Syrie
En Syrie, agression impérialiste à
visage découvert
Bruno Guigue
Vendredi 7 avril 2017
Des missiles Tomawhak, hier, ont frappé
l’aéroport militaire syrien de Sharyat à
une trentaine de kilomètres au sud-est
de Homs. L'événement fait la Une des
gazettes, mais cette agression militaire
américaine contre la Syrie souveraine
n'est pas la première. Le 17 septembre
2016, l'aviation US avait tué 80 soldats
de l’armée arabe syrienne à Deir Ezzor.
Loin d’être fortuite, cette attaque
avait eu lieu au moment précis où
l’armée nationale, loin de ses bases,
affrontait une vigoureuse offensive de
Daech. Bis repetita ! Avec ce
bombardement, la Maison-Blanche, pour la
deuxième fois, vole au secours de ses
“proxys” lobotomisés qui font la guerre
pour son compte contre la Syrie
souveraine. En frappant par les airs
l’appareil militaire syrien, Donald
Trump sait bien qu'il ne modifie pas le
rapport de forces. Ce qu'il veut, c'est
humilier Damas. Il veut montrer qu'il
peut atteindre le sol syrien, où il veut
et quand il veut, faisant ainsi la
démonstration que cet Etat est
vulnérable. L'armée syrienne et l'allié
russe ont été pris par surprise. Il
n'est pas sûr que ce soit le cas la
prochaine fois.
Quasi providentiel,
le massacre chimique de Khan Cheikhoun
fournit à Trump un prétexte en or. Il
lui permet de reprendre pied dans un
conflit où Washington n'a essuyé que des
revers depuis des mois. Obéissants, les
médias dominants orchestrent la
compassion sur commande destinée à
justifier l'agression, et le tour est
joué. Pour cette opération de
propagande, Trump peut compter, comme
d'habitude, sur l'impressionnante
servilité des médias français, le
torchon sioniste qui ose s'appeler
“Libération” obtenant sans difficulté la
palme de la manipulation émotionnelle.
Ce faisant, les
faux-culs de la presse parisienne
oublient un petit détail. Aucune preuve,
aucune, n'a été fournie de la
culpabilité de Damas. Selon les
autorités syriennes et russes,
l'aviation syrienne a bombardé un dépôt
de munitions appartenant aux factions
islamistes qui contenait des armes
chimiques. Cette explication est
d'autant plus vraisemblable qu'on a déjà
eu la preuve de l'utilisation d'armes
chimiques par Al-Nosra et que l'arsenal
chimique syrien, lui, a été démantelé
sous contrôle onusien en 2014.
On se demande bien
pourquoi, d'ailleurs, le gouvernement
syrien aurait eu envie, subitement, de
gazer sa propre population. Non
seulement cette accusation est infondée,
faute de preuves, mais elle insulte le
bon sens. Il y a évidemment des victimes
innocentes dans cette guerre. Mais si le
gouvernement syrien se moquait du sort
des civils, il y a longtemps que Raqqa
ou Idleb aurait été rasée. Imputer à
Bachar Al-Assad la responsabilité d’un
tel massacre n’a aucun sens. C’est
grotesque. Il est vrai que plus c'est
gros, plus ça passe. Colin Powell avait
exhibé une fiole de jus de pomme,
l'ambassadrice américaine à l'ONU exhibe
des photos, et l'histoire se répète.
Tant qu'il y aura des gogos pour y
croire, la supercherie continuera de
plus belle.
Jamais à court
d'imagination, certains “experts” ont
quand même inventé une variante. Ce
n'est pas Bachar Al-Assad, mais “l'aile
dure du régime syrien” qui aurait
ordonné cette tuerie. Pourquoi ? Pour
faire échouer les négociations sur la
fin du conflit, imposer une solution
militaire et montrer aux Russes qui est
le patron. On comprend que la fonction
de journaliste au “Figaro” impose
certaines concessions à l’employeur,
mais bon, on n'est pas obligé de suivre
Georges Malbrunot, qui soutient cette
thèse, lorsqu'il doit justifier sa fiche
de paie.
Cette explication
abracadabrante, en fait, n'est que la
resucée de ce que disaient certains
commentateurs à propos de l'attaque
chimique du 21 août 2013 faussement
imputée à Damas. Des généraux syriens,
disait-on, auraient commis ce massacre
de leur propre initiative. Tout en
épargnant M. Assad, cette version des
faits présente l'avantage propagandiste
d'incriminer le “régime syrien”, ce qui
permet de remplir le contrat
journalistique. Elle permet aussi de se
donner l'air plus intelligent que la
moyenne, ce qui n'est pas difficile
étant donné le niveau de bêtise atteint
par la meute télévisuelle. Mais elle
n'est pas plus fondée, ni plus
vraisemblable que la précédente.
Un rapport
circonstancié du “Massachussets
Institute of Technology” avait montré
que l'attaque chimique du 21 août 2013
ne pouvait venir que de la zone rebelle.
Le journaliste indépendant Seymour
Hersch avait affirmé la même chose au
terme d'une enquête minutieuse. Il
faudra sans doute attendre le résultat
d'investigations comparables pour
connaître les détails du drame de Khan
Cheikhoun où des innocents, une fois de
plus, ont fait les frais d'une guerre
voulue par Washington et ses larbins. En
attendant, les menteurs professionnels
tenteront l'impossible pour nous faire
prendre des vessies pour des lanternes.
Le bombardement du
17 septembre 2016 fut le dernier cadeau
de Barack Obama aux coupeurs de têtes.
Le bombardement du 6 avril 2017 est le
premier que leur offre Donald Trump. En
agressant Damas, le président américain
montre que rien n'a changé à Washington.
Les déclarations du candidat républicain
laissaient espérer un changement. Les
actes du président élu dissipent
définitivement cette illusion. Cette
agression impérialiste à visage
découvert marque donc la fin d'une
séquence politique. Comme les autres,
Trump est le pantin du lobby
militaro-industriel. Les USA, c'est la
guerre. Ils en vivent, ils aiment ça, et
ça ne changera jamais tant qu'ils ne se
seront pas pris une bonne dérouillée.
Publié avec l'aimable autorisation de
l'auteur
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