Syrie
L'espoir fondé sur le Conseil des droits
de l'homme
ne fut qu'un rêve !
Bachar al-Jaafari
Photo:
D.R.
Mercredi 19 novembre 2014
La version française du point de
presse quotidien n’étant pas un document
officiel des Nations Unies,
nous vous invitons à lire le document
original du rapport de la « Commission
d’enquête internationale indépendante
sur la République arabe syrienne » daté
du 14 novembre 2014 et intitulé « Rule
of Terror: Living under ISIS in Syria [1].
Un document à glacer l’âme et le sang
sur les horreurs perpétrés par Daech qui
se conclut par une première
recommandation adressée au gouvernement
de la République arabe syrienne, pour
l’inviter « à honorer son obligation
juridique contraignante afin de protéger
ses citoyens des crimes contre
l’humanité et autres graves violations
des droits humains », [paragraphe 80].
Pourtant, ce « règne de la terreur
daechienne » est toujours imputé à la
Syrie par de faux amis, dont M. Alexis
Lamek, représentant permanent adjoint de
la France auprès des Nations Unies ;
pour lequel « les atrocités commises par
Daech dans la région n’ont fait
qu’empirer encore la situation et le
calvaire du peuple syrien » [2],
pensant pouvoir faire oublier au monde
entier le soutien spontané et massif,
lors des dernières élections
présidentielles syriennes, de ce même
peuple à ce même gouvernement qu’il
diffame l’un et l’autre.
Dans un document du 18 novembre, M.
Lamek incite toutes les délégations à
soutenir le projet de résolution L.33
condamnant la situation humanitaire en
Iran [3],
alors qu’il dit prendre « la parole pour
prononcer une déclaration d’ordre
général sur le projet de résolution
L.31 » condamnant la situation
humanitaire en Syrie [4] !
Erreur de frappe, lapsus évocateur ou
finesse diplomatique inaccessible aux
non-initiés ? Que faut-il en conclure ?
Pour mémoire,
voici la réponse de M. Bachar
al-Jaafari, délégué permanent de la
Syrie auprès des Nations Unies, aux
présentateurs de ce projet de résolution
L.31 dont les plus ardents défenseurs
sont le Qatar et l’Arabie saoudite, pays
rêvés des droits de l’Homme, comme
chacun le sait ! [NdT].
Monsieur le
Président,
Je commencerai par
saluer le président du Conseil des
droits de l'homme, notre confrère
l’Ambassadeur Baudelaire Ndong Ella, en
lui affirmant que nous sommes déterminés
à poursuivre notre collaboration
constructive afin que, pour tous les
États membres, les questions relatives
aux droits de l'homme soient examinées
sur une base juste et équitable,
conformément au mandat confié à ce
Conseil et en dehors de toute
politisation ou doubles standards ayant
gaspillé beaucoup de nos efforts, que ce
soit à New York ou à Genève.
Monsieur le
Président,
Nous avons lu avec
attention le rapport du Conseil
concernant nombre de sujets d’une grande
importance, en particulier, ceux
relatifs aux violations des droits de
l'homme dans les territoires arabes
occupés, aussi bien en Palestine, que
dans le Golan syrien où malgré 46 années
d'une occupation arbitraire et en dépit
des injonctions du Conseil des droits de
l’homme, Israël - l’autorité occupante -
continue de défier la volonté de la
communauté internationale et refuse de
se conformer aux résolutions adoptées
par l’ensemble des instances et des
organes des Nations Unies; lesquelles
résolutions, comme vous le savez, se
chiffrent par centaines.
Ceci, sans que les
auteurs - israéliens - de crimes de
guerre et de crimes contre l'humanité ne
soient privés d’une immunité absolue les
mettant à l’abri des poursuites et des
sanctions pour l’ensemble de ces crimes.
Et ceci, en dépit des
sérieuses interrogations, formulées par
l’opinion publique internationale, sur
les raisons de cette perpétuelle
impunité poussant à fermer les yeux sur
les violations commises par l’ensemble
des dirigeants israéliens contre toutes
les règles du droit international, de la
Convention de La Haye de 1907, et des
Conventions de Genève de 1949.
Monsieur le
Président,
Il est regrettable
qu’un groupe d'États influents - membres
de cette organisation internationale -
persiste dans ses tentatives de
transformation du Conseil des droits de
l'homme en une « section spéciale »
destinée à servir ses intérêts et à agir
en fonction de ses agendas politiques
étriqués et inhumains, contredisant
ainsi l'esprit même de ce qui a abouti à
sa création et au mandat qui lui a été
confié.
