BDS
Une position forte et claire d’Amnesty
International en faveur des défenseurs
palestiniens et israéliens des droits
humains
Amnesty International
Samedi 16 avril 2016
Le gouvernement israélien doit mettre un
terme à l’intimidation des personnes qui
défendent les droits humains, et les
protéger contre les attaques
Les autorités israéliennes doivent
cesser leurs attaques contre les
défenseurs palestiniens des droits
humains et mettre un terme au climat
d’intimidation contre les personnes qui
défendent les droits humains en Israël
et les territoires palestiniens occupés.
Elles doivent prendre sans délai des
mesures en vue de leur fournir la
protection nécessaire pour que ces
personnes puissent mener leurs activités
librement et sans craindre d’être la
cible d’attaques et de harcèlement. Les
attaques et menaces dont ces personnes
sont victimes doivent faire l’objet
d’enquêtes et les responsables de ces
agissements doivent être tenus de rendre
compte de leurs actes.
L’escalade des actes d’intimidation
du gouvernement ainsi que des attaques
et menaces imputables aux colons et à
d’autres acteurs non étatiques a créé un
environnement de plus en plus dangereux
pour les personnes qui défendent les
droits humains en Israël et dans les
territoires palestiniens occupés. Israël
viole régulièrement les droits de la
population palestinienne à la liberté
d’expression et d’association dans les
territoires palestiniens occupés, et
prend pour cible les personnes qui
défendent les droits humains, qui sont
notamment victimes d’arrestations et de
détentions arbitraires,
d’incarcérations, de blessures et
d’actes de torture. Par ailleurs, les
autorités israéliennes ne les protègent
pas contre les attaques des colons et
d’autres militants d’extrême-droite et
elles sont, dans certains cas, complices
de ces faits. Israël a également pris
des mesures pour restreindre la liberté
d’expression à l’intérieur du pays, où
des agents de l’État ont recours à des
manœuvres d’intimidation visant des
défenseurs des droits humains. Des
initiatives législatives récentes
visant, semble-t-il, à entraver la
liberté d’expression vont de pair avec
une désapprobation croissante de
l’opinion publique envers les
détracteurs du gouvernement israélien,
et elles affectent de plus en plus les
juifs israéliens qui critiquent le
gouvernement et ses pratiques.
L’intimidation
d’Omar Barghouti par le gouvernement
israélien
Amnesty International est préoccupée
par la sécurité et la liberté d’Omar
Barghouti, défenseur palestinien des
droits humains, ainsi que d’autres
militants du mouvement Boycott,
Désinvestissement, Sanctions (BDS) à la
suite d’appels
évoquant des menaces, y compris de
violences physiques et de privation des
droits fondamentaux, proférées par
des ministres israéliens au cours d’une
conférence anti-BDS qui s’est tenue le
28 mars 2016 à Jérusalem. Omar Barghouti,
cofondateur et porte-parole de BDS, fait
campagne pour qu’Israël ait à rendre des
comptes pour les violations des droits
humains, entre autres violations du
droit international, et il préconise le
recours à des moyens non violents à
cette fin. Il a été personnellement
attaqué dans des commentaires et des
déclarations faites par des participants
à la conférence, dont des ministres, qui
l’ont décrit comme une menace à
éliminer.
Omar
Barghouti, cofondateur du Mouvement BDS
à Bruxelles, le 30 avril 2015.
(Photo : intal.be / CC 2.0)
Une déclaration particulièrement
alarmante a été faite par
Yisrael Katz, ministre des
Transports, du Renseignement et de
l’Énergie atomique, qui a appelé Israël
à s’engager dans des « éliminations
civiles ciblées » de chefs du BDS
avec l’aide des services de
renseignement israéliens. Cette
expression évoque les « assassinats
ciblés », un terme qui décrit la
politique israélienne prenant pour cible
les membres de groupes armés
palestiniens. D’autres ministres, dont
Gilad Erdan, ministre de la Sécurité
publique, des Affaires stratégiques et
de l’Information, ont qualifié de
menaces les chefs et les militants du
BDS et appelé à leur faire « payer
le prix » de leur action avant
d’expliquer que cela ne signifiait pas
des « violences physiques ».
Omar Barghouti a été attaqué par Arieh
Deri, ministre de l’Intérieur, qui a
déclaré envisager de lui retirer le
statut de résident permanent en Israël
et de le priver du droit de voyager
librement. Omar Barghouti a dit à
Amnesty International qu’il était très
inquiet pour sa sécurité et celle de sa
famille.
