Opinion
Tunisie : avant
et avant
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Mardi 23 décembre 2014
Le Fonds monétaire international (FMI)
n’avait pas l’air de se soucier, outre
mesure, des résultats des élections
tunisiennes. Il a annoncé, le 12
décembre dernier, qu’il libérait un
crédit de 104,8 millions de dollars en
faveur de la Tunisie. Ce qui représente
la cinquième tranche d'un programme de
prêts, de l’enveloppe de 1,74 milliard
de dollars, mise en place, en juin 2013,
et destinée au soutien à « la
transition démocratique » en
Tunisie. Pour le FMI, «la Tunisie a
accompli une transition politique
réussie tout en traversant un
environnement difficile au niveau
intérieur comme extérieur». Ensuite,
le FMI n’a pas manqué d’expliquer
pourquoi la transition a réussie. Il
nous dit que « la vision économique
présentée par le gouvernement en
septembre dernier (…) contient plusieurs
réformes (…), notamment, au niveau de
l'amélioration du climat des affaires,
l'incitation du secteur privé et la
restructuration des banques publiques ».On
comprend dès lors la raison du peu de
cas qu’il fait des scrutins, aussi bien
parlementaire que présidentiel. Tout
s’est joué d’avance. Autour, dans les
médias, il n’y a aucune réaction à la
chose, comme si elle allait de soi.
Comme si les citoyens tunisiens
n’avaient pas droit au chapitre et que
leur vote n’allait rien modifier au
dispositif mis en œuvre. Comme si les
programmes électoraux, ce qui est
évidemment le cas, n’avaient aucune
espèce d’importance. Ce faisant, le FMI
ne s’inquiète pas que l’on s’interroge
du bien fondé d’une démocratie où le
peuple n’est pas de la partie. Lui, dont
la condition incontournable est la
démocratisation. Au même moment, dans
les joutes électorales, les candidats
n’ont pas cru utile de faire le moindre
commentaire. Même s’ils ont des
promesses plein la bouche à destination
de leurs électeurs,« changer la
situation » par exemple, ils n’ont
pas évoqué que dans les accords déjà en
vigueur, le gouvernement est
aussi appelé « à réduire les
subventions dans le secteur de l'énergie
et à contrôler la masse salariale dans
le secteur public ». Force est de
constater, par cet exemple édifiant que
la malédiction historique, qui a soumis
l’humanité au pouvoir de l’argent,
l’empêche toujours de s’en dépêtrer.
Elle perdure et l’enfonce, chaque jour
un peu plus, dans l’horreur. L’argent
sait y faire pour ne rien laisser voir
de son pouvoir et de l’horreur qu’il
enfante. Il sait produire le spectacle
et le décor, il sait vendre les
illusions, toutes les illusions. Il sait
faire rêver, mettre des couleurs aux
horizons, dans le regard des hommes. Il
sait vendre l’espoir, quand l’illusion,
quand le rêve, s’estompe. Parce qu’il
peut et sait tuer l’intelligence des
choses et imposer le mensonge. Partout,
ou presque, des femmes et des hommes,
des enfants, sont en train de souffrir,
de mourir de la faim ou de la maladie,
de la guerre aussi et surtout, que
l’argent a provoquées. Il peut et sait
créer des ennemis, à ses ennemis, où il
veut, quand son pouvoir est en danger,
pour se porter en sauveur. Il sait faire
croire que la seule liberté qui compte
se trouve dans les mots de ses
serviteurs et non dans la vie.
Ahmed Halfaoui
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