« L'Audible » vise
à la réappropriation citoyenne de la
presse
Alexandre Latsa
Mercredi 20 novembre 2013
Il y a déjà un an et demi est
apparu un nouveau journal. Baptisé
l’Audible, le journal vise à présenter
une version alternative et hors clivages
du monde, mais aussi à la mise en place
d’une structure favorisant la
réappropriation citoyenne de la presse.
La Voix de la Russie a donc interviewé
Solène Sullerot, qui est rédactrice en
chef du journal.
La Voix de la
Russie : Bonjour, Solène Sullerot, tout
d’abord, pourriez-vous vous présenter et
bien évidemment nous présenter
l’Audible ?
Solène Sullerot :Bonjour,
j'ai 34 ans et j'étais cadre du logement
social. J'ai créé l'Audible que j’ai
financé avec mon salaire. Nous avons
créé une association et nous vendons le
journal en libre participation de
manière à permettre à tous les budgets
d’y avoir accès. Nous cherchons à
relayer des informations peu ou pas
traitées dans les médias dominants dont
il faut avoir conscience que ce sont
avant tout des organes commerciaux
détenus par de grands groupes
financiers, ce qui les contraint à
diffuser les informations susceptibles
de générer de l'audience, ou orientées
dans des directions voulues, souvent
étrangères aux intérêts des citoyens.
La Voix de la Russie
: Pourriez-vous-nous expliquer comment
et pourquoi a germé l’idée de l’Audible?
Solène Sullerot :C’est
de ce constat de graves
dysfonctionnements des grands médias en
France que l'idée de créer l'Audible
m'est venue. En effet, les français sont
de plus en plus
défiants à l'égard des médias
puisqu’ils ne sont plus que 26% à leur
accorder leur confiance. C’est
d’ailleurs la conclusion que la
profession en tire au vu de la baisse
vertigineuse des ventes. Les conflits
d’intérêts étant la principale raison de
leur méfiance des lecteurs, l'idée était
donc de créer un journal sans publicité,
indépendant de tout groupe privé, et
ouvrant ses colonnes à toute personne
souhaitant proposer un article relayant
des informations vérifiées et
vérifiables, et peu relayées dans les
médias.
La Voix de la Russie
: Combien de personnes écrivent
aujourd’hui dans l’Audible ? Comment
fonctionne concrètement le journal et
quelles thématiques visez-vous ?
Solène Sullerot :Le
noyau dur est composé de cinq personnes
et nous avons également une dizaine de
rédacteurs qui travaillent pour nous de
façon ponctuelle. Les articles sont
ensuite soumis à un vote interne. Les
mieux classés sont intégrés dans le
journal.
Comme la presse généraliste, nous
abordons tous les sujets, à la
différence que nous nous focalisons sur
des informations peu, pas, ou
mensongèrement traités dans les médias
commerciaux. Le slogan du journal étant
« Pour entendre ce qui ne peut être lu
», la seule condition est que les
informations que nous relayons n'aient
pas fait l'objet du traitement attendu
dans les grands médias.
Nous avons aussi des chroniques
que nous retrouvons à chaque numéro
(littéraire, encyclopédique, Donald
Forestier).
La Voix de la Russie
: Vous semblez porter un intérêt certain
au fonctionnement de ce que l’on
pourrait appeler le « dispositif
médiatique global » et aux informations
qu’il diffuse, pour quelles raisons ?
Solène Sullerot :Notre
construisons notre vision du monde à
partir des informations mises à notre
disposition. Nous nous informons de
différentes façons : discussions,
lectures, et presse. Nous avons publié,
dans le numéro 3, la carte du parti de
la presse et de l'argent qui démontre
clairement à qui appartiennent les
médias. Cette carte, établie par Acrimed
et les « Nouveaux chiens de garde »,
suscite l'intérêt des lecteurs mais ne
rencontre guère d'engouement chez les
journalistes. On constate par exemple
que le Crédit Mutuel a des parts
importantes dans la totalité des médias
régionaux du Nord-Est de la France.
L'intérêt convergent des groupes
industriels ou financiers qui ont des
parts majoritaires dans certains médias
est de perpétuer le système
économico-politique qui leur a donné des
pouvoirs exorbitants. L'existence d'un «
dispositif médiatique global », pour
reprendre votre expression, cette
concentration de conglomérats privés
n'ayant rien à voir avec le métier de
l'information, pose problème et nous
tenons à pointer la loupe sur ce
phénomène, dont les grands médias, par
la force des choses, ne parlent jamais,
car c'est évidemment suicidaire de
mordre la main qui vous nourrit.
La Voix de la Russie
: Vous présentez l’Audible comme
indépendant de toute publicité.