Les ministres et les autres
responsables gouvernementaux doivent
prendre en considération les
conséquences négatives du fait de
présenter comme des « menaces pour
la sécurité » des défenseurs des
droits humains ayant des activités
pacifiques et légitimes. De telles
déclarations publiques auront des
répercussions fortes et dangereuses en
Israël et dans les territoires
palestiniens occupés, tout
particulièrement vu l’environnement de
plus en plus dangereux dans lequel les
personnes qui défendent les droits
humains mènent leurs activités, en étant
soumises aux menaces et aux attaques
constantes de l’État, des colons et
d’autres militants de l’extrême droite.
Ce n’est pas la première fois qu’Omar
Barghouti est confronté à des menaces et
à l’intimidation, mais ces déclarations
sont les plus graves émanant de
responsables gouvernementaux. Les
ministres, qui sont tenus de protéger
les droits humains, doivent éviter de
faire en public des remarques
incendiaires contre Omar Barghouti et
d’autres défenseurs des droits humains.
Ils doivent retirer la menace qui a été
faite de restreindre arbitrairement sa
liberté de mouvement et d’annuler son
permis de résidence permanente en
Israël.
Les menaces de mort
contre Imad Abu Shamsiyeh
Imad Abu
Shamsiyeh
Le 24 février 2016,
Imad Abu Shamsiyeh, un habitant
palestinien de Tel
Rumeida, à Hébron, a filmé l’exécution
extrajudiciaire présumée d’Abed
al Fatah al Sharif par un soldat
israélien. La vidéo a été diffusée par
l’organisation israélienne de défense
des droits humains B’Tselem, ce qui a
entraîné l’arrestation du soldat, qui
fait l’objet d’une enquête. B’Tselem a
affirmé que depuis la diffusion de la
vidéo Imad Abu Shamsiyeh recevait des
menaces de mort proférées par des
Israéliens vivant dans les colonies
illégales voisines, et par par le biais
d’appels téléphoniques et de messages.
Des colons israéliens ont également jeté
des pierres sur sa maison. Cet homme
avait déjà été attaqué à maintes
reprises par des colons israéliens
vivant à proximité de son domicile, à
titre de représailles parce qu’il
recueillait des informations sur les
atteintes aux droits humains. Le
Palestine News Network a également
signalé que des soldats israéliens
avaient fait une descente au domicile
d’Imad Abu Shamsiyeh dans la nuit du 29
mars, officiellement pour vérifier
l’identité de défenseurs locaux et
étrangers des droits humains qui
vivaient chez lui à la suite des
menaces. Les autorités israéliennes
doivent déférer immédiatement à la
justice les individus qui ont menacé et
attaqué Imad Abu Shamsiyeh, et elles
doivent le protéger contre d’autres
attaques.
Menaces de mort
contre le personnel d’Al Haq
Al Haq est l’une des ONG
palestiniennes de défense des droits
humains les plus éminentes et
respectées. Ces derniers mois, elle a
été la cible – ainsi que d’autres ONG
palestiniennes- d’une campagne continue
visant à porter atteinte à son travail
au moyen d’appels téléphoniques et de
courriels anonymes. En février et en
mars 2016, un membre du personnel d’Al
Haq ainsi que le directeur de l’ONG ont
reçu des menaces de mort qui étaient
directement liées à l’action de
l’organisation auprès du Tribunal pénal
international (TPI) de La Haye. Le droit
d’Al Haq de travailler avec le TPI et de
promouvoir l’obligation de rendre des
comptes doit être respecté. Les
autorités compétentes doivent mener une
enquête débouchant sur la comparution en
justice des individus qui ont proféré
ces menaces graves.
L’arrestation et
l’emprisonnement d’Issa Amro et de Farid
al Atrash
Les autorités israéliennes ont arrêté
de manière arbitraire Issa Amro
et Farid al Atrash,
défenseurs palestiniens des droits
humains, à la suite d’une manifestation
pacifique à Hébron le
26 février 2016 pour réclamer la levée
des restrictions discriminatoires
imposées dans la ville. Les deux hommes
ont été inculpés par un tribunal
militaire et remis en liberté par la
suite. Amnesty International
considère qu’ils ont été arrêtés et
inculpés pour avoir simplement exercé
leur droit de réunion pacifique et de
liberté d’expression.
