ISM
Le discours du
président français
à l'occasion du jour de l'Holocauste
présage une répression des partisans de
la Palestine
Ali Abunimah
Manifestation en soutien à la résistance
palestinienne
pendant l'attaque israélienne sur Gaza,
Paris, juillet 2014
Jeudi 29 janvier 2015
Le
président français François Hollande a
profité d'un discours à l'occasion de la
Journée internationale de commémoration
en mémoire des victimes de l’Holocauste
pour confirmer que son gouvernement
envisage de renforcer son contrôle sur
ce que les gens sont autorisés à dire en
ligne. La répression prévue fait
craindre que les autorités françaises
n'utilisent leurs pouvoirs pour censurer
davantage toute parole critique d'Israël
sous couvert de lutte contre
l'antisémitisme.
"L'antisémitisme
a changé de visage, mais il n'a pas
perdu ses racines millénaires,"
a dit Hollande lors de la
commémoration du 70ème anniversaire de
la libération d'Auschwitz par l'armée
soviétique. "Aujourd'hui, il se
nourrit aussi de la haine d'Israël",
et "il importe ici les conflits du
Moyen-Orient."
Cet amalgame de l'antisémitisme avec la
critique d'Israël
présage d'initiatives encore plus
sévères en France pour réprimer le
mouvement de solidarité avec la
Palestine.
Le discours de Hollande fait suite à une
répression de grande ampleur, en France,
qui a vu des dizaines de personnes
condamnées à la prison pour des choses
qu'elles ont dites ou écrites depuis que
trois Français armés ont assassiné 17
personnes, au début de ce mois, dans des
attaques contre les bureaux du magazine
raciste Charlie Hebdo, contre un
supermarché juif et contre la police.
Reproche à l'encontre d'Israël
Hollande a aussi indirectement reproché
à Israël ses efforts
pour précipiter le transfert de la
population juive de France, disant aux
juifs français, "votre place est ici,
chez vous. Notre pays ne serait plus la
France si nous devions vivre sans vous."
Dans des commentaires susceptibles
d'irriter les responsables israéliens
qui espèrent exploiter les attaques
récentes en France pour encourager des
départs de juifs, Hollande a dit : "Si
le terrorisme vous conduisait à vous
éloigner de la terre de France, de la
langue française, de la culture
française, de la république française
qui a émancipé les juifs, alors le
terrorisme aurait atteint son but."
Les responsables israéliens considèrent
que les juifs français sont une réserve
potentielle de population pour remplir
les colonies construites en violation du
droit international en
Cisjordanie occupée.
Contrôle de la liberté
d'expression
Hollande
a confirmé le renforcement des
sanctions contre le racisme et
l'antisémitisme. "Je veux aller plus
loin, en améliorant la visibilité et
l'efficacité des sanctions : ce qui
supposera de généraliser la
caractérisation raciste et antisémite
comme circonstance aggravante d'un
délit, et sortir la répression de la
parole raciste et antisémite du droit de
la presse pour l'intégrer au droit pénal
général."
Il a dit que les plateformes Internet
qui gèrent les réseaux sociaux devaient
être "mises devant leurs
responsabilités", et que des
sanctions seraient prononcées en cas de
manquements.
L'annonce de Hollande confirme les plans
déjà établis par les responsables
après l'attaque contre Charlie Hebdo,
qui verraient des contrôles juridiques
plus étroits sur la parole en ligne,
dont le pouvoir des ministres de bloquer
des sites.
Le ministre de l'Intérieur Bernard
Cazeneuve
a également annoncé que "la
veille de l'Internet, en particulier les
réseaux sociaux, sera confiée" à la
DGSI et au service central du
renseignement territorial.
Soutien du lobby israélien
français
Roger Cuckierman, président du CRIF, la
principale organisation française pour
les groupes communautaires juifs, a
rencontré les hauts fonctionnaires du
gouvernement au début du mois pour faire
pression pour des contrôles plus stricts
sur l'Internet et des peines plus
sévères pour la parole illégale.
Le CRIF, qui est également le plus
important groupe de défense d'Israël
en France, a précisément
demandé les mesures qui ont été
annoncées - Retirer le racisme et
l'antisémitisme de la loi sur la presse
pour en faire un délit de droit commun
et lois sur les réseaux sociaux (Twitter,
Facebook, Google, Youtube) "pour
lutter efficacement contre la diffusion
d'appels au terrorisme et de propos
antisémites".
Bien que le CRIF affirme
vouloir lutter contre le sectarisme et
le racisme, le groupe est apparemment
très tolérant vis-à-vis du racisme
violent tant que cette haine est dirigée
contre les Palestiniens, les Arabes ou
les musulmans.