Récemment nous avons interviewé
Jean-Yves Le Gallou qui justement
dénonçait
la mainmise des groupes publicitaires
sur la presse et les conséquences liées.
Quelle est votre opinion à ce sujet ?
Solène Sullerot :Je
connais Polémia et Jean-Yves Le Gallou
dont j'apprécie le travail. Je partage
ses opinions et essaye d'alerter les
citoyens dans ce sens. Il est évident
que celui qui « finance » la presse à
travers un espace publicitaire dédié,
peut avoir un pouvoir d'influence sur le
comité de rédaction, qui plus est
lorsque le contexte économique des
grands groupes de presse est extrêmement
dégradé. En considération de cette
dépendance indirecte des
médias par rapport aux annonceurs, une
des vocations de l'Audible est
d'expliquer cette privatisation du
marché de l'information. Nous tenons à
rappeler d’ailleurs que la presse vit
sous perfusion de l'Etat. Le Monde, par
exemple, perçoit 17 millions d’euros de
subventions publiques par an (payées
avec nos impôts) ; et il faut noter que
des entreprises comme Bouygues ou
Dassault qui, en plus de posséder de
vastes pans des grands médias, vivent
entre autres de l’attribution de marchés
publics. Ce mélange des genres commence
tout de même à poser question…
La Voix de la Russie
: Il existe dans la presse française un
certain « Russia Bashing », avez-vous
déjà abordé la Russie dans les premiers
numéros de l’Audible, et si non,
comptez-vous le faire ?
Solène Sullerot :Nous
n'avons pas encore eu l'occasion de
parler de la Russie, bien que nous ayons
déjà abordé le conflit syrien. Nous
avons ainsi fait la une du numéro 2, en
janvier dernier, sur une interview de la
mère supérieure d'un couvent syrien
(Agnès Mariam de la Croix). Le
témoignage de cette religieuse a été
superbement ignoré dans les grands
médias, qui n'ont évoqué son cas que
pour la diffamer. Nous avons mis ce
témoignage en avant pour coller à notre
ligne : faire écho à des faits crédibles
peu ou pas relayés par les médias de
masse. Dans le cas précis du conflit
syrien, il est flagrant que jusqu'à
récemment, seule une interprétation
était autorisée dans les grands médias
des pays de de la zone OTAN (jusqu'il y
a peu), celle des médias russes et
chinois, très différente, étant
complètement ignorée. Bien que nous
n'ayons pas vocation à prendre partie
entre ces deux versions, nous avons pour
vocation à relayer celle qui ne l'est
pas. Pour revenir à l'Audible, si nous
n'avons pas vocation à nous faire les
avocats de la Russie, l'existence
évidente d'un unanime "Russia Bashing"
dans les grands médias commerciaux
devrait nous amener, mécaniquement, à
parler de la Russie dans un prochain
numéro.
La Voix de la Russie
: Quels sont vos objectifs et les
objectifs de l’Audible ?
Solène Sullerot :Mon
objectif, à terme, est d'arrêter
l'Audible. J'espère qu'un jour, les
médias traiteront les informations de
façon plus équilibrée et impartiale.
Quand les journalistes auront retrouvé
toute la liberté d'expression qui
devrait être la leur, ce travail de
réappropriation citoyenne de la presse
auquel j'essaie de contribuer n'aura
plus lieu d'être. En attendant, les
objectifs de l'Audible, à court et moyen
termes sont, tout simplement, de
poursuivre le travail de ré-information
par la voie d'un support papier,
d'augmenter notre diffusion et notre
notoriété afin de donner l'écho le plus
large possible à certaines informations
cruciales. Nous cherchons à pérenniser
le journal avec des abonnements. Nous ne
savons pas où cela va nous mener, mais
les retours très positifs que nous avons
eus des quatre premiers numéros, y
compris de la part de journalistes
professionnels, nous encouragent à
poursuivre l'aventure, malgré notre
inexpérience et les problèmes de
financement et de diffusion.
La Voix de la Russie
: Avez-vous quelque chose à rajouter
pour les lecteurs francophones de La
Voix de la Russie ?
Solène Sullerot :Oui...
de ne pas construire une image de la
France et des Français en se basant sur
les positions de ses dirigeants et de sa
presse, qui les uns comme les autres ne
représentent plus depuis longtemps les
intérêts de la France et des Français.
Néanmoins, de nombreux médias
indépendants sont apparus, en
particulier sur la toile, ces dernières
années, qui travaillent dans la même
direction que nous. La télévision et la
presse écrite tendant à perdre de leur
empire au profit d'internet, l'audience
de ces médias ne fait que croître avec
les années, et la perception de la
Russie en France à changer.
Les lecteurs voulant en
savoir plus sur l’Audible peuvent
consulter votre site Internet ici.
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