Liban
Liban : La normalisation jusqu’aux
derniers Chrétiens
Antoine Charpentier
Photo : Maurice Page
Vendredi 10 novembre 2017
Le Patriarche maronite Béchara
Al-Raï s’est fièrement rendu en mai 2014
en Palestine occupée, au mépris absolu
de l’opinion et du sentiment d’un grand
nombre de Libanais, se pavanant sous la
surveillance et la protection des
soldats israéliens. Le prétexte
qu’avançait le patriarche maronite était
d’effectuer un pèlerinage sur les lieux
saints du Christianisme, ainsi que de
rendre visite à ses ouailles maronites.
Ces dernières se sont en effet
volontairement réfugiées en Israël, lors
de la libération du sud Liban en l’an
2000[1],
préférant la protection de l’ennemi à la
justice de leur pays.
Après la
« normalisation par la théologie »,[2]
voilà que le patriarche maronite
s’apprête à pratiquer la normalisation
au nom de la soi-disant ouverture
d’esprit. Le patriarche n’est pas sans
savoir les intrigues et les manœuvres
que mène l’Arabie-Saoudite au Liban et
au Moyen-Orient. La rancœur ne doit pas
être la règle, mais la cohésion sociale
du Liban doit être la norme. L’éthique
chrétienne doit pousser le patriarche
maronite et sa clique à réclamer la paix
et la justice, et non pas à prendre
parti, dans un Moyen-Orient où les
droits humains sont de plus en plus
foulés, piétinés, bafoués.
Le clerc
maronite évoquera-t-il en Arabie
Saoudite des problèmes sensibles tels
que le Yémen, la Syrie ou l’Irak ?
Le patriarcat
maronite et sa basse-cour ne se sentent
pas concernés par ce que subit le peuple
yéménite depuis maintenant trois ans, ni
ce qu’éprouvent les peuples palestiniens
et syriens. Au contraire, le patriarche
maronite a trouvé judicieux de visiter
quelques-uns de leurs bourreaux, se
pavanant sous leurs protections,
mangeant à leurs tables.
Il convient
de préciser que le chef de l’église
maronite n’est pas contraint par les
visites d’Etats, encore moins par les
visites politiques, surtout lorsque les
intérêts stratégiques de son pays sont
en danger, et pendant que les enfants de
son peuple périssent dans la lutte
contre le sectarisme de type wahhabite.
Une fois
encore, le patriarche maronite se
démarque de certains choix politiques au
Liban et au Moyen-Orient, prenant
position, essayant d’affirmer
orgueilleusement son autorité affaiblie.
De surcroît, la visite du prélat
maronite en Arabie Saoudite n’a aucun
caractère pastoral, elle est typiquement
politique.
Le patriarche
Al-Raï ne déroge pas à la
caractéristique qui a longtemps imprégné
l’histoire des Maronites en général
depuis leur arrivée au Mont-Liban[3] :
celle de ne jamais vraiment adhérer aux
grandes causes des peuples du
Moyen-Orient. Le patriarcat maronite ne
s’est globalement jamais solidarisé avec
les peuples arabes dans leurs grands
combats, se mettant volontairement en
marge de tous les processus.
Tout au long
de l’histoire libanaise, le patriarcat
maronite s’est auto-exclu, s’est
déraciné de son environnement,
entraînant avec lui les autres
composantes chrétiennes au Moyen-Orient
à qui il a prétentieusement volé la
vedette.
Cependant,
les problèmes qu’affrontent actuellement
les Chrétiens arabes ne sont pas dus
uniquement aux autres, mais en partie
aux politiques menées par certains de
leurs chefs religieux. Ces derniers
demeurent les responsables d’un pan du
fiasco politique des Chrétiens et leur
déracinement du Moyen-Orient.
Il semblerait
que le patriarche maronite soit
mécontent que son rôle politique diminue
sur la scène libanaise depuis l’élection
de Michel Aoun à la présidence de la
République. L’histoire du Liban révèle
que le patriarcat maronite est
systématiquement en conflit avec tous
les chefs politiques de confessions
maronites qui lui font de l’ombre.
Bkerké[4]
considère depuis longtemps qu’elle est
l’autorité politique par excellence du
Liban, faute de séparations des
pouvoirs, et en l’absence de
l’instauration d’un État civil, moderne
et démocratique.
Par sa visite
en Arabie Saoudite, le patriarche
maronite risque de froisser gravement
une grande partie du peuple libanais,
dont une partie des Maronites. Par ces
démarches tordues, le patriarche Al-Raï
maintient les préjugés posés depuis
longtemps sur les Chrétiens, notamment
sur les Maronites d’être toujours du
côté de l’étranger au détriment du
concitoyen, du compatriote. Pourquoi le
patriarche agit-il ainsi ? A-t-il pensé
aux préjudices qu’une telle visite peut
amener aux Chrétiens, notamment aux
Maronites ? S’est-il concerté avec son
église avant de décider d’aller ici où
là ?
Nous
constatons encore une fois le
nombrilisme maladif du patriarche
maronite ainsi que d’une partie de son
clergé, prenant des positions très
sévères contre le Hezbollah et une
partie des Chiites libanais. Le
patriarche maronite doit être l’homme du
rassemblement, mais il semble que cela
ne soit pas une priorité pour ce
dernier.
Le patriarcat
maronite semblerait pratiquer une
ouverture d’esprit très sélective. Une
ouverture d’esprit teintée d’intérêts
politiques, utilisant l’étranger dans
ses luttes politiques contre les frères,
afin d’asseoir sa domination
autocratique, et son sens excessif de
supériorité.
Au moment où
le Moyen-Orient est en extrême
ébullition, la tête de l’église maronite
trouve pertinent de se rendre en Israël,
puis en Arabie Saoudite. Les deux pays
appartiennent au même axe
politico-stratégique, leur projet est
assez clair pour l’avenir du
Moyen-Orient. Quelle sera la prochaine
destination ?
Comment
convaincre que les Maronites soient
solidaires de leurs frères de la région
lorsque leur chef religieux effectue des
visites à ceux qui causent depuis des
décennies une grande partie de leurs
malheurs ?
Toutefois, le
patriarche maronite se laisse exploiter,
et à travers lui toute son église, par
une Arabie Saoudite au bord du gouffre,
qui désire donner l’illusion d’être un
pays ouvert et tolérant. Après avoir
permis très récemment aux femmes de
conduire, voilà qu’elle invite un
patriarche qui va s’exhiber à la cour du
Roi avec la croix sur son torse. La tête
du clergé maronite deviendra le pantin
du roi, et engagera les Maronites dans
une voie qui ne bénéficie qu’à sa
personne.
Suite à la
démission forcée du premier ministre
libanais Saad Hariri par l’Arabie
Saoudite et toutes les conséquences
négatives de cet événement sur le Liban
-ainsi que l’irrespect total de la
souveraineté libanaise par les
dirigeants saoudiens, Béchara Al-Raï
maintiendra-t-il sa visite au Royaume
wahhabite ?
Antoine
Charpentier
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