Vu du Droit
Emmanuel Macron, l’ivresse des
cimes
et les « discours coupables »
Anne-Sophie Chazaud
Vendredi 24 janvier 2020
Voici que, comme le souverain
pontife qui se met fréquemment à
raconter n’importe quoi sitôt qu’il est
en avion, saisi par quelque ivresse des
cimes, le président de notre Présipauté,
s’en revenant d’être allé imiter Chirac
à Jérusalem, fut saisi du même mal.
Celui, déjà,
de cette mode des fausses confidences
des hommes politiques où l’on feint
d’être naturel et où tout est calculé.
Celui,
ensuite, de proférer un nombre important
de paroles éminemment contestables voire
parfaitement stupides, et d’autres
carrément graves.
Passons sur
l’habituel couplet d’autoflagellation
comparant grosso modo la Shoah et la
guerre d’Algerie: que ne ferait-on pour
glaner quelques voix communautaristes…
La ficelle,
même bien enrobée dans une herméneutique
de pacotille, ne tient pas la route et
cette compétition mémorielle n’est pas
une nouveauté dans le kougloff
intellectuel qui tient lieu de pensée au
macronisme.
En revanche,
des paroles particulièrement
hallucinantes ont été tenues, au sujet
de la fronde sociale, dont la nuit
passée a offert un si beau visage, avec
ses multiples marches aux flambeaux,
dignes, joyeuses, chaleureuses, sans
violences (et c’est bien sans doute cela
qui dérange le plus le pouvoir).
En effet,
Emmanuel Macron a affirmé qu’en
opposition politique démocratique, on
avait « l’interdiction de la haine ».
Hier,
dans mon article chez Atlantico, je
mettais en garde contre le fait que le
vrai but avéré de la redoutable loi Avia
était, au-delà de favoriser le
minoritarisme militant, de museler, à
terme, l’opposition sociale et politique
que l’on assimilerait promptement à de
la « haine » que l’on criminaliserait
peu à peu, en soi, en tant que sentiment
coupable.
Il n’aura pas
fallu attendre un jour pour obtenir la
confirmation du bien-fondé de cette
analyse.
Emmanuel
Macron évidemment se trompe, à dessein,
puisqu’il s’agit là de mettre en place
une rhétorique et un processus
profondément anti-démocratique : en
démocratie, comme n’importe où, on a
parfaitement le droit d’avoir la haine,
de haïr un homme politique, un légume
vert, une chanson, une odeur, une
saison, un sport, un style vestimentaire
et même une religion qui nous sortirait
par les trous de nez. La haine est un
sentiment, une opinion, et elle est
particulièrement répandue voire
indispensable dialectiquement et
précisément en politique, et
particulièrement quand on a affaire à un
pouvoir sourd et aveugle qui avance tel
un Panzer en mode Blitzkrieg.
Emmanuel
Macron s’en est pris à ceux qui tiennent
des « discours politiques
extraordinairement coupables ».
Coupables, le mot est lâché.
Tout dans
cette phrase est grave : criminalisation
de la pensée, criminalisation de la
liberté d’expression, criminalisation de
l’opposition politique.
Et s’il se
trouve de nombreuses personnes qui
considèrent que, certes, nous ne sommes
pas encore en dictature mais plus tout à
fait en démocratie, il va bien falloir
finir par les entendre et les écouter.
Sauf à mettre
plus de la moitié du pays à la Bastille
avec un œil en moins.
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