Issa Amro
Des habitants palestiniens et des
militants d’Hébron, en Cisjordanie
occupée, avaient organisé une
manifestation non violente le 26 février
2016 pour commémorer les 22 ans de la
fermeture pour la première fois par les
autorités israéliennes de la rue al
Shuhada (rue des Martyrs) dans la
Vieille ville, et réclamer la levée des
restrictions discriminatoires. Les
forces israéliennes ont réagi en
utilisant une force excessive et ont
tiré des grenades assourdissantes et
lacrymogènes sur la foule. Farid al
Atrash, avocat, a été arrêté ainsi qu’un
photo-journaliste qui a été relâché au
bout de quelques heures. Farid al Atrash
a été traduit devant un tribunal
militaire siégeant dans la base d’Ofer,
non loin de Ramallah, et il a été
inculpé de participation à une
manifestation interdite et d’agression
contre des militaires. Une vidéo de
l’arrestation montre cet avocat qui se
tenait pacifiquement face à des soldats
quand il a été poussé et traîné puis
arrêté violemment par des soldats
israéliens. Remis en liberté sous
caution le mardi 1er mars 2016, il
attend la confirmation de la date de la
première audience de son procès.
L’armée israélienne a arrêté le
militant Issa Amro, dont le groupe Youth
Against Settlements (YAS) avait organisé
la manifestation, dans l’après-midi du
29 février 2016, devant son domicile
dans le quartier de Tel Rumeida. Il a
été inculpé par un tribunal militaire
d’organisation d’une manifestation
interdite et de provocation. Remis en
liberté le 1er mars, il attend la
confirmation de la date de son procès.
Amnesty International estime qu’Issa
Amro et Farid al Atrash ont été arrêtés
pour avoir simplement exercé
pacifiquement leur droit à la liberté
d’expression et de réunion.
L’arrestation et
l’emprisonnement de Khalida Jarrar
Khalida
Jarrar au tribunal militaire israélien
d’Ofer. Photo : Alex Levac
Khalida Jarrar, parlementaire
palestinienne et défenseure des droits
humains, a été condamnée, le 6 décembre
2015, à 15 mois d’emprisonnement à
l’issue d’un procès inique devant un
tribunal militaire, au cours duquel il
est apparu que sa détention précédant le
procès -y compris le recours à la
détention administrative- avait servi à
la punir et à exercer des pressions sur
elle pour qu’elle accepte de plaider
coupable. Elle a finalement plaidé
coupable de deux des charges retenues
contre elle, en estimant ne pas pouvoir
être jugée équitablement. Ses avocats
ont affirmé que les autorités n’avaient
fourni aucun élément de preuve étayant
leurs accusations. Amnesty International
estime que la détention de Khalida
Jarrar, la procédure menée contre elle
et sa condamnation semblent constituer
des mesures punitives visant à
l’empêcher d’exercer son droit à la
liberté d’expression pacifique.
L’intimidation de
Breaking the Silence (Rompre le silence)
par le gouvernement israélien
Breaking the Silence est une
organisation israélienne établie par des
soldats israéliens pour informer le
public israélien sur les pratiques de
l’armée dans les territoires
palestiniens occupés, y compris celles
qui sont abusives ou criminelles. Depuis
décembre 2015, cette organisation fait
l’objet d’une campagne gouvernementale
concertée visant à nuire à ses
activités. Le ministre de la Défense,
Moshe Ya’alon, a interdit, le 14
décembre, à Breaking the Silence de
s’entretenir avec des soldats
israéliens. Cette mesure a été suivie,
le 15 décembre, d’une interdiction du
ministre de l’Éducation, Naftali
Bennett, de parler à des lycéens. Les
deux ministres ont affirmé que
l’organisation répandait des «
mensonges » contre l’armée, bien
qu’aucune preuve de fabrication n’ait
jamais été trouvée dans les témoignages
qu’elle publie.
Le 16 décembre, le Premier ministre
Benjamin Netanyahou a déclaré à la
Knesset que l’organisation «
ternissait l’image des soldats des FDI
[Forces de défense d’Israël] dans le
monde entier en essayant de lier les
mains d’Israël dans ses efforts pour se
défendre ». Ces déclarations sont
intervenues alors qu’une ONG
pro-gouvernementale diffusait une vidéo
affirmant que Yuli Novak, directeur de
Breaking the Silence, était un agent de
l’étranger qui travaillait pour aider
des « terroristes ». (Un
certain nombre d’autres responsables
d’ONG israéliennes éminentes figuraient
également dans la vidéo).
Le 17 mars 2016, un programme de la
télévision israélienne a diffusé une
vidéo dans laquelle on voyait des
chercheurs de Breaking the Silence qui
posaient des questions concernant le
déploiement de l’armée israélienne et
son équipement, dans le cadre d’une
interview. La video, qui avait été
tournée clandestinement par un groupe
pro-gouvernemental lié aux colons, a
suscité une condamnation sévère du
Premier ministre et d’autres
responsables gouvernementaux. Le 21
mars, le ministre de la Défense a accusé
les membres de Breaking the Silence
d’être des « traîtres » avant
de nuancer ses propos par la suite.
