Agence Média
Palestine
L’UE et la pandémie vont-elles ouvrir la
voie
à une surveillance mondiale
israélienne ?
Ali Abunimah
Le ministre
israélien de la Défense Naftali Bennett,
à gauche, avec l’ambassadeur Emanuele
Giaufret,
espère maintenant que d’autres
pays achèteront un système de repérage
du coronavirus fabriqué
par une
entreprise d’espionnage impliquée dans
l’assassinat du journaliste saoudien
Jamal
Khashoggi.
(via
Twitter)
Jeudi 23 avril 2020 Par Ali Abunimah,
13 avril 2020
La pandémie du
coronavirus est une opportunité
considérable pour les gouvernements et
les entreprises d’espionnage d’étendre
leur portée, y compris dans la vie
privée des individus.
Les autorités de
santé publique affirment qu’un
tracking efficace sera essentiel
pour mettre fin à de longs confinements
et mettre rapidement un stop à de
nouveaux rebonds du virus, au moins
jusqu’à ce qu’un vaccin soit développé.
Cela signifie que
les technologies de surveillance qui
promettent d’identifier rapidement
quiconque est exposé au virus peuvent
certainement trouver un marché mondial.
Le danger étant que ce genre de
surveillance intrusive devienne
permanent.
Le célèbre
NSO Group est l’une des entreprises
qui cherche à tirer parti de cette
opportunité.
C’est la société
qui produit le logiciel malveillant
appelé Pegasus qui peut discrètement
s’insérer dans le téléphone portable
d’une cible.
Il peut ensuite
être utilisé pour renvoyer presque
toutes les informations privées à ceux
qui espionnent, y compris les
enregistrements, les captures d’écran,
les mots de passe, mails et textes.
L’industrie
technologique tant vantée d’Israël a des
liens profond avec l’appareil militaire
et d’espionnage du pays, qui utilise les
Palestiniens sous occupation armée comme
d’involontaires cobayes pour des
systèmes qui sont maintenant mis en
vente pour d’autres pays.
Et on découvre
maintenant que les gouvernements
européens sont prêts à profiter de cette
structure abusive et oppressive, au
prétexte de combattre la pandémie.
Pegasus du Groupe
NSO, qui n’est vendu qu’à des
gouvernements, a été abusivement utilisé
contre des journalistes et des militants
des droits de l’Homme dans
des dizaines de pays. Parmi les
utilisateurs suspectés, il y a le Maroc,
le Mexique, les Emirats Arabes Unis, le
Bahreïn et le Kazakhstan.
Pegasus a également
été
impliqué dans l’assassinat de Jamal
Kashoggi, le journaliste saoudien attiré
dans le consulat de son pays en 2018 à
Istanbul et sauvagement assassiné et
dépecé.
Amnesty
International, dont l’équipe a été
ciblée grâce au logiciel malveillant
du Groupe NSO,
poursuit la société en justice pour
faire stopper son rôle dans la
surveillance abusive.
Facebook
intente également un procès à NSO
Group pour avoir compromis sa
plate-forme de messagerie WhatsApp afin
d’aider des gouvernements à espionner
environ 1.400 personnes.
« Tentative
cynique »
Aujourd’hui, les
experts de la vie privée et pour les
droits humains s’inquiètent du fait que
NSO Group soit à la pointe d’un effort
de surveillance du coronavirus
sponsorisé par le gouvernement israélien
qui pourrait être adopté dans d’autres
pays.
Le ministre
israélien de la Défense Naftali Bennett
s’est
vanté le mois dernier que son
ministère et l’armée israélienne aient
travaillé avec NSO Group au
développement d’un système qui permette
de donner aux Israéliens une évaluation
de la probabilité qu’ils avaient d’être
infectés par le nouveau coronavirus.
D’après le journal
financier israélien Globes, « ce
système collectera des informations sur
les Israéliens, les mettra à jour en
temps réel et attribuera à chaque
Israélien un ‘taux d’infection’ sur une
échelle de un à 10 ».
