Nouvelles d'Orient
Comment Paris favorise
le départ des juifs français vers Israël
Alain Gresh
Photo:
D.R.
Lundi 16 juin 2014
« Afin de développer son activité,
de mieux profiter des synergies
existantes et de faciliter l’intégration
professionnelle et sociale des Français
en Israël, la gestion de l’Antenne
Emploi-Formation a été confiée en 2008 à
l’association AMI dans le cadre d’une
convention annuelle passée avec le
Consulat général de France à Tel-Aviv. »
Qu’est-ce que donc que cette AMI,
avec laquelle le gouvernement français a
signé une convention, c’est-à-dire que
Paris a payée avec les deniers publics ?
L’association « Alya et meilleure
intégration ». Pour ceux qui ne le
savent pas, Alya (« la montée »)
désigne le départ des juifs vers Israël.
Ce départ a toujours été au centre des
préoccupations des organisations
sionistes avant 1948 et du gouvernement
israélien depuis.
Le site de l’association proclame :
« C’est décidé, je fais mon Alya !
C’est décidé, cette année, je monte en
Israël ! Mazal Tov, nous vous
attendons ! Comme vous le savez, il n’y
a pas d’âge pour faire son Alya : Que
vous soyez jeune, en famille ou
retraité, AMI vous donne toutes les clés
pour mener à bien la préparation
pratique des étapes nécessaires à
l’accomplissement de votre Alya. »
Ce site — dont un des partenaires est
le ministère des affaires étrangères
français ! — propose d’aider à
l’installation des arrivants dans
différentes villes, dont, par exemple,
Har Homa, une colonie israélienne située
en territoire palestinien occupé.
Rappelons que, toutes les semaines, ce
même ministère condamne la colonisation
— qui est, selon les statuts de la Cour
pénale internationale (CPI), un crime de
guerre.
Lire Julien Salingue, « Alarmes
israéliennes », Le Monde
diplomatique, juin 2014, en
kiosques. Mais il y a loin de la
parole aux actes et la France est
devenue un allié stratégique d’Israël,
comme en a témoigné la
visite de François Hollande en
novembre 2013. Comme en témoigne aussi
le fait que, au moment où Paris dénonce
les djihadistes partant se battre en
Syrie, il ne prend aucune mesure contre
les milliers de Français qui servent
dans l’armée israélienne, notamment dans
les territoires occupés, et violent
ainsi le droit international ainsi que
la politique officielle de la France
(lire Marc Cher-Leparrain, « Ces
Français volontaires dans l’armée
israélienne », OrientXXI,
18 mars 2014).
Plus encore, l’ambassadeur de France
en Israël Patrick Maisonnave reçoit des
soldats israéliens, comme l’écrit
l’édition française du Jerusalem Post
le 14 janvier 2014 : « Ce sont
dix soldats “seuls”, enrôlés dans Tsahal
alors que leurs parents sont restés en
France, qui sont arrivés jeudi 9 janvier
à Yaffo pour rencontrer l’ambassadeur de
France. » Patrick Maisonnave s’est
félicité de « l’engagement
courageux » de ces soldats dans une
armée d’occupation dont les crimes sont
documentés tous les jours par les
organisations de défense des droits
humains. Mais pour le représentant de la
République, les Palestiniens ne sont
sans doute pas des êtres humains. Pour
les Français qui servent dans cette
armée non plus : il faut notamment lire
dans cet article les propos hallucinants
de cette soldate qui déplore que pendant
l’opération « piliers de défense »
contre Gaza en novembre 2012, son
kibboutz a été bombardé, oubliant ainsi
les milliers de victimes palestiniennes…
Ce ne sont pas des êtres humains, on
vous dit.
Le site de l’AMI précise aux jeunes,
ceux qui sont « aidés » par le consulat,
qu’ils devront faire leur service
militaire :
« En Israël, l’armée est
obligatoire et constitue une période
déterminante dans le processus
d’intégration. Sauf dérogation donc, les
jeunes olim devront faire leur service
militaire. Le temps d’incorporation
dépend de l’âge que vous aurez au moment
de votre arrivée en Israël. »
On se souvient du scandale qu’avaient
provoqué en 2004 les appels du premier
ministre israélien de l’époque, Ariel
Sharon, enjoignant aux juifs de France
d’émigrer en Israël (« Ariel
Sharon appelle les juifs à quitter la
France », Nouvelobs.com,
19 juillet 2004). On ignorait que le
gouvernement français participait à
cette entreprise.
L’existence de notre
journal ne peut pas
uniquement dépendre du
travail de la petite équipe
qui le produit, aussi
enthousiaste soit-elle. Nous
savons que nous pouvons
compter sur vous.
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