Palestine
Pourquoi les médias ne donnent-ils
jamais la parole
aux opposants israéliens ?
Amira Hass
Mardi 20 octobre 2015
Amira Hass, journaliste
israélienne, ne cesse de montrer les
véritables responsables et causes des
violences actuelles en Israël comme en
Palestine. Mais pas plus que pour Gideon
Levy, les "supports" de la propagande
officielle mensongère, ne relaient leurs
déclarations.
Que nous remarquions qu’il n’y a une
guerre que lorsque des juifs sont
assassinés n’enlève rien au fait que des
Palestiniens se font tuer tout le temps.
Oui, il y a une guerre, et le Premier
ministre Benjamin Netanyahu, avec son
mandat du peuple, a ordonné qu’elle
s’intensifie. Il n’écoute déjà pas les
messages de conciliation et
d’acceptation du Président palestinien
Mahmoud Abbas dans les périodes calmes,
pourquoi devrait-il les écouter
aujourd’hui ?
Netanyahu intensifie la guerre
principalement à Jérusalem-Est, avec des
orgies de punitions collectives. Il
révèle ainsi qu’Israël a réussi à
déconnecter physiquement Jérusalem de la
plus grande partie de la population
palestinienne, soulignant l’absence
d’une direction palestinienne à
Jérusalem-Est et la faiblesse du
gouvernement de Ramallah – qui tente
d’enrayer la dérive dans le reste de la
Cisjordanie.
La guerre n’a pas commencé jeudi
dernier, elle ne commence pas avec les
victimes juives, et elle ne prend pas
fin quand plus aucun juif n’est
assassiné. Les Palestiniens se battent
pour leur vie, dans le plein sens du
terme. Nous, juifs israéliens, nous
battons pour notre privilège en tant que
nation de maîtres, dans la pleine
laideur du terme.
Que nous remarquions qu’il n’y a une
guerre que lorsque des juifs sont
assassinés n’enlève rien au fait que des
Palestiniens se font tuer tout le temps,
et que tout le temps, nous faisons tout
ce qui est en notre pouvoir pour leur
rendre la vie insupportable. La plupart
du temps, il s’agit d’une guerre
unilatérale, conduite par nous, pour les
amener à dire « oui » au maître, merci
beaucoup de nous laisser en vie dans nos
réserves. Quand quelque chose dans
l’unilatéralité de la guerre est
perturbé, et que des juifs sont
assassinés, alors nous accordons notre
attention.
Les jeunes Palestiniens ne vont pas
se mettre à assassiner des juifs parce
qu’ils sont juifs, mais parce que nous
sommes leurs occupants, leurs
tortionnaires, leurs geôliers, les
voleurs de leur terre et de leur eau,
les démolisseurs de leurs maisons, ceux
qui les ont exilés, qui leur bloquent
leur horizon. Les jeunes Palestiniens,
vengeurs et désespérés, sont prêts à
donner leur vie et à causer à leur
famille une énorme douleur, parce que
l’ennemi auquel ils font face leur
prouve chaque jour que sa méchanceté n’a
pas de limites.
Même le langage est malveillant. Les
juifs sont assassinés, mais les
Palestiniens sont tués et meurent.
Est-ce vrai ? Le problème ne commence
pas avec le fait que nous ne sommes pas
autorisés à écrire qu’un soldat ou un
policier a assassiné des Palestiniens, à
bout portant, quand sa vie n’était pas
en danger, ou qu’il l’a fait par
télécommande, ou depuis un avion ou un
drone. Mais c’est une partie du
problème. Notre compréhension est
captive d’un langage censuré
rétroactivement qui déforme la réalité.
Dans notre langage, les juifs sont
assassinés parce qu’ils sont juifs, et
les Palestiniens trouvent leur mort et
leur détresse, parce que c’est
probablement ce qu’ils cherchent.
Notre vision du monde est façonnée
par la trahison constante par les médias
israéliens de leur devoir de rapporter
les évènements, ou leur manque de
capacité technique et émotionnelle à
contenir tous les détails de la guerre
mondiale que nous sommes en train de
conduire afin de préserver notre
supériorité sur le territoire entre le
fleuve et la mer.
Pas même ce journal n’a les
ressources économiques pour employer 10
journalistes et remplir 20 pages
d’articles sur toutes les attaques en
période d’escalade et toutes les
attaques de l’occupation en période de
calme, depuis les fusillades lors de la
construction d’une route qui détruit un
village jusqu’à la légalisation d’un
avant-poste colonial et à un million
d’autres agressions. Chaque jour. Les
exemples pris au hasard que nous
arrivons à rapporter ne représentent
qu’une goutte dans l’océan, et ils n’ont
aucun impact sur la compréhension de la
situation par la grande majorité des
Israéliens.
Le but de cette guerre unilatérale
est de forcer les Palestiniens à
renoncer à leurs exigences nationales
dans leur patrie. Netanyahu veut
l’escalade parce que jusqu’à maintenant,
l’expérience a prouvé que les périodes
de calme après le bain de sang ne nous
ramènent pas à la ligne de départ, mais
plutôt rabaissent à un niveau toujours
plus bas le système politique
palestinien, et ajoutent aux privilèges
des juifs dans un Grand Israël.
Les privilèges sont le principal
facteur qui déforme notre compréhension
et notre réalité, en nous aveuglant. À
cause d’eux, nous échouons à comprendre
que même avec une direction faible,
« présente-absente », le peuple
palestinien – dispersé dans ses réserves
indiennes – n’abandonnera pas, et qu’il
continuera de puiser la force nécessaire
pour résister à notre maîtrise
malveillante.
Source : Haaretz (Quotidien
israélien, édition du 9 octobre)
(Traduction : JPP pour le Collectif
Solidarité Palestine de Saint-Nazaire)
CAPJPO-EuroPalestine
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