Syrie
ONU : Quels sont les vrais buts des
débats sur
la situation humanitaire en Syrie ?
Bachar al-Jaafari
Photo:
D.R.
Dimanche 8 juin 2014
Sous le titre « Washington
arme l'opposition syrienne et cherche à
paralyser Al-Jaafari aux Nations Unies »,
le quotidien Al-Akhbar revient sur les
déclarations de ces derniers jours
témoignant de la volonté des USA, et de
leurs alliés prétendument « amis de la
Syrie », de passer à un niveau de
violence supérieur contre le peuple et
l’État syriens depuis que le « Tsunami
électoral » du 28 mai d’abord, et du 3
juin ensuite, est venu confirmer la
légitimité du Dr Bachar Al-Assad en tant
que Président de la République arabe
syrienne et, par conséquent, en tant que
Commandant en chef de ses Forces armées
qui vont d’exploit en exploit, malgré la
monstruosité des terroristes, les
ravages du vivant et de l’inerte, et la
coalition des pays plus ou moins
civilisés qui les soutiennent.
Légitimité remise en question, sans
complexe, par moins légitimes que lui,
si l’on tient compte du critère premier
des démocraties occidentales. Témoin en
est le tableau des « résultats
comparés », ci-dessous, avec le plus
populaire d’entre eux et nobélisé de
surcroit !
Après avoir rappelé
la volonté déclarée d’Obama, à
l’Académie de West Point, de travailler
avec le Congrès américain pour accroître
le soutien à la nébuleuse opposition
syrienne qui offrirait « une meilleure
alternative à un dictateur brutal », et
le scoop sur CNN - en ce jour mémorable
du 6 Juin - de Mme Susan Rice disant, là
aussi sans le moindre complexe, que
« Les Etats-Unis ont intensifié leur
soutien à l'opposition modérée et
certifiée comme telle, délivrant une
aide létale et non létale là où ils
peuvent soutenir l'opposition civile et
militaire » [1],
comme si elle n’avait jamais affirmé le
contraire, Al Akhbar nous apprend de
sources diplomatiques newyorkaises que
Washington, Paris, Ankara, Riyad et Doha
travaillent dans les coulisses de l’ONU
dans le but d’obtenir une résolution de
l’Assemblée générale qui interdirait à
la délégation syrienne, et plus
particulièrement au Dr Bachar
al-Jaafari, de participer à ses
réunions. Ceci, parce qu’il disposerait
là d’une tribune bien trop importante et
« qu’il faut faire comprendre au
Président syrien que les élections ne
lui confèrent aucune légitimité
internationale » ! Il s’agirait
évidemment d’une suspension et non d’une
radiation puisque cela est
« impossible », et il est prévu que les
discussions à ce sujet aient lieu la
semaine prochaine [2].
Ce même 6 juin,
Monsieur Romain Nadal exprimait
l’opinion du gouvernement français sur
le vote massif de tout un peuple dont il
prétend se soucier [3].Un
peuple qui a clairement exprimé sa
volonté sous les bonbonnes de gaz
trafiquées par ses alliés jihadistes [4]
à Alep, sous les obus de mortiers à
Damas, au milieu des voitures piégées à
Homs…
Reste à savoir
pourquoi tous ces puissants démocrates
chercheraient à écarter le Dr Bachar
al-Jaafari. Est-ce parce qu’il n’est pas
dupe des vrais buts de leurs débats sur
la situation humanitaire en Syrie, et
qu’il le leur a dit haut et fort, ainsi
qu’à la TV nationale syrienne, à la
veille même des élections
présidentielles syriennes ? Ou, pire
encore, est-ce parce les membres de la
délégation syrienne, dont lui-même, se
sont révélés être une force diplomatique
tout aussi patriote que les soldats et
les citoyens syriens qui refusent de
plier devant la terreur déguisée en
démocratie ? [NdT].
1. Demain, 28 mai,
est le premier jour des élections
présidentielles syriennes. Que se passe
t-il dans les couloirs des Nations Unies
devant cette initiative du gouvernement
syrien ?
Vous savez que depuis
l’annonce de la tenue des élections
présidentielles à la date prévue, une
véritable hystérie s’est emparée de
certaines capitales occidentales,
arabes, et régionales. C’est donc
automatiquement qu’elle s’est propagée
dans les couloirs de l’ONU où l’on s’est
pressé de distribuer les rôles.
Les Français, par
exemple, ont pris sur eux de retourner
l’opinion internationale, comme vous
l’avez constaté lorsqu’ils ont présenté
leur projet de résolution visant à
envoyer le « dossier syrien » au
procureur de la Cour Pénale
Internationale [CPI], et qu’ils ont été
déboutés par un double véto sino-russe [5].
Ce n’était d’ailleurs pas leur première
manœuvre. Ils avaient déjà organisé des
réunions parallèles à l’ONU avec
invitation d’un groupe de juges, l’un
d’entre eux ayant siégé au Tribunal
spécial de la Sierra Leone. C’était déjà
dans le but d’étudier les procédures
susceptibles d’envoyer la Syrie devant
la CPI. Ensuite, ils ont invité un
groupe d’avocats appartenant à des
organisations internationales dans ce
même but.