C’est là une évidence
depuis qu’il est apparu que ce Conseil
adoptait pour certains pays, à
l’exclusion de tous les autres, des
décisions dont les visées et les
perspectives répondent à des objectifs
politiques, ignorant les mécanismes qui
permettraient de lutter contre les
violations des droits de l’homme dans
nombre de pays où sévissent la
xénophobie, les discriminations fondées
sur la race, sur l’ethnie et même sur
les origines autochtones de certaines
populations… Ignorant la maltraitance
inhumaine de travailleurs étrangers, de
prisonniers, de réfugiés… Ignorant les
pays qui ont militairement envahi
d’autres pays souverains, membres de
cette même organisation internationale,
en y semant le « chaos constructeur »
par la destruction de l'État national,
remplacé par des milices, des agents et
des ignares extrémistes… Ignorant
surtout, les violations du « droit au
développement » par l'imposition de
mesures économiques coercitives et
unilatérales contre les peuples de pays
en voie de développement, ainsi que par
le soutien manifeste du terrorisme. Et
la liste n’en finit pas de s’allonger !
Monsieur le
Président,
Le gouvernement
syrien a offert aux différents organes
des Nations Unies toutes les modalités
possibles de coopération afin de
parvenir à une solution nationale, à la
fois politique et humaine, de la crise.
Malgré cela, nous regrettons de
constater que le Conseil des droits de
l’homme ne mentionne jamais le moindre
fait positif à ce sujet et continue de
faire mine d’ignorer les efforts
considérables qu’il a déployés. Nous
regrettons aussi qu’il ait totalement
dissimulé, et depuis des années, la
présence de groupes terroristes armés en
Syrie, sans jamais l’avoir mentionnée
dans ses rapports écrits. Et nous
regrettons tout autant sa
non-reconnaissance de l'obligation du
gouvernement syrien en vertu des
dispositions de la Charte des Nations
Unies, des principes du droit
international, des principes du droit
international humanitaire et de la
Constitution syrienne, de repousser ces
groupes armés et ceux qui se tiennent
derrière eux, pour protéger le peuple et
l'État contre le chaos et le terrorisme.
En revanche, nous
voyons des États membres de ce Conseil
des droits de l’homme, directement
engagés dans l’aggravation de la
situation politique et humanitaire avec
toujours plus de sang syrien versé,
poursuivre frénétiquement l’échafaudage
de décisions politisées et unilatérales.
Les décisions contre
la Syrie se succèdent et se succèdent
encore, dans le but de diffamer son
gouvernement, de l’obliger à renoncer à
ses droits souverains et de modifier sa
ligne politique, pour redessiner la
carte de la région arabe et du
Moyen-Orient, afin de permettre à Israël
d’aller encore plus loin dans ses
campagnes colonisatrices et son
nettoyage ethnique, censés concrétiser
le caractère « juif » d’Israël, comme
ils disent.
D’où la nécessité du
« démantèlement »
des États de la région sur des bases
religieuses, ethniques,
confessionnelles, et doctrinaires,
incompatibles avec le concept d’un État
moderne. Et ceci, sous une forme qui
consacrerait la création d’entités
artificielles, faibles et fragiles, pour
cause de discriminations raciales, de
nettoyage ethnique, d’intolérance et
donc, d’impossibilité de coexistence ;
toutes ces tendances étant bannies par
le droit international et le droit
international humanitaire !
Ce Conseil a adopté
des résolutions politisées, partiales et
absolument irréalistes contre mon pays.
Les États présentateurs des projets de
ces résolutions n’ont cessé de les
soumettre tous les quelques mois devant
ce Conseil, sans jamais laisser
l’occasion aux autres États membres de
saisir la réalité de ce qui se passait
en Syrie du fait d'un terrorisme venu de
l’étranger et soutenu par les
présentateurs mêmes de ces résolutions.
En raison de leur
hostilité et de leur haine envers le
gouvernement et le peuple syriens et
envers le rôle politique de la Syrie
dans la région, les présentateurs de ces
résolutions ont de plus en plus déformé
la réalité, égarant de plus en plus
l’opinion publique internationale.