Vice.com a fait des
recherches sur la technologie de NSO
Group.
Le site décrit le système
fabriqué par NSO Group, et un système
semblable développé par l’entreprise
italienne Cy4Gate, comme «
essentiellement des outils de
surveillance de masse qui aideraient les
gouvernements et les autorités de santé
à garder la trace des mouvements de
chaque citoyen et à rester en contact
avec eux ».
Dans ce but, selon
Vice.com, NSO Group a « adapté
l’interface utilisateur et l’outil
analytique qu’il avait déjà développés
pour pouvoir l’utiliser parallèlement à
son puissant logiciel malveillant connu
sous le nom de Pegasus, qui peut pirater
les téléphones portables et en extraire
des données comme les photos, les
messages et les appels téléphoniques
».
Ce nouveau système,
appelé Fleming, « permet aux
analystes de dépister où vont les gens,
qui ils rencontrent, combien de temps,
et où ».
Les individus sont
censés se voir attribuer un numéro
d’identification secret pour protéger
leur vie privée, mais une source de NSO
Group a affirmé à Vice.com que le
gouvernement peut enlever l’anonymat «
lorsque nécessaire ».
En réalité, c’est
du piratage en temps réel.
« Il s’agit
d’une tentative extrêmement cynique de
la part d’une célèbre entreprise de
logiciels espions pour se lancer dans la
surveillance de masse », a affirmé
John Scott-Railton, chercheur à Citizen
Lab de l’université de Toronto, à Vice.
Citizen Lab a joué
un rôle juridique essentiel en
dévoilant comment le logiciel
malveillant de NSO Group a été détourné
de son usage à travers le monde.
« Chaque citoyen
dans le monde veut revenir à la normale
dès que possible. La ruée vers l’or de
la technologie de surveillance pourrait
facilement signifier qu’il y a une
attente normale de vie privée à laquelle
il nous sera très difficile de revenir
», a ajouté Scott-Railton.
Comme le fait
remarquer Vice, les détenteurs de
mobiles dans des pays comme l’Italie,
l’Allemagne, l’Autriche, l’Espagne, la
France, la Belgique et le Royaume Uni «
partagent déjà l’emplacement de leurs
courses avec leurs gouvernements
respectifs dans un effort pour dépister
l’expansion du virus ».
Enthousiasme
européen
Alors qu’il n’y a
aucun rapport fait par ces gouvernements
qui utilisent les systèmes du NSO Group,
il existe des signes troublants selon
lesquels l’Union Européenne et ses
membres cherchent à adopter la
technologie de surveillance de masse
sous couvert de lutte contre le
COVID-19.
Lundi, l’ambassade
des Pays Bas à Tel Aviv a déclaré dans
un tweet qu’elle « cherchait des
sociétés hollandaises qui voudraient
s’associer à un partenaire israélien
afin de soumissionner pour une offre
unique de solutions numériques
intelligentes au Corona par le ministère
de la Santé des Pays Bas.
Et Emanuele
Giaufret, ambassadeur de l’Union
Européenne à Tel Aviv, a publié un
courrier dans The Jerusalem Post où il
se
vante de la façon dont le bloc des
27 membres « exploite sa recherche
scientifique et technologique pour
lutter contre le COVID-19 », un
effort qui comporte « des projets de
coopération avec Israël ».
D’après Giaufret,
l’UE a affecté environ 150 millions de
dollars de son programme scientifique
Horizon 2020 « au financement
d’équipes scientifiques à travers
l’Europe ainsi que dans des pays
partenaires, dont Israël, pour aider à
trouver rapidement un vaccin contre le
COVID-19 ».
Il ajoute que le
but de cet effort, « c’est
d’améliorer les diagnostics, les
préparatifs, la gestion clinique et les
traitements ».