Parallèlement à cette
activisme français, il y a l’activisme
des Britanniques, des Américains, des
Arabes menés par l’Arabie saoudite, le
Qatar, la Turquie, les Émirats… Par
conséquent, l’hystérie est collective et
concerne plusieurs capitales et
organisations.
2. Concernant le
renvoi devant la CPI, pouvez-vous nous
dire quelle a été la réaction de
l’ensemble des États occidentaux dont
les USA, avant de lire celle de la
France ?
La vérité est que le
délégué russe a informé les délégations
occidentales de la décision d’user de
son « droit de véto » la veille de la
réunion du Conseil de sécurité. Donc,
tous avaient été prévenus que la
Fédération de Russie bloquerait ce
projet de résolution initié par la
France, mais soutenu par l’Occident et
certains États arabes, comme vous le
savez.
Maintenant, pourquoi
l’ont-ils soumis au vote, malgré cela ?
Je crois personnellement que c’est parce
que l’Occident misait sur un autre
projet de résolution, à ses yeux
beaucoup plus important que d’envoyer le
dossier syrien devant la CPI, car il
légitimerait d’autres prétextes
d’ingérence, notamment pour raisons
humanitaires.
Ainsi, les
Britanniques préparent un tel projet
supposé être proposé prochainement.
Autrement dit, ils ont sacrifié le
projet de résolution français pour
embarrasser les Russes et les Chinois
par un prétexte humanitaire qu’ils
voudraient utiliser comme cheval de
Troie, ou tribune, les autorisant à
court-circuiter la souveraineté
syrienne.
Je crois que c’est
leur but ultime car leur intense
activité en témoigne, d’autant plus que
nombre d’entre eux, dont les USA, n’ont
pas adhéré au Statut de Rome qui définit
le fonctionnement de la CPI.
3. Dans ces
conditions, le projet de résolution
français aurait donc été utilisé pour
faire passer le projet britannique à
venir ?
Oui, je le crois,
puisque toutes les délégations savaient
que le projet français serait débouté et
que les délégations russe et chinoise
ont consenti des amendements importants
qui ont été refusés en bloc. Ce qui
signifie que les États en question ont
intentionnellement cherché à ce que les
cinq États membres permanents du Conseil
de sécurité en arrivent au résultat que
vous savez…
4. Comment
expliquez-vous que le texte du projet
français était vide de la moindre
mention sur les États soutenant et
finançant directement le terrorisme en
Syrie ?
Ce sont justement les
points sur lesquels ont porté les
amendements sino-russes. S’ils ont été
refusés, c’est bien parce que le projet
français était taillé sur mesures pour
la Syrie, comme il en a été pour
d’autres projets de résolution
concernant le Libéria, la Sierra Leone,
la Yougoslavie, le Rwanda… D’ailleurs,
l’un des délégués m’a textuellement
dit : « Les français travaillent à la
tête du client » ! Et, en effet, si l’on
revient au texte du projet français il
est clair qu’ils l’ont limité dans le
temps et l’espace.
Ils l’ont limité dans
le temps à une période allant de Mars
2011 jusqu’à ce jour, pour que la
résolution ne puisse s’appliquer, ni aux
Forces US qui ont assassiné tant de
civils en Afghanistan ou en Irak et qui
usent maintenant de leurs drones tueurs
au Pakistan, ni aux Forces britanniques
qui en ont fait autant en Irak, ni aux
Forces turques qui assistent les
terroristes tout le long des frontières
syro-turques, ni aux autorités
jordaniennes qui agissent comme vous le
savez ou l’ignorez encore, ni au Qatar,
ni à l’Arabie saoudite…
Ils l’ont limité dans
l’espace à l’État Syrien, ce qui
implique que tous les autres États et
notamment la Turquie, l’Arabie saoudite,
la France, la Grande Bretagne, les USA,
la Libye, la Jordanie… ne sont
absolument pas concernés par le projet !
En résumé, le projet
de résolution était formulé de telle
sorte qu’ils servent les intérêts de ses
concepteurs : exercer encore plus de
pression politique sur la Syrie, et
perturber les élections présidentielles
syriennes pour aboutir à un vide
politique et constitutionnel qui en
ferait,
à Dieu ne plaise, un État
défaillant, comme en Somalie ! Auquel
cas, les normes de l’ONU permettraient
de passer outre la souveraineté syrienne
et, par conséquent, de légitimer une
intervention étrangère de tous ces États
membres sous couvert d’une assistance
humanitaire, ou de crimes relevant de la
CPI, et même de lutte contre le
terrorisme !
Le problème est donc
de première importance et tout expert en
politique peut réaliser que le projet de
résolution français et tous les autres,
passés ou en cours de préparation,
visent la faillite de la Syrie, en tant
que peuple, État, gouvernement, et
institutions. Ils veulent nous
précipiter dans le vide politique,
constitutionnel, et sécuritaire. Ils
veulent détruire notre pays.
5. Maintenant que
ce projet de résolution a été balayé par
le double véto sino-russe, que va-t-il
se passer dans les coulisses de l’ONU ?