Ils ont nié
l'existence du terrorisme étranger et
des groupes de terroristes en Syrie. Ils
ont fermé les yeux sur les scènes
monstrueuses d’assassinat et de
décapitation des Syriens par les
éléments de Daech, de Jabhat al-Nosra et
de diverses autres organisations
terroristes liées à Al-Qaïda. Ils ont
feint d’ignorer le vol des ressources
naturelles de la Syrie, dont le pétrole
et le gaz vendus à l’Europe par le biais
de médiateurs turcs. Autant de
violations de la déclaration n°14 du
Conseil de sécurité prononcée le 28
Juillet 2014 et des dispositions des
résolutions 2170 et 2178 de ce même
Conseil.
Ils ont ouvert les
portes à l’afflux des terroristes
étrangers en Syrie à travers ses
frontières avec les pays limitrophes,
jusqu’à ce que l’influence de ces
groupes s’étende aux États voisins et
devienne désormais une menace qui guette
tous les États du Monde, sans exception.
Avant de venir dans
cette salle, j’ai écouté le communiqué
du Sous-Secrétaire général par intérim
aux affaires politiques, M. Frandzen,
concernant la « Situation au
Moyen-Orient ». M. Frandzen m’a surpris
lorsqu’il a décrit les éléments de
Jabhat al-Nosra - qui sont les
terroristes actuellement déployés sur la
ligne de désengagement du Golan syrien
occupé, sous la protection directe
d’Israël - de « membres armés de
l’opposition syrienne » [ ]. C’est ainsi
que M. Frandzen les considère !
Oui, M. Frandzen a
qualifié les éléments de Jabhat al-Nosra
de « membres armés de l’opposition
syrienne », alors qu’il s’agit d’une
entité inscrite sur la liste du
terrorisme international par le Conseil
de sécurité ! Et soit dit en passant :
une entité terroriste, dirigée par un
terroriste jordanien, qui a mené
l’enlèvement de l’unité des soldats du
Fidji travaillant au sein des forces de
l’UNDOF [ou FNUOD : Force des Nations
Unies chargée d'observer le
désengagement], qui s’est laissé
photographier en leur compagnie et qui
s’est ainsi présenté publiquement.
Comment est-il
possible que ces éléments soient des
« membres armés de l’opposition
syrienne » alors que leur chef est
jordanien, qu’Israël les soigne dans ses
hôpitaux, et que le Qatar les finance et
leur paye les rançons exigées ?
En tous cas, c’est ce
que dit M. Frandzen devant le Conseil de
sécurité et c’est, malheureusement, ce
que répète, presque tous les jours, le
porte-parole du Secrétaire général
lorsqu’il parle des éléments terroristes
de Jabhat al-Nosra, stationnés dans la
zone de désengagement.
Il n’est donc pas
étonnant qu’existe une lecture erronée
de la situation syrienne actuelle, à
tous les niveaux de cette organisation.
Monsieur le
Président,
Plus de trois ans
après l'attaque terroriste sur la Syrie,
les États présentateurs des projets de
résolution contre mon pays ont réalisé
le danger de la présence du terrorisme
en Syrie ainsi que le danger de sa
propagation dans les pays de la région
et dans le Monde. Ils l’ont timidement
signalé dans leur dernière résolution.
Ils ont enfin avoué l’existence de
groupes terroristes armés en Syrie !
Plus encore,
nous assistons à la reconnaissance de ce
fait par la « Commission d’enquête
internationale indépendante sur la
République arabe syrienne » dans son
rapport publié aujourd’hui [1].
Cette commission qui
a manqué de toute crédibilité depuis sa
création en raison de son absence
d'objectivité, de son acharnement
préconçu contre le Gouvernement Syrien,
de son fonctionnement dans le sillage
des agendas d’États influents au sein de
cette organisation, modifie notablement
ses déclarations et avoue la présence du
terrorisme en Syrie; mais ceci, après
avoir été autorisée à l’aveu par les
États influents et dans leurs propres
intérêts.
Ce rapport
d’aujourd’hui, intitulé « Rule of Terror:
Living under ISIS in Syria », bien qu’il
décrive les crimes et les exactions de
Daech contre les Syriens, ne demande pas
explicitement aux régimes qatari et
saoudien d’arrêter de financer le
terrorisme et de lui assurer armes et
entrainement, en plus de le soutenir
médiatiquement. Il ne demande pas que la
Turquie arrête l’afflux des terroristes
étrangers traversant ses frontières avec
la Syrie. Il ne demande pas, non plus,
aux États-Unis, à la France et à
d’autres États occidentaux de respecter
les résolutions 2170 et 2178. Dans son
paragraphe 11, il se contente de pointer
le « soutien extérieur » fourni… à ces
terroristes.
