Alahed
La Turquie au nord syrien… Jusqu’où ?
Akil Cheikh Hussein
Samedi 3 septembre 2016
On a dit autrefois au sujet du célèbre
poète arabe, al-Mutanabbî, qu’il est
«Celui qui a rempli le monde et occupé
les gens». Et au cours des années,
personne n’a concurrencé avec lui pour
lui arracher cette qualification. Sauf
la Turquie. Ou en termes plus exacts,
sauf Erdogan qui est devenu- dans une
grande mesure et grâce aux liquidations
massives, y compris physiques, des
adversaires- celui dont la voix est la
seule entendue en Turquie. Du moins
depuis le coup d’Etat considéré par tous
comme n’ayant pas réussi à renverser
Erdogan, alors qu’il a permis à Erdogan
d’assujettir la Turquie à son contrôle
absolu d’une manière que même le sultan
Salim, tout grand fut-il, l’aurait
vraiment envié.
Et avec une vitesse qui a
dépassé celle des Spahi (1) ottomans à
Marj Dâbiq (l’actuelle Jarabulus),
lorsque le sultan ottoman, Salim, avait
écrasé les troupes de son frère en
religion et en confession, le sultan
mamlouk, Quansoua al-Gouri, il y a
justement cinq siècles jour pour jour,
les chars du sultan Erdogan ont fait
irruption pour écraser, sur les mêmes
lieux, les troupes de certains de ses
frères en religion et en confession.
Il s’agit bien des Kurdes
accueillis par la Syrie, il y a un
siècle, lorsqu’ils fuyaient leur terre
natale à l’Est de l’Anatolie sous la
pression de la répression des Ottomans
puis d’Atatürk.
Ces chars ont fait
irruption pour écraser effectivement les
groupes armés kurdes, alors qu’ils n’ont
écrasé que virtuellement les groupes de
«Daech», alors qu’ils ont traversé les
frontières syriennes pour soi-disant les
écraser, groupes qui, pour le moment
occupent Jarabulus par procuration d’Erdogan
lui-même et de l’Alliance atlantique
dont il est un serviteur fervent.
Après Jarabulus, la
nouvelle armée ottomane a investi les
villages au sud de la ville syrienne où
elle a imité l’ancienne armée ottomane
en faisant usage de la pire violence, en
faisant couler le sang et en répandant
les incendies partout où elle passait.
Personne ne connait le nombre des civils
syriens qui ont été tués dan la localité
de «Jibb el-Kousa» et dans d’autres
localités tombées sous les mains des
Turcs et des autres groupes terroristes
les accompagnant dans leur avancée vers
le sud, où se situe la ville de Manbij.
La question ne concerne pas
seulement le nombre de morts et de
blessés civils qui tomberont dans les
dizaines de villages syriens situés
entre Jarabulus et Manbij, la ville vers
laquelle progressent l’armée d’Erdogan
et celles des «oppositions syriennes»
dont certaines portent des noms riches
en suggestions du genre « Mouvement Nour
ed-dine Zinki » (1), «Brigade du Sultan
Mourad», « Brigade du Sultan Muhammad le
Conquérant» et «Régiment des Martyrs
Turkmènes »…
La question concerne plutôt
la valeur de la thèse pour laquelle,
selon les Turcs, leur armée évacuera le
nord syrien après avoir accompli sa
mission consistant à refouler les
groupes armés kurdes vers la rive
orientale de l’Euphrate ou, selon ce
qu’ils prétendent, consistant à liquider
les groupes terroristes dans la région
en question.
En fait, il est facile de
pénétrer dans les profondeurs des
chimères qui trottent dans la tête d’Erdogan
qui se veut une réincarnation du sultan
Salim. Surtout pour ce qui est de son
armée qui a atteint le Yémen et le
Soudan, côté sud, et les monts Aurès,
côté ouest.
Pourtant, ce qui est
important, à l’instant pour Erdogan, est
Manbij. Après Manbij, c’est au tour de
la ville qui plus que jamais se dessine
dans ses rues l’avenir de la région et
probablement celui du monde entier. Il
s’agit d’Alep. Qui ne la connait pas du
temps où les étendards des Hamdanides
flottaient au-dessus de ses murailles et
citadelles lorsqu’ils stoppaient les
attaques venues du nord des Byzantins
visant -tout comme celles des Turcs
actuels- à reconquérir la Syrie ?
Le vice-président
étasunien, Joe Biden, arrive en Turquie
le jour même du lancement de l’opération
«Bouclier de l’Euphrate». Il veut sans
doute se rassurer de la bonne marche du
combat entre les abusés turcs qui rêvent
de ressusciter leur défunt empire
ottoman et les abusés kurdes qui
ont tant et tant été dorlotés par
Washington et «Tel-Aviv» qui leur
promettaient la création de leur Etat
oublié par les accords Sykes-Picot. Les
uns et les autres ne sont ni les
premiers ni les derniers à être oubliés
et devenus ainsi des produits jetables
après usage.
A part cela, rien que le
silence. Même si ici et là nous
entendons des condamnations verbales.
Tout le monde sait que l’objectif
affiché de la razzia turque n’est pas
Daech. La plupart des combattants de ce
dernier se sont repliés vers les
territoires turcs pour y changer leurs
étendards et les noms de leurs brigades
et contingents avant de retourner et
accomplir leurs missions aux côtés de
l’armée turque.
Cependant, deux faits réels
se sont lourdement plantés au milieu des
données de la réalité. La guerre
turco-kurde est entrée dans un tournant
assez critique. Cela laisse
transparaitre un événement à ne pas
comparer au coup d’Etat dit «raté». Cet
événement a déjà commencé à ébranler, à
la fois, les assises sur lesquelles a pu
survivre la Turquie après la première
guerre mondiale, et les fondements sur
lesquels se lève la totalité du rêve
kurde. Ca c’est d’une part.
D’autre part, il y le
silence susmentionné. Si l’Iran, la
Syrie et la Russie n’ont pas réagi après
tous ces jours passés depuis le début de
l’intervention turque, il est impensable
qu’une telle attitude soit une
expression d’impuissance. Quoi alors ?
Nous nous approchons d’un moment où une
surprise majeure éclatera et prendra la
forme d’un événement qui verra se
réduire, jusqu’à l’infini, par rapport à
lui, la victoire remportée par la
Syrie à Darayya.
(1)- La cavalerie ottomane
(2)- « Nour ed-dine
Zinki » (1118-1174) officier Turc
saljoukid qui, de gouverneur d’Alep, a
fini par régner sur la Syrie, l’Egypte
et le nord de l’Irak. Il a combattu les
Croisés, mais il est célèbre surtout par
la répression qu’il a fait subir aux
Fatimides (chiites). Les Francs
l’appelaient ‘Noradin’.
Source :
French.alahednews
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