Le président du CRIF, Cuckierman, a par
exemple
accueilli le ministre israélien
extrémiste anti-palestinien Naftali
Bennett, dont le parti nie le droit à
l'auto-détermination et même l'existence
du peuple palestinien, et qui s'est
vanté : "J'ai tué beaucoup d'arabes
dans ma vie - et il n'y a aucun problème
avec ça."
Un autre membre éminent du parti de
Bennett, l'avocat Ayelet Shaked, est
connu pour avoir appelé au génocide des
Palestiniens, y compris l'extermination
des mères palestiniennes parce qu'elles
donnent naissance à des "petits
serpents". Rien de tout cela ne
semble poser de problème au CRIF.
Confusion entre antisémitisme et
critique d'Israël
Dire que c'est une bonne chose que des
lois régissent les paroles des gens peut
engendrer de fortes divergences, mais
tout un chacun devrait convenir que le
sectarisme fondé sur la religion,
l'origine ethnique, la race ou autres
caractéristiques est une erreur.
Le problème est qu'Israël
et ses partisans essaient depuis des
années de brouiller la ligne entre
antisémitisme - sectarisme contre les
juifs parce qu'ils sont juifs - d'une
part, et d'autre part la critique de
l'occupation coloniale, des massacres et
de la violence d'Israël
contre les Palestiniens.
Cette campagne européenne a remporté un
succès récent au Royaume-Uni, où un
document politique du gouvernement
a déclaré que le boycott des
institutions universitaires israéliennes
complices de l'oppression des
Palestiniens était "anti-juif".
L'objectif est de faire de la critique
d'Israël ou de
l'idéologie sioniste
qui motive sa colonisation de la terre
palestinienne un tabou, en associant la
défense des droits palestiniens à des
formes inacceptables ou illégales de
sectarisme.
Renforcement du contrôle sur la
défense de la Palestine
Sur le site internet français
d'actualités du numérique sous un angle
technique, politique et juridique
Numerama, le chroniqueur Guillaume
Champeau
a averti que l'autorité
administrative pourrait bientôt être en
mesure de bloquer les sites sans
contrôle judiciaire, ciblant ceux qui
critiquent Israël :
"Or l'on sait que le Premier ministre
Manuel Valls a une vision
particulièrement large de ce qu'est
l'antisémitisme," écrit Champeau, "puisqu'il
y inclut non seulement la haine à
l'encontre des Juifs, ce qui ne fait pas
débat, mais aussi désormais les discours
les plus virulents et systématiques
contre la politique interne ou étrangère
d'Israël, et contre les
personnalités dites 'sionistes' qui la
soutiennent."
Champeau fait référence à un discours
prononcé par le Premier ministre
français en mars dernier lors d'une
conférence au CRIFsur
la lutte contre antisémitisme :
"Cet antisémitisme, et c'est la
nouveauté, se nourrit de la haine d'Israël.
Il se nourrit de l'antisionisme",
avait-il déclaré. "Parce que
l'antisionisme, c'est la porte ouverte à
l'antisémitisme. Parce que la mise en
cause de l'Etat d'Israël,
(...) basée sur l'antisionisme, c'est
l'antisémitisme d'aujourd'hui."
Champeau affirme que la différence entre
antisionisme et antisémitisme "n'est
pas toujours claire" mais "la
distinction reste réelle et absolument
nécessaire dans une démocratie" et "elle
ne peut pas être confiée à l'Etat."
Les Palestiniens ont toujours insisté
sur le fait que leur lutte n'est pas
dirigée contre les juifs. En 2012, par
exemple, des dizaines de militants et
d'intellectuels palestiniens bien connus
ont signé
une lettre réaffirmant "un
principe clé de notre mouvement pour la
liberté, la justice et l'égalité : la
lutte pour nos droits inaliénables est
opposée à toutes formes de racisme et de
sectarisme, y compris, mais de manière
non exhaustive, à l'antisémitisme,
l'islamophobie, le sionisme, et autres
formes de sectarisme à l'encontre de
quiconque, et en particulier les
personnes de couleurs et les peuples
indigènes partout dans le monde."
La lettre s'oppose également à "l'utilisation
cynique et sans fondement du terme
d'antisémitisme comme outil pour
étouffer la critique d'Israël
ou l'opposition au sionisme."
La France a déjà une histoire de
répression d'Etat de la défense des
droits palestiniens, y compris des
procès contre des militants qui
appellent au boycott de l'Etat israélien
et des entreprises et institutions
complices de ses violations des droits
de l'homme, et une interdiction de
manifester contre l'attaque d'Israël
sur Gaza l'été dernier.
Préoccupé par les implications plus
larges des mesures du gouvernement,
Amnesty International a déjà lancé une
pétition exhortant Hollande à
protéger la liberté d'expression.
Avec le renforcement de la répression,
la vie va devenir plus dure pour les
partisans des droits palestiniens en
France.
Source :
Electronic Intifada
Traduction : MR pour
ISM
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