécurité se sont
mis d’accord pour
autoriser la force panafricaine présente
en Centrafrique(Misca)
à se déployer pour une période initiale
de six mois. L’objectif officiel est
d’essayer de renforcer la sécurité et de
protéger les civils. Il n’est pas exclu
que la Misca se transforme à terme en
opération de maintien de la paix avec à
la clé le déploiement de Casques bleus.
Les Nations Unis ont autorisé les forces
françaises déjà présentes en République
centrafricaine à prendre toutes les
mesures nécessaires pour soutenir la
Misca. Invité sur Europe 1 le 26
novembre, le ministre de la défense,
Jean-Yves Le Drian, a officiellement
annoncé l’envoi d’un millier d’hommes
sur le terrain. « La France appuiera
cette mission africaine, de l'ordre d'un
millier de soldats », a-t-il
déclaré. « Nous le ferons en appui
et non pas en entrée en premier, comme
nous avons pu le faire pour le
Mali,
et pour une période brève, de l'ordre de
six mois à peu près »,
a ajouté le ministre.
La France interviendra donc
militairement. Mais en faveur de qui ?
D’un gouvernement lui-même issu d’un
putsch. La France n’est pas à une
contradiction près. En revanche, lorsque
des intérêts économiques majeurs sont en
jeu, la logique est remisée au placard.
Comme on peut le lire sur le site
officiel du ministère des affaires
étrangères,
l’Élysée a directement en ligne de mire
les ressources naturelles de son
ancienne colonie : « En
dépit de l’instabilité politique et des
risques sécuritaires, Air France,
Bolloré (logistique et transport
fluvial), Castel (boissons et sucre),
Total (stockage et distribution des
produits pétroliers), CFAO (distribution
automobile) ont maintenu leurs
implantations en RCA. L’arrivée en 2007
de France Télécom dans la téléphonie
mobile marque un certain intérêt des
investisseurs français. Les pillages
consécutifs à la prise de Bangui par les
rebelles le 24 mars ont fortement
perturbé l’activité des entreprises
françaises ».
Grâce à l’intervention militaire, la
France peut maintenant achever le sien.
Capitaine Martin
Le dossier Afrique noire
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