Palestine
Le nouveau plan “de paix” de Netanyahu
est
directement inspiré de l’apartheid
d’Afrique du Sud
Ali Abunimah
Des
citoyens palestiniens d’Israël
manifestent contre des démolitions de
maisons à Arara, commune de la région de
Wadi Ara, que Netanyahu veut transférer
dans une entité palestinienne, Janvier
2017. (Keren Manor/ActiveStills)
Dimanche 30 juillet 2017
Benjamin Netanyahu propose que les
citoyens palestiniens d’Israël
soient déchus de leur citoyenneté dans
le cadre d’un accord de “paix” qui les
placeraient dans une future entité
palestinienne.
Le Premier Ministre
israélien a récemment déclaré à des élus
américains, selon un
article paru dans Haaretz,
que “les communautés arabes israéliennes
pourraient être placées sous contrôle
palestinien” dans le cadre d’un accord
sur le statut final.
“En échange,”
rapporte le journal basé à Tel-Aviv,
“Israël annexerait des colonies de la
Cisjordanie.”
Communément appelée
“transfert,” cette proposition
équivaudrait à un nettoyage ethnique. Ce
n’est pas une idée nouvelle, mais le
fait que Netanyahu l’aborde représente
une étape supplémentaire pour le
gouvernement israélien vers l’adoption
formelle de pratiques considérées comme
tabou par le passé par de nombreux
Israéliens.
La zone que
Netanyahu convoite – au moins dans un
premier temps – est Wadi Ara, une région
au Nord, incluant la principale ville,
Umm al-Fahm.
Environ 1,5
millions de Palestiniens ont la
citoyenneté en Israël. Ils sont les
survivants et les descendants de la
Nakba, le nettoyage ethnique sioniste de
la grande majorité de la population
palestinienne de ce qui devint l’état
d’Israël, avant et après qu’il soit
établi en 1948.
L’idée que cela
serait un “échange” est clairement
absurde car, pour commencer, rien de ce
que Netanyahu propose d’échanger n’est à
Israël : les colons de la Cisjordanie
vivent sur une terre volée aux
Palestiniens
en violation du droit international.
En outre, les
droits des citoyens palestiniens
d’Israël – qui, dans le cadre d’une
telle mesure seraient privés du droit à
déterminer leur propre sort sur leur
terre de naissance – ne sont pas des
cadeaux d’Israël, établi chez eux avec
force et violence à leurs dépends.
Les soi-disant
échanges de populations nous rappelle à
un passé sombre; ils furent pratiqués
avant l’ère moderne, lorsqu’il était
admis que les monarques traitent les
populations comme leurs propriétés.
Mais la Déclaration
Universelle des Droits de l’Homme et
autres standards entérinés après les
atrocités de la deuxième guerre
mondiale, donnèrent des droits aux
individus et rendirent illégaux le
déplacement forcé et la destitution
arbitraire de citoyenneté et de
nationalité.
Mais comme je
l’explique dans mon livre de 2014
La bataille pour la justice en Palestine,
l’affirmation d’Israël au “droit
d’exister en tant qu’état juif” ne peut
être réalisé sans
la violation massive et constante
des principes les plus fondamentaux des
droits humains, égalité et antiracisme.
Logique
d’apartheid
On peut la voir en
suivant la logique de la proposition de
Netanyahu. Il parle du transfert comme
faisant partie de l’accord pour un “
statut final ”.
Mais quel genre de
“paix” Netanyahu envisage-t-il ? Dans sa
première rencontre à la Maison Blanche
avec le Président des Etats-Unis Donald
Trump en février, le dirigeant israélien
ne s’est engagé explicitement dans
aucune sorte de “solution à deux états.”
