Opinion
Les Hurst : père, mère et fille
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Samedi 24 mai 2014
Il y a des êtres
qui font que notre monde ne soit pas
aussi ignominieux que les puissants
voudraient qu’il soit. Des êtres que la
vie façonne et qui sèment l’espoir de
jours fraternels. Dans l’adversité, dans
la souffrance, par le prix à payer de
leur confort, de leur liberté ou de leur
vie, ces êtres font, depuis toujours,
que la Barbarie n’a pas dévoré tous les
espaces et que les horizons restent
ouverts pour ceux qui subissent les
dénis d’un ordre fait pour asservir.
Le 21 mai 2014 au
cimetière Diar Essaada, le soleil
d’Alger était au rendez-vous d’Annik
Hurst, de son père Jean-Louis, qui a
déserté la machine du crime pour le
combat de l’humain, et de sa mère Heike,
la «femme aux cheveux rouges», qui «
sera restée le phare en pleine mer
jusqu’à son dernier regard ». Le soleil
était là qui illuminait l’air et les
couleurs de la nature printanière, la
blancheur de la ville blanche aussi. En
bas, en face la méditerranée brillait de
son bleu argent, son hommage. Annik n’a
pas dormi de la nuit, elle était pressée
d’être là pour sa mère, pour son père,
pour exaucer leur rêve. Ils étaient là
aussi les frères de ce combat, passé et
à venir. Les compagnons d’idéal, venus
les accueillir, qui communient, qui
comprennent le sens du sacrifice de ces
deux militants.
Elle était là
Djamila Boupacha l’insurgée. Et tant
d’autres, ceux qui ont porté et qui
portent la flamme que les Hurst ont
portée, jusqu’à leur dernier souffle.
Qu’ils sont venus transmettre, par cet
ultime geste de se poser en cette terre
libérée. Leur dernier vœu. Sur la pierre
tombale, des mots simples, des mots qui
brûlent de mille feux, des mots
fulgurants :
J’ai quitté ma
famille/
J’ai quitté mon pays/
Je suis un homme du monde…
J’ai quitté ma
famille/
J’ai quitté mon pays/
Je suis une femme du monde…
Jean-Louis et Heike
Hurst.
Un message
planétaire. D’Alger ils disent à
l’Humanité entière la fraternité contre
la Barbarie. D’Alger conquise contre le
colonialisme ils disent le devoir d’être
un Juste. D’Alger ils demandent de dire
non à la bête immonde. Ils auront,
jusqu’au bout, par delà la mort, voulu
porter un coup aux ennemis des hommes.
Ils ont réussi. Ils sont citoyens du
monde. Ils sont de partout.
A partir d’Alger
qu’ils ont choisie pour avoir été de ses
libérateurs, ils sont de partout. Annik
qui rayonnait le savait si bien pour
contenir ce souffle qu’ils lui ont
transmis. Son sourire éclatant, son
allant, sa verve étaient là pour dire ce
qui l’animait. La joie d’être de
Jean-Louis et de Heike, de ces parents
qui lui ont insufflé « leur engagement
et leur foi en la justesse et justice
des hommes ».
Elle a dit : « Chacun d’eux m’a appris
l’exigence de trouver sa place et son
rôle dans l’univers ». Ils auront
réussi. Il n’y avait qu’à la voir
comblée de ce bonheur intense qui
émanait de ses mots et de ses gestes.
Elle a dit débordant d’émotion : « c’est
ici j’ai appris à marcher et courir dans
le vent », car c’est ici qu’il y a
cinquante ans, sa mère et son père l’ont
mise au monde, après que leur lutte pour
la libération de l’Algérie a réussi à
chasser l’oppression colonialiste.
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