Analyse
Bataille pour l'Europe
Alexandre Latsa
© Photo:
East News
Mardi 15 avril 2014
Les évènements à Kiev ne
témoignent pas seulement de
l’affaiblissement de l’Ukraine en tant
qu’Etat, mais peut-être même de sa
disparition en tant que nation, du moins
telle que nous la connaissons
aujourd’hui.
Zone faible et molle entouré de deux
zones fortes et dures, la Russie et
l’Ouest américano-centré sous contrôle
de l’OTAN, l’Ukraine paye aujourd’hui
tout autant le prix de l’exécrable
gestion des élites qui s’y sont succédé
au pouvoir depuis la chute de l’URSS que
celui de l’ingérence américaine qui veut
faire d’elle un fusible de l’OTAN au
cœur de l’OTAN aux frontières russes.
Par une inévitable
et implacable logique historique
ressurgissent en ces temps troublés des
lignes de fractures pourtant évidentes
entre l’Ouest du pays qui n’a jamais
fait partie de l’empire russe et fut
annexé par l’URSS, et le reste de
l’Ukraine qui au contraire a fait partie
de l’empire russe. Ce reste de l’Ukraine
qui est lui décomposable entre une
Crimée historiquement russe et rattachée
par accident à l’Ukraine en 1954, un Est
et un Sud-est russophones et ouvertement
pro-russe (ou se concentrent les
troubles de ces derniers jours) et enfin
l’Ukraine centrale avec Kiev qui,
victime de sa croissance et d’une
immigration de travail venue de l’Ouest
du pays, a connu une profonde
modification sociologique que l’on
pourrait qualifier de galicisation
politique, morale et politique.
La
bataille d’influence qui se joue sur
la pauvre nation ukrainienne traduit une
nouvelle fois l’absence de politique
étrangère de l’Europe (la Zerope disait
un célèbre écrivain français exilé au
Canada), dont les positions sont
alignées sur celle de l’Amérique avec
une déroutante symétrie. Pourtant malgré
la prodigieuse propagande déployée pour
nous y faire croire, il n’y a pourtant
pas de coup d’Etat russe en Ukraine.
Les seuls coups
d’Etats en Ukraine sont ceux de 2005 et
2014, le dernier portant le triste nom
d’Euromaïdan malgré son modus
opérandi conçu outre-Atlantique et ses
objectifs dirigés contre la paix sur le
continent. Des coups d’Etats fomentés
par le département d’Etat américain avec
l’intention claire et unique de séparer
l’Ukraine de la Russie et donc la Russie
de l’Europe. Pourtant nul ne peut
aujourd’hui douter que les nations
européennes seraient les grandes
perdantes d’un conflit entre «
l’occident » et la Russie, conflit qui
les éloigneraient de cette dernière.
Le funeste
Euromaïdan, qui a fait des dizaines de
morts, s’est accompagné d’un double
standard sémantico-médiatique odieux.
Pour les journalistes français, lorsque
des dizaines de milliers de casseurs
attaquent l’Etat et l’ordre public en
renversant le gouvernement et causent
directement ou indirectement des
dizaines de morts et des centaines de
blessés, ces évènements sont des
éruptions démocratiques et les
manifestants sont europhiles ou
pro-européens. Dans le même temps, des
comportements similaires à l’Est du pays
sont dénoncés comme une violation du
droit et les activistes pro-russes
qualifiés de terroristes (sic) alors
même qu’on ne compte pas de victimes
mais juste quelques blessés.
Nul ne peut plus
aujourd’hui douter que cette ligne de
fracture provoquée volontairement
survient chronologiquement au moment
précis où l’hémisphère Nord est sur le
point de ce scinder en deux blocs :
eurasiatique et atlantique, autrement
dit russe et américain. Historiquement,
dans la grande fâcherie qui
pourrait survenir entre un Occident
américano-centré et la Russie, la France
et l’Allemagne porteront la lourde
responsabilité historique du vide
politique que la communauté européenne a
manifesté.
Prions que les
élites européennes, visiblement atones à
ce jour, sortent de la torpeur dans
laquelle elles semblent se trouver avant
qu’il ne soit trop tard.
© 2005—2014 La
Voix de la Russie
Publié le 17 avril 2014 avec l'aimable
autorisation de l'auteur
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