Analyse
Syrie : D’Afrine à Al-Ghouta,
l’ultime étape avant la bataille
suprême ?
Antoine Charpentier
L’armée arabe syrienne sécurise les
civils dans leurs maisons à Saqba et
Kafr Battena à Ghouta
Photo : SANA
Jeudi 22 mars 2017
Il se
déroule actuellement en Syrie
-précisément à Al-Ghouta- un des plus
rudes combats jamais eu pendant les sept
ans de guerre entre l’armée syrienne et
différents groupes de combattants
syriens ou étrangers. La région
d’Al-Ghouta a été classée par les
accords d’Astana sur la liste des
régions de désescalade en Syrie, de même
que six autres régions[1].
Les
combattants d’Al-Ghouta n’ont jamais
vraiment respecté les décisions prises à
Astana. Cependant, des négociations
étaient en cours entre l’Etat syrien et
les différentes organisations dans la
zone citée, afin de tenter de trouver
une solution moins coûteuse. Il convient
de préciser que les Etats-Unis et
l’Europe ont fait le choix de ne pas
être présents à Astana. Hélas, nous
connaissons les collusions entre
certaines organisations et groupuscules
armés d’Al-Ghouta et certains pays
occidentaux[2],
chose qui n’est plus secrète depuis un
certain temps[3].
La
Turquie est la seule actuellement à
manœuvrer aisément en Syrie. Toutefois,
cela est-il durable ? Y a-t-il une
coïncidence que la bataille d'Al-Ghouta
ait lieu au moment où l’armée syrienne
arrive aux frontières administratives de
la région d'Idlib[4] ?
Chose étrange, puisque c’est justement à
Idlib que de multiples groupuscules
armés ont été rapatriés suite à leur
sortie des diverses régions syriennes,
notamment des membres de l’organisation
Al-Nosra.
S’agit-il
vraiment d’une coïncidence que la
bataille d'Al-Ghouta commence en
parallèle des opérations de l’armée
turque nommées « Rameau d’olivier », en
l’occurrence au nord de la Syrie dans la
région d’Afrine[5] ?
Il convient de préciser que le rameau
d’olivier signifie, dans l’imaginaire
collectif oriental, un signe
d’apaisement et de paix, tandis que dans
les opérations turques il y a des morts
qui tombent tous les jours des deux
côtés de la frontière syro-turque[6].
Est-il nécessaire de préciser que ce qui
se passe à Afrine a été occulté par
l’actualité européenne ? … Tous les
regards se sont de fait tournés vers
Al-Ghouta.
Les
civils qui tombent quotidiennement à
Damas en raison des bombardements
sauvages et anarchiques des combattants
d’Al-Ghouta sur la ville, sont aussi
absents de l’actualité européenne ou à
peine mentionnés. Ceci ne signifie pas
qu’il n’y a pas de morts parmi les
civils d’Al-Ghouta, mais cela demeure
exagéré dans la bouche des médias de
masses.
[7]
Le scénario de la bataille d'Alep se
répète à l’identique à tous les niveaux.
Les combattants d’Al-Ghouta bombardent
les couloirs humanitaires. Néanmoins et
fort heureusement, des civils
parviennent avec l’aide de l’armée et de
ses alliés à sortir des zones de
combats.[8]
Les informations sur le terrain
affirment que l’armée syrienne aurait
déjà repris 80% du territoire
d'Al-Ghouta. L’armée a coupé Al-Ghouta
en deux voire en trois zones. Les
grandes villes comme Douma sont
entièrement encerclées et la ville de
Jisreen, stratégiquement importante, est
entièrement libérée tout comme le sont
les villages de Sakba et Kfar-Batna.
Quant à Douma, elle occupe une situation
exceptionnelle : elle exige un accord à
part, afin que soient libérés les
prisonniers et les otages détenus dans
les prisons de Jaych Al-Islam.
Que peut signifier l’avancée
relativement rapide de l’armée syrienne
dans la région d’Al-Ghouta ? Face au
retrait russe de la région d’Afrine
avant le début des opérations turques,
le but serait-il de déloger les
terroristes, libérer la zone et
sécuriser Damas, et se pourrait-il qu’il
y ait un quelconque accord tacite tel
que l’échange d’Al-Ghouta contre Afrine ?
Si une telle hypothèse se confirme, il
est certain que la Turquie est tombée
dans un piège et pourrait s’enliser dans
une guerre très coûteuse, similaire à
celle que connaît l’Arabie Saoudite au
Yémen.
En revanche, les victoires
successives de l’armée syrienne à
Al-Ghouta peuvent rapidement s’envoler
si les Etats-Unis demeurent toujours
décidés à frapper Damas[9].