Ces activités sont
suffisamment vastes pour y inclure les
efforts de financement de la
surveillance, surtout quand Horizon 2020
a déjà servi ces dernières années à
financer Elbit Systems, entre
autres sociétés de
l’industrie guerrière d’Israël.
Elbit, qui
fait actuellement sa promotion en
tant que fournisseur de technologie pour
combattre la pandémie.
Bennett, le
ministre israélien de la Défense, a
clairement affirmé qu’il voulait
exporter le système de surveillance du
coronavirus de NSO Group.
Et Sky News a
rapporté au début du mois que NSO Group
a « contacté quantité de pays
occidentaux pour leur envoyer son
logiciel de dépistage du coronavirus
».
Testé sur les
Palestiniens
La maltraitance
israélienne sur les Palestiniens, y
compris sur
ses propres citoyens, pendant la
pandémie a poursuivi le même schéma de
racisme, de
violence et de
négligence qui sont fondateurs de
cet Etat.
Les travailleurs
palestiniens de Cisjordanie occupée ont
peu d’autre choix que de travailler pour
des employeurs israéliens s’ils veulent
nourrir leurs familles.
Quand ils sont en
Israël, ils sont exposés au virus qu’ils
risquent alors de
rapporter dans leurs propres communautés.
Mais l’indifférence
systématique d’Israël pour la santé et
la sécurité des Palestiniens ne l’a pas
empêché de les obliger à être des sujets
d’expérience pour ses technologies de
contrôle et de surveillance.
« Les
Palestiniens qui cherchent à vérifier si
leurs permis de séjour en Israël sont
encore valides ont reçu l’instruction
par Israël de charger une application
qui permet à l’armée d’accéder à leurs
téléphones portables », a
rapporté la semaine dernière le
journal de Tel Aviv Haaretz.
« L’application
permettrait à l’armée de pister la
localisation du portable des
Palestiniens, ainsi que d’accéder aux
avis qu’ils reçoivent, aux fichiers
qu’il chargent et sauvegardent, et à la
caméra de l’appareil. »
Haaretz n’explique
pas comment un accès aussi indiscret a
quoi que ce soit à voir avec le combat
contre le virus, et il ne dit pas non
plus qui a fabriqué cette application
particulière.
Mais les médias
israéliens ont
confirmé que la branche de guerre
informatique de l’armée israélienne,
Unité 8200, est impliquée dans le
projet de dépistage du coronavirus de
NSO Group.
En 2014, des
vétérans de l’Unité 8200 ont
révélé que « la population
palestinienne sous régime militaire est
entièrement exposée à l’espionnage et à
la surveillance du renseignement
israélien ».
Les agents
israéliens ont avoué que les
informations qu’ils ont aidé à collecter
et à stocker « nuisent à des gens
innocents ».
« On s’en sert
pour des persécutions politiques et pour
créer des divisions à l’intérieur de la
société palestinienne en recrutant des
collaborateurs et en montant des parties
de la société palestinienne contre elle
même », ont-il ajouté.
Maintenant, le
reste du monde peut obtenir le
traitement des Palestiniens.
« Ce qui se
passe en Palestine ne reste pas en
Palestine », note le groupe de
recherche Who Profits sur
un nouveau site internet consacré à
la surveillance de la façon dont la
crise du COVID-19 se développe dans le
contexte de l’occupation israélienne.
« Une raison
essentielle pour laquelle Israël cherche
perpétuellement à diversifier son
arsenal de répression est qu’il peut
ensuite le transformer en profit
économique et en gains politiques. »
La pandémie du
coronavirus est l’opportunité parfaite
pour Israël de mettre son espionnage sur
le marché de cette façon.
Et tout indique que
l’Union Européenne – en conformité avec
son record sans faille de complicité
– est prête à aider Israël à répandre sa
surveillance partout dans le monde.
Traduction :
J. Ch. pour l’Agence Média Palestine
Source :
The Electronic Intifada
A lire également
sur ce sujet, ce communiqué d’Amnesty
International en date de Septembre 2019:
Le
dossier BDS
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