Il
insista, cependant, que dans tout
accord, les Palestiniens devraient
reconnaître qu’Israël est un “état juif”
et qu’il “doit maintenir un contrôle
sécuritaire prépondérant sur la totalité
de la zone à l’Ouest du Jourdain. ”
Donc en
additionnant tous ces éléments , le plan
de Netanyahu consisterait à « prendre »
les Palestiniens en Israël, qui
possèdent actuellement des droits en
tant que citoyens – quoique
limités par la loi et inférieurs aux
Juifs – et à les déplacer là où ils
n’auraient aucun droit, tout comme le
reste des Palestiniens sous occupation
militaire israélienne perpétuelle.
En Mars, un
remarquable
rapport de l’ONU conclu qu’ “Israël
a établi un régime d’apartheid qui
domine l’ensemble du peuple
palestinien.”
“ La mission de
préserver Israël en tant qu’État juif a
inspiré, voire contraint, Israël à
poursuivre plusieurs politiques raciales
générales,” explique le rapport. Ceci
comprend “l’ingénierie démographique
dans le but de constituer et de
maintenir une majorité juive écrasante
en Israël”.
La dernière
proposition de Netanyahu correspond
précisément à ce modèle, et par
conséquent confirme une nouvelle fois
qu’Israël pratique un régime
d’apartheid.
Le rapport de l’ONU
note également qu’alors qu’Israël
maintient un système démocratique formel
pour les citoyens de l’état, il interdit
quiconque d’utiliser ce système pour
défier l’organisation fondamentalement
raciste du régime : “La loi israélienne
interdit l’opposition palestinienne
organisée à la domination juive, en la
rendant illégale et même séditieuse.”
Netanyahu fermerait
la porte à la simple menace que les
citoyens palestiniens d’Israël utilisent
leur vote pour défier cette domination
en les dépouillant de leur citoyenneté.
Bantoustans
Le rapport de
l’ONU,
rapidement supprimé par le
Secrétaire général de l’ONU à la demande
de l’Amérique, souligne qu’il ne compare
pas directement Israël à l’Afrique du
Sud.
Il mesure plutôt
Israël à la définition du
crime d’apartheid dans le droit
international, qui est
inclue au statut fondateur de la
Cour Pénale Internationale.
La proposition de
Netanyahu suit pourtant de près le
précédent créé par l’apartheid de
l’Afrique du Sud.
Alors que le régime
raciste était soumis à une pression
accrue pour mettre fin à la suprématie
blanche à la fin du 20ème siècle, il
créa un système de “bantoustans”
– théoriquement des états indépendants
gouvernés par les Noirs.
Si les Noirs
voulaient voter, le gouvernement
d’apartheid les invitait à prendre la
citoyenneté de l’un de ces bantoustans –
bandes de terres pauvres, étendues à
travers des régions isolées de l’Afrique
du Sud.
Mais l’
“indépendance” de ces états – reconnus
par aucun pays – était une complète
imposture. Ils étaient des dictatures de
pacotilles menées par des collaborateurs
du régime raciste blanc.
Les bantoustans
étaient un mécanisme qui servait à
supprimer les Noirs physiquement – en
les encourageant ou en les forçant à y
migrer – et politiquement d’Afrique du
Sud, sans leur donner de véritables
droits.
Il est très
difficile de trouver des différences
avec ce que Netanyahu – qui a clairement
déclaré
son aversion envers le vote des
citoyens palestiniens d’Israël – est en
train de proposer.
Il existe cependant
une différence clé : contrairement à
l’Afrique du Sud dont les bantoustans
rencontraient un rejet universel,
nombreux sont ceux dans la soi-disant
communauté internationale,
dont Barack Obama quand il était
président, qui ont adopté avec
enthousiasme la conception raciste et
ségrégationniste d’Israël avec le slogan
“deux états pour deux peuples.”
Garantir la
suprématie
L’idée de découpage
racial des circonscriptions électorales
a rencontré un certain succès auprès des
plus fervents admirateurs d’Israël.