Une enquête préliminaire de l’armée
israélienne a révélé que l’organisation
n’avait recueilli aucune information
plus secrète que le niveau «
confidentiel », un niveau faible de
classification. Breaking the Silence a
fait observer que toutes les
informations qu’elle publiait passaient
par la censure militaire. Le fait de
chercher des informations sur
l’équipement militaire, les pratiques
opérationnelles et le déploiement est
une partie essentielle de l’analyse de
la conduite des opérations militaires
afin d’évaluer leur conformité avec les
normes du droit international
humanitaire et relatif aux droits
humains.
Le ton particulièrement violent et la
fréquence des invectives proférées par
les plus hauts responsables
gouvernementaux contre Breaking the
Silence est en contradiction totale avec
leurs responsabilités et semble avoir
pour objectif d’intimider l’organisation
et de dissuader les soldats de parler
avec ses représentants. Le gouvernement
israélien ne doit pas présenter les
personnes qui défendent les droits
humains comme des menaces pour la
sécurité du fait de leurs activités. Le
climat créé par les déclarations
gouvernementales semble avoir joué un
rôle dans les menaces et le harcèlement
émanant de particuliers israéliens et
visant le personnel de Breaking the
Silence et les membres de leur famille.
Les responsables gouvernementaux
israéliens doivent mettre immédiatement
un terme à l’intimidation de Breaking
the Silence. Ils doivent également
reconnaître le droit des particuliers et
des organisations d’enquêter sur les
allégations de violations des droits
humains et d’œuvrer pour les faire
connaître en Israël et à l’étranger. Ils
doivent ouvrir des enquêtes sur les
menaces et le harcèlement du personnel
de Breaking the Silence et des membres
de leur famille, et déférer à la justice
les responsables de tels agissements.
Les textes
législatifs israéliens visant à
restreindre la liberté d’expression
Les autorités israéliennes ont adopté
ces dernières années un certain nombre
de lois qui restreignent l’espace
d’opposition aux politiques et aux actes
du gouvernement. Citons, entre autres,
les lois qui privent de financement
public les organisations qui commémorent
la Nakba (catastrophe) – déplacement
forcé massif des Palestiniens au moment
de la création d’Israël en 1948 – et qui
érigent en « délit civil »
l’appel au boycott par une institution
ou un citoyen israélien d’institutions
ou d’entreprises israéliennes en réponse
à l’occupation israélienne ou aux
colonies illégales.
Des textes législatifs en instance
semblent avoir pour objectif de
restreindre la liberté d’expression et
d’association. Le 24 février, le
ministère israélien de la Justice a
donné son approbation préliminaire au
projet de loi de « loyauté
culturelle » qui, s’il est adopté,
accordera au gouvernement le pouvoir de
retirer à titre rétroactif le
financement d’activités culturelles
« contraires aux principes de l’État ».
Ce texte peut maintenant être soumis en
première lecture à la Knesset. Le 10
février 2016, celle-ci a adopté en
première lecture le « projet de loi
sur la transparence des ONG » qui
impose de nouvelles exigences de
rapports sur les financements des
organisations dont plus de 50 % des
fonds proviennent de gouvernements
étrangers. Ceci pénaliserait la plupart
des organisations israéliennes qui
examinent les violations des droits
humains commises en Israël et dans les
territoires palestiniens occupés, ou qui
sont opposées à l’occupation.
Des groupes israéliens de défense des
droits humains ont fait valoir que cette
loi était injuste et discriminatoire car
ils doivent déjà révéler leurs sources
de financement et que ce texte n’a pas
d’incidence sur la très grande majorité
des ONG pro-gouvernementales dont le
financement provient essentiellement de
sources privées (et qui sont soumises à
moins d’exigences de rapports). Amnesty
International craint que ce projet de
loi concerne moins la transparence et
soit davantage une stigmatisation à
motivation politique d’organisations
opposées à la politique et aux pratiques
du gouvernement israélien. Ce texte
semble avoir été conçu pour avoir un
effet dissuasif sur la liberté
d’expression et d’association en Israël.
Le gouvernement israélien doit cesser de
soutenir de tels projets de loi et faire
savoir clairement que les critiques de
ses politiques sont une partie
inaliénable du droit à la liberté
d’expression, et qu’il est légitime pour
des organisations de défense des droits
humains de rechercher des fonds à
l’étranger pour mener leurs activités.
Publié le 12 avril
2016 sur
Amnesty International
Le
dossier BDS
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