Alors que
nous fêtons le centenaire du
déclenchement de la Première guerre
mondiale, l’Europe n’a jamais depuis
1991 paru aussi proche d’un nouveau
conflit.
Les événements récents en Ukraine
permettent de tirer de premières
conclusions quant à la réorganisation
mondiale qui devrait faire suite a cet
événement.
Des « révolutions de couleurs »
aux « printemps mortels »
Dans les années 2000, de nombreuses
révolutions ont frappé certains pays de
l’ex-espace soviétique. Présentées
initialement au grand public, via un
dispositif médiatique offensif et
efficace, comme des mouvements
populaires spontanés, on sait
aujourd’hui qu’il n’en est rien. Les
agents opérationnels de ces
manifestations ont depuis bien longtemps
confessé leur rôle et
celui des services secrets américains
dans ces révolutions. Révolutions qui
étaient destinées à assouvir des
ambitions géostratégiques et permettre a
l’hyperpuissance du moment d’imaginer se
projeter à
l’assaut de l’Eurasie afin
d’affaiblir son principal adversaire sur
le continent : la renaissante Russie.
Non violentes et accompagnées d’un
marketing exceptionnel (jeune fille en
fleur, jeunesse souriante… ) bien mis en
avant par l’incroyablement totalitaire
dispositif médiatique occidental, ces
révolutions ont permis la mise en place
d’élites américano-dociles mais qui
n’ont pu relever le défi d’une bonne
gestion économique, fondamentale pour
rester au pouvoir. Les pouvoirs issus de
ces coups d’Etat ont donc tous été
renversés par le suffrage
universel, ce qui fut le cas dans le
plus stratégique de ces pays :
l’Ukraine.
Alors que de plus en plus de sources
semblent
confirmer le fait que les
fameux snipers ayant
ouvert le feu sur la foule étaient des
agents déstabilisants issus de pays
voisins et destinés à
accentuer la colère de la
foule contre le pouvoir, on peut
commencer à appréhender le modus
operandi exécuté. La rue étant moins
naïve qu’il y a 10 ans et les pouvoirs
plus préparés à ces manifestations, il
fallait du sang pour déclencher un chaos
suffisant à déclencher une anarchie qui
n’en est en réalité pas une. Etrange
corrélation? En 2011 lorsque les
incidents en Syrie ont commencé, les
autorités syriennes ont longtemps répété
que des snipers non identifiés dans
certaines villes comme Daraa avaient
contribué à la rapide dégradation de la
situation.
La politique économique et
énergétique américaine a détruit
l’Ukraine comme elle a détruit la Syrie
Apres l’échec de la révolution de
couleur de 2004, qui a abouti à la
réélection du président Ianoukovich, le
nouveau pouvoir ukrainien a
refusé d’entrer dans
l’OTAN. Malgré l’affaiblissement de la
position de maillon énergétique de
l’Ukraine (via les plans de
contournement North Stream et South
Stream), l’Occident américano-centré
sait que l’Ukraine reste un pion
essentiel pour contenir la Russie et
éviter que l’Union eurasiatique en
devenir ne soit au contact de l’Europe
de l’Est et des Balkans.
Les américains ont en effet en tête la
constitution d’une Otan économique,
l’Union transatlantique, et souhaitent
tout faire pour éviter que ne se
constitue une potentielle alliance
politique et économique entre la Russie
et l’Europe. Pour ce faire, il leur faut
donc cantonner l’Union eurasiatique
russo-centrée le plus à l’Est et éviter
que cette dernière ne puisse venir
s’associer à l’Europe.
Comme l’Ukraine, la Syrie s’était
retrouvée
en travers d’un projet
énergétique régional destiné par
ailleurs à permettre l’alimentation d’un
gazoduc concurrent au projet russe South
Stream, et à destination de l’Europe.
Faut-il voir un lien entre les enjeux
énergétiques et la pression étrangère
que subissent ces pays ?
Le dispositif militaire
américano-centré s’approche des
frontières russes
L’Amérique, via l’Otan, poursuit
l’extension de sa zone d’influence à
l’Est en direction de la Russie. A la
chute du mur de Berlin en 1991, la
réunification allemande a marqué le
début d’un reflux de l’influence
russo-soviétique vers les frontières
naturelles de la Russie.
Ce reflux s’est accompagné d’une
intégration des pays d’Europe centrale
et de l’Est à ce dispositif occidental
via l’UE et l’OTAN, que l’on pense aux
vagues d’extensions de 1999 et 2004, à
la guerre menée par l’Otan au cœur de
l’Europe contre un allié de la Russie,
au développement du partenariat pour la
paix qui concerne nombre de pays de la
CEI et enfin au déploiement du projet de
bouclier anti-missile américain aux
frontières russes.
Dans cette avancée à l’Est du dispositif
américain, au mépris de toute sécurité
européenne ou euro-russe, l’agenda
américain inclut une intégration de
l’Ukraine, devant devenir le maillon
oriental d’une colonne vertébrale
sécuritaire incluant l’Allemagne, la
Pologne et l’Ukraine. Sans surprise, le
directeur des services de sécurité
ukrainien a récemment donné une
interview dans laquelle il
explique la forte
ingérence des services secrets polonais
dans les désordres ayant frappé le pays.
De Berlin en 1991, Belgrade en 1999 puis
Kiev en 2014, les zones d’influences
russes et américaines sont donc
désormais en contact, mais désormais aux
frontières russes et notamment en
Crimée.
La Crimée de 2014 : Une « Novaya
Rossia » ?
En agrandissant de facto son territoire
en Europe de l’Ouest, la Russie envoie
un message clair aux Européens selon
lequel elle ne tolérera pas un
déploiement militaire américain à ses
frontières sans qu’il soit difficile de
comprendre pourquoi.
Avec son « action » en Crimée, la Russie
devient le premier pays de l’ère
unilatérale à exécuter un mouvement
géopolitique et géostratégique de grande
ampleur sans aval de la communauté
internationale et occidentale, au cœur
de l’Europe, fut-ce l’Europe orientale.
La dernière annexion militaire en Europe
(orientale) de ce type, qui dure
toujours, est celle opérée par l’armée
turque sur Chypre en 1973, une annexion
militaire ayant aboutie a une occupation
militaire qui perdure mais avec l’aval
de l’Amérique, de l’OTAN (dont elle est
membre) et de l’UE, que la Turquie
prétend rejoindre aujourd’hui.
Les Européens, qui, il y a 100 ans, ont
sombré dans une guerre civile
indescriptible, vont-ils suivre le plan
américain en Europe, contre la Russie,
au mépris de leurs intérêts premiers et
de la paix ? Nos diplomaties, déjà
humiliées en Syrie, seraient sans doute
bien avisées d’agir en prenant en compte
leurs intérêts nationaux et non ceux
d’une organisation militaire qui n’a
finalement, en 2014, plus aucune raison
d’exister autre que de servir les
intérêts américains, fussent t-il
contraires aux nôtres.
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