Avant de répondre à
votre question, je voudrais ajouter que
ce projet de résolution français a
écarté aussi les mercenaires et
terroristes étrangers, tout comme il a
ignoré le terrorisme d’Israël qui les
assiste sur la ligne de séparation au
Golan occupé.
Quant à votre
dernière question, je vous répondrais
qu’immédiatement après le quatrième véto
sino-russe l’Arabie saoudite a enclenché
la rédaction d’un énième projet à
soumettre au vote de l’Assemblée
générale de l’ONU, sur la base de ce
qu’on appelle l’ « Union pour le
maintien de la paix » [Uniting for
peace] [6],
tel que cela s’est passé pour la Corée
en1950 [7],
quand le Conseil de sécurité a été
incapable d’arriver à une résolution
autorisant l’intervention américaine en
Corée. À noter que ce n’est pas un
mécanisme créé par la Charte de l’ONU,
et qu’il n’a été imaginé qu’à la faveur
de cette circonstance. Une procédure que
l’Arabie saoudite cherche à recycler
pour légitimer une intervention
étrangère en Syrie sans passer par le
Conseil de sécurité. C’est donc une
autre façon pour poursuivre tous les
contournements constatés depuis le tout
début des événements en Syrie.
Britanniques et
Saoudiens n’ont visiblement qu’un seul
agenda en tête : l’« Ingérence
humanitaire » inventée, entre autres,
par Bernard Kouchner, ex ministre
français des Affaires étrangères, pour
justifier moralement un « devoir
d’ingérence » en Afrique… Nous nous
trouvons donc face à deux batailles
rangées, l’une menée par le chef
d’orchestre d’une coalition
occidentale-arabe-turque, l’autre menée
indépendamment par la Grande Bretagne et
par l’Arabie saoudite, le Qatar, la
Jordanie, le Koweït… pour ne citer que
ceux là.
6. Et quel serait
le contenu du projet de résolution
saoudien ?
Question légitime
tout autant que celles concernant les
projets passés et futurs émanant des
États ou des agences et organisations
onusiennes, telles que l’OCHA, l’UNHCR,
l’UNICEF, l’UNESCO…
Il faut savoir que
toutes ces organisations bougent
ensemble après s’être accordées sur ce
qu’elles appellent le « Focal point » du
moment. Et c’est ainsi que nous les
avons vu lancer des dizaines de réunions
et de déclarations versant toutes sur la
situation humanitaire catastrophique en
Syrie, au point que s’ils ne
nourrissaient pas les Syriens, ils ne
mourraient que de la faim !
Dr Bachar
al-Jaafari
Délégué permanent de la Syrie
auprès des Nations unies
08/ 06/2014
Transcription et
traduction : Mouna Alno-Nakhal
Source :
Vidéo YouTube /
Al Akhbariya. Le Dr Al-Jaafari est
interrogé par Mme Rania al-Zaloune […
23’30’’]
https://www.youtube.com/watch?feature=player_embedded&v=XM1EeYRE0Xo
Notes :
[2] Al-Akhbar
07/06/2014:
« Washington
arme l'opposition syrienne et cherche à
[assiéger] Al-Jaafari aux Nations Unies
http://www.al-akhbar.com/node/208109
[4] Point de presse
du 6 juin 2014/ Romain Nadal, porte
parole du MAE françaishttp://basedoc.diplomatie.gouv.fr/vues/Kiosque/FranceDiplomatie/
kiosque.php?type=ppfr#Chapitre8
Q - Avez-vous un commentaire sur
«l'élection» syrienne qui remet Bachar
Al-Assad en place pour sept ans encore ?
R - Les autorités françaises se sont
exprimées à ce sujet et ont condamné
cette farce tragique.
Comme l'a rappelé Laurent Fabius, un
personnage tel que Bachar Al-Assad,
qualifié de criminel contre l'humanité
par le Secrétaire général des Nations
unies, ne peut pas incarner l'avenir de
son peuple.
La seule solution possible est une
solution politique conforme au
communiqué de Genève.
Q - Auriez-vous des éléments sur une
politique ou une stratégie
pan-européenne pour contrer le départ et
veiller sur le retour des combattants
«Djihadistes» dans le conflit en Syrie ?
R - Nous travaillons avec nos
partenaires européens pour qu'une
stratégie commune se mette en place.
Le président de la République s'est
exprimé à ce sujet à l'issue de la
réunion du G7 hier. Je vous renvoie à
ses propos.
[5] ONU :
Réponse de la Syrie au projet de
résolution initié par la France et soldé
par un quatrième véto sino-russe
http://www.palestine-solidarite.org/analyses.bachar_al-jaafari.240514.htm
[6]
Uniting for Peace and the Security
Council 'veto power'
http://en.wikipedia.org/wiki/United_Nations_General_Assembly_Resolution_
377#Uniting_for_Peace_and_the_Security_Council_.27veto_power.27
[7] La guerre de Corée et la Résolution
« Union pour le maintien de la paix »,
1950
http://www.persee.fr/web/revues/home/prescript/article/afdi_00663085_
1988_num_34_1_2847
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