Monde
Daech et Hillary, danseuses des Saoud
Bruno Guigue
Samedi 5 novembre 2016
Depuis
son exil londonien, Julian Assange vient
de révéler un nouvel email d'Hillary
Clinton. Dans ce courriel daté d'août
2014, elle écrit : "Nous devons aussi
utiliser la voie diplomatique (..) pour
faire pression sur le Qatar et l’Arabie
Saoudite qui fournissent clandestinement
un soutien financier et logistique à
Daech et d’autres groupes sunnites
radicaux de la région". A l'époque, Mme
Clinton n'est plus secrétaire d'Etat.
Mais elle est une personnalité politique
de premier plan. Elle adresse cette
recommandation à John Podesta, son
actuel directeur de campagne, qui est
alors conseiller de Barack Obama.
Pourquoi la révélation de cet email
est-elle une bombe ?
D'abord, parce que ce courriel découvre
le pot aux roses du financement
extérieur du terrorisme. La doxa disait
que les millions de dollars qui
remplissent les poches des terroristes
provenaient du trafic de pétrole et
d'extorsions diverses. On devinait que
les armes lourdes, les uniformes et les
4X4 de Daech n'avaient pas été achetés
au bazar du coin. Daech et les autres
groupes du même acabit ne sont pas des
bandes de pouilleux déguenillés, mais
ils constituent une véritable armée,
composée de mercenaires suréquipés.
Cette
armée d'invasion qui mobilise une
piétaille de desperados sans foi ni loi
n'a pas surgi du néant. Manifestement,
elle a bénéficié d'une logistique
efficace et de puissants moyens
financiers. L'email de Mme Clinton le
dit sans ambages. Avec cette pièce
versée au dossier, c'est donc
l'hypothèse souvent ressassée du
"terrorisme autofinancé" qui passe à la
trappe. On se doutait un peu que les
décérébrés du djihad global ne
travaillaient pas seulement pour la
gloire. On sait désormais sans doute
possible qui s'emploie généreusement à
garantir leur pouvoir d'achat.
Mais
il y a plus. Le courriel de
l'ex-secrétaire d'Etat cite les deux
Etats concernés. Il ne vise ni une
nébuleuse d'institutions où toute
responsabilité serait diluée, ni
l'initiative privée de milliardaires qui
financeraient le djihad pour le plaisir.
C'est un point essentiel. Les défenseurs
des pétromonarchies invoquent toujours
l'obscurité des circuits de financement
(qui est réelle) pour disculper les
gouvernements saoudien et qatari. Comme
on ne peut pas remonter à la source des
transferts financiers, ils affirment
qu'il n'y a pas de source, et le tour
est joué. Qui finance les terroristes ?
On ne sait pas vraiment. Et comme on ne
sait pas vraiment, on finit par dire que
ce n'est personne.
L'email d'Hillary Clinton balaye ces
arguments de faux-jeton qui servent à
blanchir les vrais coupables. Le texte
est clair et net. Il désigne la
responsabilité directe du pouvoir
saoudien et du pouvoir qatari. Il
signale la participation des deux Etats
au financement et à la logistique de
l'infrastructure terroriste. Hillary
Clinton ne fait aucune réserve. Devant
son clavier, elle dit les choses comme
elles sont. Et ce qu'elle nomme, c'est
un terrorisme d'Etat.
Du
coup, l'email révèle aussi l'ampleur de
la responsabilité américaine. Il montre
que le poison ne vient pas seulement des
deux pustules wahhabites, mais des USA.
Quand Hillary écrit ce courriel, sa main
ne tremble pas. Pourquoi ? Parce qu'elle
sait de source sûre ce qu'elle écrit.
Comme tous les dirigeants de premier
plan, elle sait de quoi il retourne.
Barack Obama lui aussi sait. Ainsi la
révélation de cet email déchire le voile
du mensonge tissé par les dirigeants
occidentaux autour d'un terrorisme qui
est leur bébé. Ces crapules savaient et
n'ont rien dit parce que leur complicité
est indicible.
Ce nid
de scorpions, ils savent parfaitement
qui le nourrit. Ce sont leurs amis. On
se souvient que Laurent Fabius, ministre
des affaires étrangères, puis Manuel
Valls, avaient réfuté en bloc des
accusations aussitôt taxées de "complotisme".
"Je n’ai pas de raison de douter de
l’engagement de ces deux gouvernements",
déclarait le premier ministre français
sur RTL, en novembre 2015, à propos du
Qatar et de l'Arabie saoudite, ces "amis
de la France" en lutte contre le
terrorisme. Après la révélation de ce
nouvel email, M. Valls devrait se
regarder dans la glace. Il aura l'air
fin.
Cerise
sur le gâteau, cette affaire met à nu la
corruption abyssale des Clinton.
L'ex-secrétaire d'Etat a cautionné
l'alliance avec les pétromonarchies pour
détruire des Etats souverains en Libye
et en Syrie. Elle y a semé le chaos et
la désolation. Mais cela ne suffisait
pas. Elle a aussi touché les dividendes
de cette compromission. Les monarques du
Golfe qui abondent les caisses des
djihadistes sont les mêmes que ceux qui
versent des millions de dollars à la
Fondation Clinton. Et c'est avec eux que
Washington a signé les plus fabuleux
contrats d'armement (80 milliards de
dollars en dix ans). Difficile de faire
mieux dans la compromission et la
corruption. Daech et Hillary, même
profil ! Danseuses pour les Saoud. Mais
le pire, c'est qu'elle risque d'être
élue.
Bruno
Guigue (05/11/2016)
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