Je cite, en anglais dans le texte :
« The external support provided to all
belligerents in Syria has contributed to
the radicalisation of armed
groups, ultimately benefitting ISIS.
Charity organizations and wealthy
individuals funded radical entities
willing to promote their ideologies
and serve their agendas. Arms and
support provided to armed groups
deemed as moderate have repeatedly
fallen into the hands of more radical
actors, including ISIS».
Aujourd’hui, nous
avons tous entendu que les autorités des
Émirats arabes unis avaient inscrit sur
la liste des organisations terroristes,
83 organisations qui feraient commerce
de la religion de l’Islam et des
musulmans, nombre d’entre elles œuvrant
dans la région du Golfe. C’est, bien
sûr, une bonne décision ; mais elle
arrive avec un retard de trois années
qui a coûté la vie de dizaines de
milliers de Syriens, d’Irakiens, de
Libanais et à présent, comme vous le
savez, d’Égyptiens et de libyens.
Monsieur le
Président,
L’adoption par ce
Conseil de résolutions politisées et
agressives, à l’encontre du gouvernement
syrien, a beaucoup nui au peuple syrien
et a ajouté à ses souffrances, car elles
ont été pour les terroristes et leurs
commanditaires comme autant de messages
leur signifiant
qu'ils
étaient protégés et
qu’ils pouvaient continuer à perpétrer
leurs crimes pendant des années, en
toute impunité.
Ces mêmes
résolutions ont
également nui
aux efforts
internationaux cherchant à ce que ce
Conseil en arrive à
traiter
toutes les violations
des droits de
l'homme selon des normes
claires qui s’appliqueraient à tous les
pays du monde sans exception, comme l’a
dit M. Baudelaire dans son discours
d’ouverture, non un conseil dominé par
l’argent du Qatar et de l’Arabie
saoudite ou les États influents, membres
de cette organisation, qui manipulent
les questions en rapport avec les droits
humains.
Ces résolutions
ont aussi entravé, et
pour des années, toutes les initiatives
syriennes d’ouverture et de coopération
avec les
comités internationaux et ont empêché
toute possibilité de mettre fin
à la crise. Associées
à la non-reconnaissance du « soutien
extérieur » fourni aux terroristes,
elles ont encouragé la poursuite de la
terreur, des assassinats et des
violations des
droits humains des Syriens. Tout ceci
est désormais notoirement connu,
documenté, indiscutable et indubitable.
Pour conclure,
j’aimerais rappeler aux membres de ce « CONSEIL
des droits de l’homme » que sa
création [5] a été principalement
motivée par le fait que tout le monde
avait constaté et compris qu’un certain
nombre
d’États influents
avaient politisé la
question des droits
humains au sein du
« COMITÉ des droits de l’homme » pour
servir leurs propres agendas. Un
problème dont s’est plaint, aujourd’hui
encore, le président de ce
Conseil dans son discours de clôture,
alors que c’est pour le résoudre que la
dite Communauté internationale a créé ce
Conseil. C’est pour traiter tous les cas
et tous les gouvernements
sur
un pied d'égalité,
sans aucune différence
et loin de
toute politisation.
Un rêve qui a
suscité de grands espoirs pour
promouvoir la protection des droits
humains. Mais ce ne fut qu’un rêve et,
malheureusement, il n’a pas pu être
réalisé.
Merci Monsieur le
Président
Dr Bachar al-Jaafari
Délégué permanent de la Syrie auprès des
Nations Unies
17/11/2014
Source :
Vidéo You Tube / ONU
https://www.youtube.com/watch?v=IXClNBWjt8I
Transcription et
traduction par Mouna Alno-Nakhal
Notes :
[1] Report of the Independent
International Commission of Inquiry on
the Syrian Arab Republic “Rule of
Terror: Living under ISIS in Syria”.
http://www.ohchr.org/Documents/HRBodies/HRCouncil/
CoISyria/HRC_CRP_ISIS_14Nov2014.pdf
[3]
Situation des droits de l’homme en
République islamique d’Iran :
A/C.3/69/L.33
http://www.un.org/Docs/journal/asp/ws.asp?m=A/C.3/69/L.33
[4]
Situation des droits de l’homme en
République arabe syrienne :
A/C.3/69/L.31
http://franceonu.org/IMG/pdf/N1459950.pdf
[5]
Organes des Droits de l’homme à l’ONU
http://www.un.org/Depts/dhl/dhlf/resguidf/spechrfr.htm
Le sommaire de Mouna Alna-Nakhal
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