Iran
A quels
résultats conduira l'échec de l'accord
sur le nucléaire iranien ?
Andreï Fedyachine
© Photo :
EPA
Lundi 11 novembre 2013
Le 12 novembre le secrétaire d'Etat
américain John Kerry achève sa tournée
proche-orientale. Il se trouve à Qatar
et tâche de convaincre Abou Dabi, Riyad
et Tel Aviv d'accepter l'accord
interimaire des médiateurs de l'ONU sur
le dossier nucléaire de Téhéran. Tous
les participants aux négociations
comprennent que le progrès est
impossible sans une volonté politique.
Les conséquences de l'échec des accords
qui ont failli intervenir à Genève
seront catastrophiques pour l'ensemble
de la région.
Un porte-parole du
département d'Etat a annoncé que John
Kerry était en contact permanent avec le
premier ministre israélien Benjamin
Netanyahu. En attendant, ce dernier
refuse formellement d'accepter toute
forme de l'accord sauf l'arrêt total et
immédiat du programme nucléaire et la
destruction de tous les sites nucléaires
d'Iran.
Selon le premier ministre
israélien, l'iran recevra la levée des
sanctions tandis que la communauté
international n'aura rien. L'Iran
conserve les sites nucléaires. C'est un
mauvais accord et Israël ne l'acceptera
jamais, a ajouté M. Netanyahu.
« Israël rejette entièrement
les accords de Genève. Beaucoup dans la
région partagent cette position. Israël
n'est pas tenu par cet accord et fera
tout le nécessaire pour se défendre et
défendre la sécurité de son peuple ».
John Kerry a déclaré à Abou Dabi
que l'accord avec l'Iran sera atteint au
cours des « prochains mois ».
L'optimisme de Kerry n'est pas évident.
Samedi 9 novembre la France a bloqué les
accords intervenus sur les étapes du
règlement de la crise nucléaire
iranienne. Cette démarche de Paris a
déconcerté les autres médiateurs de
l'ONU. Ceux-ci estiment que Paris a cédé
à la pression d'Israël et d'Arabie
saoudite, les deux pays hostiles à la
normalisation entre Téhéran et
Washington.
Soit Kerry sait quelque chose que
les autres ne savent pas encore, soit il
n'a plus de temps et de forces pour le
pessimisme. Car le niveau de ce dernier
s'est abaissé jusqu'à des prévisions
presqu'apocalyptiques allant depuis des
coups préventifs d'Israël contre Téhéran
jusqu'au renversement du président
modéré Rohani, en passant par la mise au
point de la bombe atomique iranienne et
une grande guerre régionale dans un
proche avenir.
Les experts russes divergent
là-dessus. Le président de l'Institut du
Proche-Orient, Evgueni Satanovski, fait
des prévisions les plus pessimistes. Il
estime que l'absence d'un accord
torpillera le régime de contrôle des
armes nucléaires.
« La situation relative à
l'existence ou à l'absence des armes
nucléaires en Iran est directement liée
à l'enterrement du régime de la
non-prolifération nucléaire. A mon avis,
cet enterrement aura lieu très vite.
Cela veut dire qu'au moins 25 ou 35 pays
entre 40 possédant les possibilités
technologiques de créer une arme
nucléaire s'en doteront au cours de ces
15 ou 20 prochaines années. Ce seront
des arsenaux nucléaires limités ayant
une faible puissance, mais ils pourront
être utilisés dans des conflits
régionaux.
Ces craintes ne sont pas dénuées de
fondements. L'Arabie saoudite déploie
son propre programme nucléaire qui
prévoit la mise en place de 16 réacteurs
d'ici 2030. Ces dix dernières années les
médias occidentaux écrivent que le
Pakistan, possédant déjà une bombe
nucléaire, est prêt à aider les
Saoudites avec les technologies de
production des munitions nucléaires. En
échange du pétrole bon marché.
Le directeur du Centre des études
socio-politiques de l'Institut IMEMO
Vladimir Evseev a confié en exclusivité
à La Voix de la Russie que le président
Hassan Rohani avait un crédit de
confiance, mais ce crédit disparaîtrait
si Rohani ne parvenait pas à s'entendre
avec l'Occident.
« Rohani pourra évidemment
bénéficier de ce crédit pendant un an
environ. Si, en un an, il ne parvient
pas à améliorer les relations avec
l'Occident et à régler le problème des
sanctions économiques, il aura affaire
non seulement aux conservateurs, à
l'instar de l'ex-président Ahmadinejad,
mais aussi aux modérés ou réformateurs.
Rohani est aussi un conservateur : le
conservatisme en Iran possède de
nombreuses nuances. Il faut retenir que
les chefs du Corps des gardiens de la
Révolution islamique et certaines autres
structures influentes s'opposent
activement à Rohani.
Vladimir Evseev pense que la
solution du problème nucléaire iranien
exigera du temps. Deux ou trois tours de
négociations ne suffiront pas, car trop
de problèmes se sont accumulés. Il faut
cependant retenir que la chance
semblable à celle que nous avons à
l'heure actuelle n'aura plus lieu. Plus
tard un compromis sera impossible pour
des raisons iraniennes intérieures,
estime Vladimir Evseev :
« Un espoir demeure.
Cependant une volonté politique
exclusive est indispensable pour engager
le processus d'amélioration des rapports
entre l'Iran et l'Occident. Alors
seulement on pourra entamer le processus
d'amélioration. C'est possible sous la
présidence de Rohani. Mais il est peu
probable que cela soit possible un an
plus tard.
Entre-temps une rencontre entre les
experts de l'AIEA et les Iraniens s'est
tenue la veille. Les parties ont débattu
des aspects techniques de la réduction
du programme nucléaire iranien. Des
analystes convergent cependant que sans
une volonté politique toute discussion
des aspects techniques n'aboutira à
rien.
© 2005—2013 La
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Publié le 12 novembre 2013
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