Alahed
A Paris et dans d’autres villes en
France et ailleurs,
«Nuit debout» compte changer le monde
Akil Cheikh Hussein
Mardi 26 avril 2016
Depuis le 31 mars et les manifestations
contre la « loi travail », la France et
d’autres pays européens assistent à un
phénomène de protestation sous la forme
de réunions se tenant nuit et jour dans
des places publiques pour discuter et
chercher la voie à suivre pour le
changement.
A quoi cela ressemble-t-il
? Le mouvement des indignés en Espagne,
Syriza en Grèce, Occupy wall Street à
New York, Geração à rasca (génération à
la traîne) au Portugal, ou encore
les riots de Londres et les émeutes des
banlieues parisiennes, pour des
événements plus ou moins récents
en Occident. Les printemps arabes, dans
le voisinage direct de l’Europe. Ou pour
s’enfoncer un plus loin dans l’histoire,
Woodstok aux Etats-Unis et les
événements du mai 1968 en France et
pourquoi pas beaucoup plus loin jusqu’en
1870 et la célèbre Commune de Paris.
Revendications légitimes et justes
Le mouvement «Nuit debout»
à Paris, dans d’autres villes françaises
et ailleurs en Europe ressemble à tout
cela, mais surtout pas aux révolutions
de fleurs, de fruits et de couleurs, ces
dernières étant beaucoup moins
complexes quant à leurs instigateurs et
leurs objectifs.
Certes, tous ces mouvements
ont avec «Nuit debout» un objectif
commun : Un autre projet de société, un
monde différent. Revendications tout à
fait légitimes et justes dans la mesure
où la sauvagerie de l’économie libérale
a considérablement réduit la
possibilité, pour la grande majorité des
gens, de vivre décemment, alors qu’une
petite minorité de nantis souvent
corrompus s’empare de l’essentiel des
richesses mondiales.
De larges secteurs de la
population dans les sociétés
occidentales ont d’ores et déjà des
perspectives économiques et sociales
complètement obstruées. Les entreprises
émigrent vers l’étranger, le chômage
frappe en général jusqu’à 20 ou 25 pour
cent de la main d’œuvre active, l’Etat
de providence n’existe presque plus,
l’austérité prive de plus en plus de
personnes, retraités et autres, de
leur minimum nécessaire de revenus. De
plus en plus de jeunes diplômés
constatent que des années et des années
passées aux études ne leur ont servi à
rien. Tous les pays d’Occident
succombent sous le poids de tout genre
de crises dont la dernière est celle
liée aux migrants… A tout cela s’ajoute
une situation sécuritaire pour le moins
inquiétante sous la menace d’un
terrorisme préfabriqué par les pouvoirs
pour s’en servir pour limiter les
libertés des citoyens et les contraindre
à supporter le mal de peur de se trouver
face au pire.
La
faillite
Bref, les mouvements
mentionnés ci-haut, y compris « Nuit
debout » ont avant tout le mérite de
prouver la faillite non seulement des
régimes en place, mais également du
modèle civilisationnel imposé par le
libéralisme sauvage qui sévit en
Occident et partout dans le monde.
C’est donc légitime et
juste de protester contre cet état
des choses. Mais ce qui se passe à la
place de la République à Paris,
relève-t-il vraiment de la
protestation ?
Celle-ci suppose la
présence de pouvoirs politiques prêts à
écouter leurs peuples et à honorer leurs
revendications légitimes et justes. Mais
ne répondant pas à cette exigence, les
régimes en place devraient se heurter à
des interventions populaires d’un autre
genre et d’un niveau qui serait à la
mesure d’un projet comme celui de la
construction d’un monde meilleur.
En vérité, «Nuit débout »
ne semble pas capable de se diriger vers
la réalisation de cet objectif.
Ne nous arrêtons pas devant
les plaintes des riverains de la place
de la République qui montrent leur
indignation face à certains agissements
des activistes nuideboutistes comme le
vacarme qui empêche les gens de dormir,
les ordures mais aussi les vomis et les
coins de rues transformés en urinoirs
publiques.
Ou devant les accrochages
quotidiens entre eux et les forces de
l’ordre qui cherchent à les déloger à
coup de bombes lacrymogènes auxquelles
ils répondent, faute de pierre, par des
jets de bouteilles et des éclats de
verre.
Ou même devant le fait de
chasser hors de la place, tout en le
huant et l’insultant, un personnage
comme Alain Finkielkraut , pour
ses sympathies israéliennes, alors qu’il
était venu pour voir et écouter.
Des personnes qui se
proposent de construire un monde nouveau
et meilleur ne devraient pas
s’attaquer aux biens publics en cassant
des vitrines ou en saccageant des
banques et des boutiques. Ils ne
devraient pas donner à un ministre
français de l’intérieur l’opportunité de
les traiter de «dépourvus d’idéal» ou
«animés par le seul instinct de la
violence».
Un observateur qui
sympathise avec la cause du changement
vers le meilleur ne peut que regretter
le fait que de quelques milliers de
participants au début de la soirée, il
ne reste le lendemain qu’une centaine de
«Nuideboutiste » alors que les autres
sont allés pour «dormir» au lieu de
rester «debout».
Bien sûr, il existe des
débats et des discussions qui ne
manquent pas d’êtres constructifs et
enrichissants. Mais les thèmes discutés
ne mènent pas très loin. On reste
prisonniers de concepts consommés et,
pour le reste, pour boire et manger, on
apporte à la place de la République des
produits de consommation assurés par la
société qu’on prétend vouloir changer.
Pourtant, tout n’est pas
inutile. Un geste symbolique trace le
véritable chemin vers le monde meilleur.
Certains ont apporté à la place de la
République de la terre et ont planté des
légumes.
Conclusion : On n’a pas
besoin de veiller toute la nuit sur la
place de la République ou ailleurs et
discuter pour changer le monde. Il
faut, pour vraiment changer le monde,
déserter ces places et ses rues
bétonnées et aller loin, là où il y a de
la terre, et planter. Légumes, fruits,
blé et orge. Et tout le reste. Il suffit
de dormir tôt et de se réveiller tôt.
Source :
French.alahednews
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