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Arrêt sur Info

L’orthographe, c’est l’hygiène de la langue

Bruno Guigue


© Bruno Guigue

Vendredi 5 février 2016

Ne nous leurrons pas : cette ahurissante « réforme de l’orthographe » n’est pas une bévue socialiste de plus, mais la dernière étape d’un vaste chantier de démolition. Car, depuis des années, le gouvernement s’acharne contre ce qui fonde la transmission même du savoir scolaire : l’acquisition des connaissances par l’apprentissage de règles communes. Relâchement de la discipline et banalisation de l’incivisme, tyrannie des parents d’élèves (désormais indemnisés pour siéger aux conseils de classe), dissolution des savoirs disciplinaires au profit d’une « interdisciplinarité » vaseuse, suppression des classes bilingues, des langues anciennes et des bourses à caractère méritoire jugées « élitistes », mise en cause de la notation chiffrée au motif qu’elle serait « blessante » : toutes ces mesures sapent la légitimité de l’institution scolaire au moment même où la dictature du Tout-Marché accroît les inégalités sociales et pénalise les enfants issus des milieux modestes.

Pour parachever cette œuvre destructrice, il ne manquait plus, en effet, que la réforme de l’orthographe : parce qu’elle serait « trop difficile », parce qu’elle ne sert à rien, parce que l’écriture SMS, au fond, est l’écriture de demain, parce que la langue nationale est le dernier réduit d’un « souverainisme » abhorré, parce que le « fond », paraît-il, est plus important que la « forme », l’écriture de 2 400 mots sera désormais « simplifiée ». Mais c’est oublier qu’une langue est un code culturel partagé dont l’acquisition rend possible le vivre-ensemble, qu’il n’y a pas de société muette et que pour dialoguer il est impératif de se comprendre, c’est-à-dire de pratiquer la même langue, obéissant aux mêmes règles. Bref, c’est oublier que l’orthographe, avec la grammaire dont elle est la sœur-jumelle, est l’hygiène de la langue. Car l’orthographe ne se contente pas de déterminer des règles intangibles en fixant la norme, précisément, de « l’écriture droite ». Elle témoigne aussi des origines multiples, et pas seulement gréco-romaines, de la langue française : il n’y a pas d’étymologie sans orthographe, et ignorer l’orthographe, c’est insulter ses origines linguistiques. Mieux encore, c’est l’orthographe, par sa rigueur, qui autorise la subtilité de la langue française, qui favorise l’expression de la nuance, qui pare notre langue de mille couleurs chatoyantes. Manifestement, on finit par oublier ce qui pourtant tombe sous le sens : fruit d’une longue maturation culturelle, l’orthographe est ce qui ne se réforme pas.

Croyant atténuer la portée de cette réforme, nos dirigeants ont cru bon d’ajouter qu’en fait, désormais, « plusieurs orthographes seraient possibles pour un même mot ». Comme si ce n’était pas pire, précisément ! En torturant à loisir l’écriture de 2400 mots, en autorisant tout et son contraire, le message passé aux jeunes générations est catastrophique : il signifie que c’est sans importance, que c’est la même chose, d’écrire « oignon » ou « ognon ». Comment mener un travail pédagogique digne de ce nom si le fondement de toute pédagogie, la langue commune, se prête désormais, avec la bénédiction officielle, à des variations individuelles, au gré de la fantaisie de chacun ou sous l’effet d’une ignorance banalisée ? Cette réforme de l’orthographe, en réalité, est la négation même de l’orthographe, c’est-à-dire la négation du concept même du « bien-écrire ». Si l’on peut écrire le même mot de plusieurs façons, alors à quoi servirait-il de l’apprendre ? Et que faudra-t-il apprendre ? Les deux ou trois façons de l’écrire ? Où est alors la simplification recherchée ? Et quelle sera la prochaine étape ? L’écriture SMS comme langue officielle de la République et « Twitter » en guise de Journal Officiel ?

L’on perçoit, du coup, la cohérence perverse de cette « réforme de l’orthographe » avec la précédente réforme, celle de la dictée. La priorité, nous disait-on, était de « réformer la dictée pour arrêter « le cycle infernal de la peur de la faute ». Comment ? En faisant de l’évaluation des élèves un acte positif, et non plus un acte négatif. En distribuant un « plus » lorsqu’une faute n’a pas été commise, et un « moins » lorsqu’elle l’a été. Quand un élève, dans une dictée, fait une faute lexicale (« siel » au lieu de « ciel ») il a un point en moins. Mais si, dans la même copie, il fait correctement un accord (« les nuages »), il a un point en plus. Autrement dit, on entend valoriser systématiquement l’absence de faute, de manière à « encourager » l’élève dans sa progression. Il n’est pas nécessaire d’être un spécialiste, pourtant, pour voir que cette méthode d’évaluation est une aberration pédagogique. Ce n’est pas en passant de la pommade sur l’ego blessé des enfants (et de leurs parents) qu’on enrayera la dégradation du rapport à l’écrit. On peut s’accommoder de cette situation en considérant que l’orthographe de nos élèves est celle de demain, et enfouir sa tête dans le sable. Mais casser le thermomètre ne fera pas chuter la fièvre du malade.

Car la langue, faut-il le rappeler, est un code symbolique dont nous apprenons le maniement en bénéficiant des corrections de nos aînés. Aussi ancienne que l’écriture, la dictée est simplement la meilleure façon de vérifier si ces corrections ont porté leurs fruits. C’est pourquoi la dictée n’est pas un jeu où l’on ne ferait que des gagnants sous prétexte de ne vexer personne. Tout au contraire, elle est ce moment de la scolarité où l’on s’assure que les futurs citoyens utilisent la même langue. Elle traduit un double engagement : celui des maîtres, qui s’engagent à transmettre à leurs élèves les règles de la langue ; celui des élèves, qui s’engagent à respecter ces règles. Mais à quoi bon faire des dictées si l’orthographe n’est plus qu’une variable d’ajustement, une sorte d’option laissée au caprice individuel, un « truc ringard » dont on peut s’affranchir à moindres frais ? Nos dirigeants le savent bien : la démolition du savoir classique, propice au libre exercice de la pensée, passe par la dissolution du lexique dans un salmigondis « high tech ». Cette dissolution programmée de la langue française, dernier bastion d’une souveraineté haïe, exige la pulvérisation des règles linguistiques et le repli sur les idiomes tribaux, conditions requises de la balkanisation de la société. Opération réussie pour les tâcherons socialistes : le grand chantier de démolition touche à sa fin.

Bruno Guigue | 5 février 2016

Normalien, énarque, aujourd’hui professeur de philosophie, auteur de plusieurs ouvrages, dont « Aux origines du conflit israélo-arabe, l’invisible remords de l’Occident (L’Harmattan, 2002).

 

 

   

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Source: Arrêt sur Info
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