Opinion
Côte d’Ivoire : un pays pillé par
le colonialisme français
Capitaine Martin
Photo:
D.R.
Vendredi 18 juillet 2014
Laurent Gbagbo, ancien président de
la Côte d’Ivoire, est actuellement
incarcéré auprès de la Cour pénale
internationale de La Haye pour crimes
contre l’humanité.
Quatre chefs d’accusation ont été
retenus à l’encontre de celui qui a été
présenté comme le mauvais perdant des
élections de 2010, en qualité de
coauteur : meurtres, viols et violences
sexuelles, actes de persécutions et
autres actes inhumains. Non, bien
entendu, que l’intéressé soit accusé
d’avoir lui-même commis ces atrocités,
mais au titre de responsable
hiérarchique voire d’inspirateur.
Cette histoire semble
être le énième épisode de la vie des
nombreux dictateurs qui ont ensanglanté
l’Afrique. Laurent Gbagbo a été appelé à
répondre de ses actes après que les
forces spéciales de l’opération Licorne
l’ont capturé dans son palais
présidentiel où il s’était barricadé.
L’ex-président
ivoirien est né en 1945. Il a baigné
très tôt dans la politique et ses
opinions socialistes et panafricaines
l’ont rapidement amené à s‘opposer au
régime autoritaire d’Houphouët-Boigny
qui régna sur la Côte d’Ivoire pendant
presque trente ans. Emprisonné à
plusieurs reprises, il a finalement été
contraint à l’exil à Paris.
Surviennent les
élections présidentielles de 2000.
Laurent Gbagbo a de véritables chances
de remporter le scrutin. Le 23 octobre,
les premiers résultats indiquent qu’il
arrive en tête, suivi par Robert Guéï.
Au soir du premier tour, cet adversaire
de taille lui dispute la victoire et
dissout le 23 octobre la commission
électorale, avant que le ministère de
l’intérieur n’annonce sa victoire le
lendemain. Mais le 25 octobre, des
dizaines de milliers de manifestants
descendent dans les rues et, malgré les
soldats qui leur tirent dessus, obligent
le chef de la junte à quitter les lieux.
Laurent Gbagbo est enfin investi comme
président de la République le 26 octobre
et entame son mandat dans un climat
délétère.
Le président sortant
se représente en 2010 contre Alassane
Ouattara, un ancien ministre
d’Houphouët-Boigny. Le scrutin est
marqué par des violences. À l’issue du
second tour, Ouattara est proclamé le 2
décembre quatrième président de Côte
d’Ivoire avec 54,10 % des voix. Mais le
conseil constitutionnel invalide les
résultats dans les régions du Nord et
annonce la réélection de Laurent Gbagbo
avec 51,45 % des voix.
Alassane Ouattara a
le soutien de la « communauté
internationale ». Le 11 avril 2011,
Laurent Gbagbo est arrêté avec l’appui
de l’armée française par les forces de
l’ordre de son rival. Ce dernier est
proclamé président le 6 mai 2011 et son
investiture se déroule à Yamoussoukro le
21 mai 2011 en présence de nombreux
chefs d’État, dont Nicolas Sarkozy.
Quelques jours avant
l’enlèvement du pouvoir du gouvernement
démocratiquement élu,
l’Élysée avait entamé une négociation
avec lui. Selon des sources
concordantes, les discussions ont tourné
autour des richesses du sous-sol
ivoirien. L’ex président français
demande à son homologue ivoirien L.
Gbagbo de retenir pour la France 80 % du
pétrole ou des revenus du bassin
pétrolier du Golfe de Guinée. Sur les 20
% restants, une ponction de 10 % devrait
être faire pour le compte du Burkina
Faso et le reste à la Côte d’Ivoire. Sur
la question, les sources proches des
discussions téléphoniques tripartites
(Élysée, ambassade de France en Côte
d’Ivoire, ministère français des
affaires étrangères) indiquent que le
chef d’État ivoirien aurait opposé un
refus plus que catégorique. La France
n’a eu d’autre alternative que
d’ordonner le pilonnage de la résidence
de L. Gbagbo et d’y positionner des
rebelles.
Depuis l’éviction de
l’ex président ivoirien, Total a raflé
une bonne part des hydrocarbures après
avoir obtenu l’acquisition d’un deuxième
bloc pétrolier off-shore dans le golfe
de Guinée. Les investisseurs français en
général se frottèrent les mains. Paris
maintient un contrôle de plus en plus
étroit sur l’économie de la Côte
d’Ivoire : la Banque de France dirige sa
monnaie par le biais de l’Union
monétaire d’Afrique occidentale (franc
CFA) et de nombreux investissements
rendent l’économie ivoirienne dépendante
de la métropole. Des groupes comme
Bouygues, Orange, BNP Paribas, Société
générale, Bolloré et Total y font
aujourd’hui de juteux bénéfices.
En dépit des efforts
prodigués par
Fadi El Abdallah, porte-parole de la
Cour pénale internationale, et par
Fatou Bensouda, procureure adjointe,
la procédure est parsemée de nombreuses
zones d’ombre et montre que la manœuvre
n’avait pour but que de se débarrasser
d’un personnage gênant. Par un subtil
tour de passe-passe démocratique,
l’opération est jouée. Exit Gbagbo et
vive Ouattara ! L’ex puissance coloniale
est encore bien présente en Afrique…
La France n’a eu de
cesse depuis les présidents Chirac et
Sarkozy de revenir au premier plan sur
le continent noir. Les nombreuses
interventions de ces dernières années
(Mali, Côte d’Ivoire, République
centrafricaine, etc.) sont là pour le
prouver. Pour Paris, la vieille doctrine
de la Françafrique est plus que jamais
d’actualité, avec son colonialisme basé
sur l’exploitation et la violence.
Mais cette fois-ci avec l’appui de la
« communauté internationale ».
Capitaine Martin
Le dossier Afrique noire
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