Opinion
Les deux 8 mai 1945
Ahmed Halfaoui
© Ahmed
Halfaoui
Vendredi 8 mai 1945
Le 8 mai 1945 s’est déroulée à Berlin la
cérémonie de signature de l’acte de
capitulation de l’armée nazie. Le 7 mai,
il y a bien eu une cérémonie similaire,
à Reims en France, mais elle n’avait
aucune validité du fait de l’exigence de
l’URSS, principal vainqueur en Europe,
que ce soit sur le territoire allemand
que la capitulation se fasse.
L’événement a été émaillé de quelques
détails qui méritent d’être cités. Ils
concernent la participation de la
France. Le général de Gaulle rapporte,
dans ses mémoires, que le représentant
allemand, le feldmarschall Wilhelm
Keitel, a eu cette exclamation :
« Quoi ? Les Français aussi ! ». Et
pour cause, il ne s’attendait qu’à la
présence des vainqueurs, l’Union
soviétique, les Etats-Unis et la
Grande-Bretagne, dont seuls les drapeaux
trônaient sur l’un des murs de la salle.
En fait il aura fallu, au général de
Lattre de Tassigny, représentant de la
France, de déployer toute une diplomatie
pour que le maréchal Joukov déclare :
« si personne n’y fait opposition,
j’accepte volontiers, pour ma part, que
la France signe. Le soviétique donne
alors à des jeunes filles de l’Armée
rouge d’en coudre un. Elles le font à
partir d’un morceau de tissu rouge
découpé dans un drapeau nazi, d’un bout
de toile blanche et d’un bout de bleu de
travail. En fin de compte, le drapeau
tricolore, confectionné dans l’urgence,
avait ses bandes inversées. De Lattre
put signer en tant que simple témoin et
non en tant que signataire contractant.
Il faut dire que les Anglo-saxons
avaient un projet assez précis pour la
France, qu’ils envisageaient de mettre
sous leur propre administration. De
Gaulle leur en gardera une rancœur
indélébile. Le même jour, ailleurs,
cette France avait un tout autre visage,
celui du colonialisme, en face des
Algériens. Elle s’est appuyée sur les
collaborateurs des nazis pour opérer
l’un des plus grands massacres que
l’histoire ait connus. Ces
collaborateurs qui ont applaudi à
l’avènement du gouvernement capitulard
du maréchal Pétain, qui ont déporté des
milliers d’Algériens vers les chantiers
du troisième Reich, qui ont jubilé à
l’abrogation du décret Crémieux de 1870,
qui accordait la nationalité française
aux Juifs indigènes et qui ont
donné de l’artillerie contre le
débarquement des Alliés en novembre
1942. Ceux-là ont pu donner libre cours
à leur haine contre des populations
désarmées. Des populations qui ont cru
que le monde en avait fini avec
l’asservissement et que la liberté
devait déferler sur l’Humanité. Elles
ont voulu manifester la joie de la
victoire sur la bête fasciste, comme à
Londres, à Paris et comme partout où la
liberté a regagné la vie. Elles ont eu
tort. Les Algériens ont dû comprendre et
apprendre, ce jour là, et les jours qui
l’ont suivi, qu’ils étaient en train de
payer le prix à la liberté. Un prix
qu’ils vont finir de payer quelques
années plus tard, dans une dernière
bataille contre une barbarie qui ne
connaît que la violence. Il n’avait pas
suffi qu’ils combattent les armées
hitlériennes, en tant qu’indigènes, ils
se devaient de combattre pour eux-mêmes.
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