Résistance
La privatisation du terrorisme est en
marche…
Capitaine Martin
Samedi 27 juin 2015
Hervé Falciani est un opportuniste.
Il peut endosser différents rôles et se
complaire dans un langage abscons, mais
il sait surtout nager en eaux troubles.
L’informaticien franco-italien est connu
pour être le personnage clé de
l’incroyable affaire HSBC. Il est
surtout à l’origine du vaste scandale
d’évasion fiscale autour de la filiale
helvétique de la banque HSBC. « Si
l’on veut contrebalancer l’impunité, il
faut aussi se donner les moyens de le
faire », a déclaré ce lanceur
d’alertes dont les fichiers prélevés
chez son ancien employeur ont permis à
un
consortium de journalistes mené par Le
Monde de dévoiler un immense
scandale d’évasion fiscale.
Plus de 5,7 milliards d’euros
auraient été dissimulées par la banque
dans des paradis fiscaux pour ses seuls
clients français. Le 28 janvier 2014,
sous le titre « listes
HSBC : la saga d’une enquête explosive
sur l’évasion fiscale », Le
Monde publiait une première série
d’articles dévoilant les dessous de
l’enquête judiciaire française. Mais il
manquait l’aspect mondial…
Quelques jours plus tard, une
personne se présentait à l’accueil du
quotidien, boulevard Auguste Blanqui, à
Paris. Cette source remit aux
journalistes une clé USB contenant la
totalité des fichiers établis à partir
des « données Falciani », dans le plus
grand secret, à compter de 2009, par les
services fiscaux français, parfois en
dépit des réticences du pouvoir
politique.
Qui trouve-t-on sur ces listings ?
Des hommes politiques, des vedettes du
show-biz, des icônes du sport et des
capitaines d’industrie, mais aussi des
trafiquants d’armes et de stupéfiants
et même des financiers d’organisations
terroristes. Oussama Ben Laden,
rappelle Le Monde, appelait « Golden
chain » (la chaîne en or) la
liste de ses vingt sponsors. Or,
plusieurs d’entre eux étaient des
Saoudiens clients de HSBC. Curieusement,
cette liste sulfureuse saisie dans les
locaux d’une mystérieuse fondation à
Sarajevo en 2002 lors d’une opération
spéciale des forces bosniaques n’avait
pas suscité de réactions particulières
de la banque HSBC à l’époque.
Il s’agissait pourtant de la liste des
principaux financeurs d’al-Qaïda.
Parmi ceux-ci un prince saoudien qui a
protégé le chef d’al-Qaïda, l’ancien
trésorier d’une présumée organisation
écran du groupe terroriste, un autre
prince dont l’épouse a envoyé de
l’argent à un des auteurs des attentats
du 11-Septembre. Que savait la banque de
cette nébuleuse ? HSBC a admis des
« défaillances » au niveau de sa filiale
suisse. « HSBC Private Bank a accueilli
un certain nombre de clients qui
n’étaient pas entièrement en règle avec
leurs obligations fiscales », a précisé
la banque. Un terrible euphémisme…
Mais HSBC n’est pas la seule banque à
avoir les mains sales. En témoigne
une plainte, qui remonte à août 2014,
d’un groupe de vétérans étasuniens ayant
combattu en Irak. Barclays, le
Crédit suisse, Standard Chartered et la
Banque royale d’Écosse sont en effet
accusés de ne pas avoir bloqué le
blanchiment d’argent qui a permis le
financement de groupes combattants en
Irak. Ces banques ont toutes accepté de
payer une amende de quelque trois
milliards de dollars pour avoir la paix.
Rien de nouveau donc, à moins que
l’enquête menée par l’ICI,
le consortium de journalistes
d’investigation qui a travaillé avec Le
Monde sur les fichiers de HSBC, ne
mette en lumière des liens, jusque-là
non prouvés, entre les comptes suspects
et l’État islamique. Un rapport émanant
du magazine économique Forbes considère
ce dernier comme étant le groupe
islamiste le plus richement doté.
Son patrimoine, toujours selon le même
rapport, avoisinerait les deux milliards
de dollars.
Le réseau de financement de l’État
islamique est très complexe et repose
sur de nombreuses sources : du commerce
du pétrole qui serait selon de nombreux
analystes la principale ressource de
l’organisation terroriste en passant par
les rapts et les trafics de passeports.
Le pillage de banques de Mossoul, ville
irakienne conquise en juin 2014, aurait
selon le Washington Post
rapporté aux islamistes un peu moins
d’un demi-milliard de dollars. De quoi
voir venir…
L’économiste italienne
Loretta Napoleoni, dans un entretien
donné en août dernier à l’International
Business Times, affirme que les
moyens qui permettent habituellement de
couper les financements directs aux
organisations terroristes islamistes ne
peuvent s’appliquer à l’État islamique
qui « opère dans le cadre d’une
économie fermée basée sur l’échange de
papier-monnaie dans les territoires
conquis ». Une privatisation du
terrorisme en quelque sorte…
Capitaine Martin
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