Henry Kissinger,
l’ancien secrétaire d’état des
Etats-Unis, qui possède
une longue liste de crimes de guerre à
son actif, dont
le meurtre de millions de personnes
en Asie du Sud-est,
a conseillé Israël en 2004 de
“transférer du territoire des
populations arabes significatives du
Nord d’Israël afin d’améliorer
l’équilibre démographique.”
Ces dernières
années, il existe deux principaux
adeptes israéliens de l’idée d’un
nettoyage ethnique accru des
Palestiniens, annoncé comme des
“échanges de terres.”
Avigdor Lieberman, le colon de
Cisjordanie qui est actuellement le
Ministre de la Défense israélien, défend
depuis longtemps cette approche.
Il y a une dizaine
d’années Lieberman
a déclaré qu’il soutiendrait une
“solution à deux états” tant que
celle-ci apporterait une vraie
ségrégation en se débarrassant des
citoyens palestiniens d’Israël.
“Le principe maître
doit être un échange de territoires et
de populations,” a-t-il dit. “Ce n’est
pas que nous sommes contre la solution
de deux états pour deux peuples,” a
ajouté Lieberman. “Au contraire, nous la
soutenons : deux états pour deux
peuples, et non un état et demi pour un
peuple, et une moitié d’état pour
l’autre.”
Du point de vue de
Lieberman, le risque d’une solution à
deux états sans transfert serait
qu’Israël finirait par être un “demi
état” – autrement dit que les Juifs ne
pourraient pas garantir leur domination
dans une entité avec plus d’un million
et demi de citoyens non-Juifs qui
attendent des droits démocratiques et
civiques égaux.
Lieberman a
récemment réaffirmé dans un
post sur Facebook que l’état juif
devrait en définitive être nettoyé
ethniquement de la quasi totalité des
Palestiniens.
“Il n’y a pas de
raison pour que Sheikh Raed Salah, Ayman
Odeh, Basel Ghattas ou Haneen Zoabi
continuent d’être citoyens israéliens,”
a-t-il déclaré en référence à d’éminents
politiciens palestiniens, trois d’entre
eux à l’époque membres du parlement
israélien, la Knesset.
Une troisième
Nakba?
L’autre adepte clé
est
Tzipi Livni, l’ancienne Ministre des
Affaires Etrangères, soi-disant
“pacifiste”, qui est
recherchée pour interrogatoire, dans
le cadre des enquêtes sur les crimes de
guerre, par les procureurs de plusieurs
pays.
En 2007, Livni
a déclaré : “l’état palestinien à
établir ne sera pas une solution
seulement pour les Palestiniens qui
vivent en Judée et Samarie [la
Cisjordanie]. Il est dessiné pour
apporter une solution nationale complète
– pour ceux vivant en Judée et Samarie,
ceux dans les camps de réfugiés, et même
pour les citoyens [arabes] d’Israël.”
Faisant partie du
gouvernement d’Ehud Olmert la même
année, Livni a officiellement soumit
l’idée de transfert aux négociateurs
palestiniens,
expliquant : “Notre idée est de se
référer à deux états pour deux peuples.
Ou deux états nations, Palestine et
Israël, vivant côte à côte, en paix et
en sécurité, chaque état constituant la
patrie de son peuple et la réalisation
des aspirations nationales et
l’autodétermination.”
Puisqu’aucun
dirigeant israélien n’a jamais
sérieusement proposé de donner à un état
palestinien les mêmes droits et la même
souveraineté qu’Israël exige pour
lui-même, ces déclarations sont des
appels à peine déguisés à la
perpétuation du processus historique
sioniste de déposséder les Palestiniens
et
d’appeler cela la “paix.”
Il ya quelques
jours, le Ministre israélien Tzachi
Hanegbi a même
menacé les Palestiniens d’une
“troisième Nakba” – en référence au
nettoyage ethnique israélien des
Palestiniens en 1948 et 1967.
Certain se demande
si la dernière proposition de Netanyahu
est ce à quoi il faisait référence.
Traduction:
Lauriane G. pour l’Agence Média
Palestine
Source :
Electronic Intifada
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