De plus, les changements qu’a récemment
effectués le président américain Donald
Trump, dans son administration et dans
son entourage, ne permettent pas
d’envisager sereinement les choses.
Pourvu que les États-Unis
n'interviennent pas directement à
Al-Ghouta. Ni Israël d’ailleurs, surtout
au vu de la destruction de son avion de
combat F16 le 13 février 2018 par
l’armée syrienne, ce qui symboliquement
en dit beaucoup. Mais le durcissement
américain à partir des récentes
positions et déclarations au sujet de la
Syrie et de ses alliés -tout comme les
remaniements au sein de l’administration
américaine et dans l’entourage du
président Trump- garantie-t-il une
victoire américaine en Syrie en cas de
guerre directe ?
Les opérations à Afrine et à
Al-Ghouta vont mettre terroristes,
combattants syriens et kurdes devant un
fait accompli. Pour les premiers, la
bataille est entièrement perdue. Il leur
reste quelques semaines de nuisance, à
l’instar de ce qui s’est passé à Alep
avant l’effondrement final et leur
sortie vers la région d’Idlib. En ce qui
concerne les Kurdes, cela pourrait se
traduire par leur retour sous l’égide de
l’État, avec lequel les canaux de
négociations ont été ouverts depuis un
bon moment.
Certains observateurs affirment
que des forces populaires syriennes,
affiliées à l’armée régulière, sont
entrées dans la région d’Afrine afin
d'épauler les Kurdes face à l’armée
turque. Toutefois, les forces populaires
syriennes alliées de l’armée syrienne ne
sont pas l’armée syrienne. Ce qui
pourrait signifier que les Kurdes
demeurent hostiles à une présence
officielle de l’État. Ceci a également
été constaté dans la reprise par l’armée
turque de la ville d’Afrine, chassant
les Kurdes de cette zone, tandis qu’il
suffisait de laisser entrer l’armée
syrienne pour stopper l’offensive turque[10].
Après la bataille d’Al-Ghouta, ce
ne sera plus comme avant. Les dimensions
stratégiques semblent se modifier au
profit de la Syrie et de ses alliés. Une
éventuelle attaque américaine contre
Damas peut faire basculer les choses
vers une guerre régionale. La précaution
demeure le mot d’ordre…
Antoine Charpentier
[1]Accord
à Astana sur une quatrième "zone
de désescalade" en Syrie :
https://www.challenges.fr/monde/accord-a-astana-sur-une-quatrieme-zone-de-desescalade-en-syrie_499756
[2]
Syrie: Erdogan accuse l'Occident
de soutenir Daech :
https://www.lexpress.fr/actualite/monde/europe/syrie-erdogan-accuse-l-occident-de-soutenir-daech_1863966.html
[3]
L’information se confirme :
l’occident soutient le
terrorisme ! :
https://reseauinternational.net/linfo-se-confirme-loccident-soutient-le-terrorisme
[4]
Syrie : l’armée avance à Idlib :
http://french.almanar.com.lb/765994
[5]
Opération "Rameau d'olivier" :
combats meurtriers entre forces
turques et combattants kurdes :
https://www.lorientlejour.com/article/1095563/pour-le-troisieme-jour-lartillerie-turque-pilonne-afrine.html
[6]
Le rameau d’olivier symbole de
paix et de réconciliation, il a
été choisi par Dieu pour
signifier à Noé que le Déluge
fut fini et que la décrue pût
commencer, symbole du pardon.
L'olivier était un cadeau chargé
d'une signification gratifiante
lors des jeux olympiques à
Athènes. Couronne d'olivier et
jarres d'huile d'olive étaient
ainsi offertes aux vainqueurs.
L'olivier est réputé pour son
bois très compact, très lourd et
très dur. C'est en bois
d'olivier que furent faites les
massues d'Hercule et c'est avec
un pieu en bois d'olivier
qu'Ulysse terrassa le Cyclope
dans l'Odyssée.
[7]
« Damas visée par un
bombardement, cinq morts et plus
de 32 blessés », 16.11.2017,
https://sptnkne.ws/hbCK
[8]
« Des civils qui tentaient de
fuir la Ghouta tués par des
rebelles djihadistes », 1 mars
2018,
https://francais.rt.com/international/48426-quatre-civils-tues-par-rebelles-islamistes-tentant-de-fuir-ghouta
[9]
« Pourquoi les USA veulent
frapper Damas? », Mar 21, 2018,
http://parstoday.com/fr/news/middle_east-i59702-pourquoi_les_usa_veulent_frapper_damas
[10]
« Un accord entre Damas et les
Kurdes pour contrer l'offensive
turque à Afrin aurait échoué »,
16 févr. 2018,
https://francais.rt.com/international/48119-accord-entre-damas-kurdes-aurait-echoue
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